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tion de l’esprit conservateur contre les tendances issues de la Révolution, toutes les causes qui l’ont amené ou conservé peuvent se ramener à une seule : les Juifs ne sont pas encore assimilés, c’est-à-dire qu’ils croient encore à leur nationalité. Ils continuent, par la circoncision, par des règles prophylactiques spéciales, par des prescriptions alimentaires, à se différencier de ceux qui les entourent ; ils persistent en tant que Juifs, non pas qu’ils ne soient susceptibles de patriotisme, – les Juifs en certains pays comme en Allemagne ont contribué plus que personne à réaliser l’unité nationales – mais ils résolvent le problème qui paraît insoluble de faire partie intégrante de deux nationalités ; s’ils sont Français et s’ils sont Allemands[1], ils sont aussi Juifs, et si on leur sait un gré médiocre d’être Allemands et d’être Français, on leur reproche vivement d’être Juifs. On les considère dans tous les États comme les Américains considèrent les Chinois, ainsi qu’une tribu d’étrangers ayant conquis les mêmes privilèges que les autochtones, et ayant refusé de disparaître. On les sent encore différents, et plus les nations s’homogénéisent plus ces différences apparaissent. Dans ce grand mouvement qui conduit chaque peuple à l’har-

  1. Les antisémites allemands reprochent aux Juifs de nourrir des sentiments hostiles à l’Allemagne et de favoriser les intérêts français, mais les antisémites français reprochent à leur tour aux Juifs leur prétendue tendresse pour l’Allemagne. C’est une façon d’affirmer que les Juifs sont étrangers, ou, pour mieux dire, non assimilés.