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le docteur de l’incrédule, tous les révoltés de l’esprit sont venus a lui, dans l’ombre ou à ciel ouvert. Il a été à l’œuvre dans l’immense atelier de blasphème du grand empereur Frédéric et des princes de Souabe ou d’Aragon »[1].

Chose digne de remarque, si d’une part les Juifs averroïstes, incrédules, sceptiques et blasphémateurs sapèrent le christianisme en répandant le matérialisme et le rationalisme, ils générèrent cet autre ennemi des dogmes catholiques : le panthéisme. En effet, le Fons vitæ d’Avicebron fut la source où puisèrent de nombreux hérétiques. Il est possible, probable même, que David de Dinant et Amaury de Chartres aient été influencés par le Fons vitæ, qu’ils connurent d’après la traduction latine faite au douzième siècle par l’archidiacre Dominique Gundissalinus, et assurément Giordano Bruno a fait des emprunts à cette Source de Vie, d’où son panthéisme dérive en partie[2].

Si donc les Juifs ne furent pas la cause de l’ébranlement des croyances, de l’affaiblissement de la foi, ils peuvent être comptés parmi ceux qui amenèrent cette décrépitude et les changements qui s’ensuivirent. Ils n’eussent pas existé que les Arabes et les

  1. James Darmesteter : Coup d’œil sur l’histoire du peuple juif, Paris, 1881.
  2. Pour tout ce qui concerne Ibn Gebirol (Avicebron), son rôle dans la philosophie du Moyen Age et surtout dans les discussions entre Thomistes et Scotistes lire les études de Munk dans les Mélanges de philosophie juive et arabe, et Hauréeau : Histoire de la Philosophie scholastique, Paris 1872-1880.