Page:LeMay - Essais poétiques, 1865.djvu/20

Cette page a été validée par deux contributeurs.
4
évangéline

S’étendaient des vergers et des bouquets d’ormeaux
Le lin vert balançait ses frêles chalumeaux,
Et le blé jaunissant, ses tiges plus robustes ;
Vers le nord surgissaient mille sortes d’arbustes,
Des bois mystérieux et de sombres halliers ;
Et, sur les hauts sommets des monts irréguliers,
De magiques brouillards, des brumes éclatantes,
Se paraient au soleil de couleurs inconstantes
Et semblaient admirer le vallon dans la paix
Sans oser cependant y descendre jamais.

C’est là qu’apparaissaient, charmantes et coquettes,
Les maisons du hameau qui toutes étaient faites
Avec du bois de chêne, ou d’orme ou de noyer,
Comme le paysan bâtissait son foyer,
Dans la terre Normande, alors que sur le trône
S’asseyaient les Henri. Un chaume frais et jaune,
Arrangé par faisceaux, recouvrait tous les toits ;
Des lucarnes laissaient, par les châssis étroits,
Pénétrer le soleil jusqu’au fond des mansardes.
Lorsque tournant au vent, les girouettes criardes
S’illuminaient des feux d’un beau soleil couchant ;
Dans les beaux soirs d’été, lorsque l’herbe du champ
Exhalait son arôme et tremblait à la brise,
Sur le seuil de la porte avec sa jupe grise,
Et sa câline blanche et son mantelet noir,
La femme du hameau venait gaîment s’asseoir,
Et filait sa quenouille ; et les jeunes fillettes
Unissaient leurs chansons, au bruit clair des navettes