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évangéline.

Jupon blanc, souliers fins, chapeau de Normandie,
Et brillants anneaux d’or qu’aux rives d’Acadie
Une aïeule de France autrefois apporta ;
Que la mère, en mourant, à sa fille quitta
Comme un gage sacré, comme un saint héritage.
Mais un éclat plus doux inondait son visage
Quand elle revenait de confesse le soir,
Passait les yeux baissés sur le bord du trottoir
Adorant dans son cœur Dieu qui l’avait bénie.
On aurait dit alors qu’une pure harmonie
Comme un accord qui meurt sur ses pas s’élevait.
La rustique maison du fermier se trouvait
Sur un charmant coteau dont la pente riante
S’inclinait, par degrés, vers la rive bruyante.
Le sentier pour s’y rendre était bordé d’ormeaux ;
Un sycomore altier, de ses vastes rameaux,
En ombrageait la porte et la sombre toiture.
À travers la prairie un sentier de verdure
Conduisait au verger tout en fleurs le printemps,
L’automne, tout en fruits. De ses bras palpitants
Une vigne enchaînait l’antique sycomore
Et protégeait l’essaim d’une ruche sonore.
Et plus bas se trouvaient, sur le flanc du coteau,
Le puits au bord mousseux, et tout auprès, un sceau
Et l’auge où s’abreuvaient les bœufs et les génisses.
Puis du côté du nord plusieurs autres bâtisses,
Les granges, les hangars protégeaient la maison
Contre les ouragans poussés par l’aquilon.
C’était là qu’on voyait les voitures diverses :
Les pesants chariots, la charrue et les herses,
La vaste bergerie où bêlaient les moutons,
Et le brillant sérail où criaient les dindons.