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interdirent toute union avec les Juifs ; ils s’adonnèrent au trafic de l’or et on leur défendit d’exercer d’autres professions ; ils s’éloignèrent du monde et on les contraignit à rester dans des ghettos.

Ils étaient ainsi différents de ceux qui vivaient à leurs côtés, mais, avant leur émancipation, ils échappaient aux regards ; ils se tenaient à part, nul n’avait de contact avec eux, on leur avait tracé leur domaine, assigné leur lot, et ils vivaient en marge des sociétés sans gêner en rien la marche générale, car ils ne faisaient pas partie du corps social. Lorsqu’ils furent libérés, ils se répandirent partout, et ils apparurent tels que les âges les avaient faits. On eut devant eux l’impression que l’on ressentirait si l’on voyait soudain les Tziganes du monde se rallier à la civilisation et réclamer leur place. Car on avait changé les conditions dans lesquelles depuis si longtemps les Juifs vivaient, mais on ne les avait pas modifiés eux-mêmes, et il fallait pour une telle œuvre autre chose que la décision de l’Assemblée nationale. Produit d’une religion et d’une loi, les Israélites ne pouvaient se transformer que si cette loi et cette religion se transformaient.

Ici nous nous trouvons en face d’une objection capitale. Les antisémites ne se bornent pas à dire que le Juif appartient à une race différente, qu’il est un étranger ; ils affirment qu’il est un élément inassimilable et irréductible, et si quelques-uns admettent que le Juif peut entrer dans la composition des peuples, ils prétendent que c’est au détriment de ces