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nêtres du caveau dans lequel elle dormait, le soleil et le vent sont entrés et elle s’est dissoute.

Avec la religion juive s’évanouit l’esprit juif. Cet esprit anima encore Heine et Boerne, Marx et Lassalle, mais ils avaient été élevés encore à la juive, ils avaient été bercés par des traditions que les jeunes Juifs d’aujourd’hui ignorent et dédaignent, et maintenant il n’y a plus, ou du moins il tend à ne plus y avoir, de personnalité juive.

Ainsi, ces Juifs composés de diverses couches dissemblables, que de semblables conditions de vie extérieure, de semblables préoccupations intellectuelles, de semblables formes religieuses, morales et sociales avaient unifiés, ces Juifs retournent à l’hétérogénéité. Les constantes qui les avaient formés devenant des variables, l’artificielle uniformité disparaît, parce que disparaissent la foi juive, les pratiques juives, l’esprit juif, et avec cet esprit, ces pratiques, cette foi, les Israélites eux-mêmes s’évanouissent. Ce que n’ont pu faire les persécutions, l’affaiblissement des croyances religieuses, partant des croyances nationales, l’a accompli. Le Juif libéré, soustrait aux codes exceptionnels et au talmudisme ankylosant, est un élément absorbé, bien loin que d’être un élément absorbant. En certains pays, comme aux États-Unis, "la distinction entre Juifs et chrétiens s’efface rapidement[1]", elle s’effacera de jour en

  1. Henry George : Progrès et Pauvreté, Paris, 1887, traduction française.