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comme l’a fait M. Delitzch en Allemagne, que nul livre hébraïque, talmudique ou kabbalistique, ne contient la prescription du meurtre rituel[1], ce que fit déjà Wagenseil[2]. On prouverait ainsi et on a prouvé que la religion juive ne demande pas de sang, mais aura-t-on prouvé ainsi que jamais aucun Juif n’en versa ? Non certes, et assurément, pendant le Moyen Âge, il dut y avoir des Juifs meurtriers, des Juifs que les avanies, les persécutions poussaient à la vengeance et à l’assassinat de leurs persécuteurs ou de leurs enfants même. Cependant cela ne nous donne pas l’explication de la légende populaire. Elle est née d’abord de cette idée répandue que le Juif était fata-

    immolant la sienne. Aux holocaustes molochistes, répondent les holocaustes bibliques. Cette idée barbare du sacrifice de l’individu à la divinité ou à la collectivité se trouve partout ; elle est arrivée à son apogée avec la religion chrétienne qui est la religion du perpétuel sacrifice sanglant, dans laquelle le taureau et le bélier des sacrifices mithriaques sont remplacés par la victime humaine mourant sans cesse, tandis qu’on communie de sa chair et de son sang, dernier vestige symbolique du cannibalisme religieux. La théorie du sacrifice est encore puissante dans l’idéologie morale et sociale ; il serait curieux de l’étudier comme vestige des pratiques anciennes.

  1. La superstition du sang dans l’humanité et les rites sanguinaires, par le Dr Hermann L. Strack, docteur en théologie et en philosophie, professeur extraordinaire de théologie protestante à Berlin, Munich, 1892. — F. Delizch : Échec et mat aux menteurs Rohling et Justus, Erlangen, 1883.
  2. Wagenseil : Benachrichtigung Wegen einiger Juden schaft angehend vicht Sachen, Aaltdorf, 1707. Le deuxième mémoire de ce livre a pour titre : Judoeos non uti sanguine christiano ; il a d’autant plus d’importance que Wagenseil est extrêmement hostile aux Juifs dont il a publié les livres de polémique dans ses Tela Ignea Satanœ.