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tous les efforts de ce chrétien tendaient à détruire le judaïsme, à abolir cette religion qui était désormais la patrie juive. Le goï des Macchabées, le minéen des docteurs, devint le chrétien, et au chrétien on appliqua toutes les paroles de haine, de colère, de désespoir furieux qui se trouvaient dans le livre. Pour le chrétien, le Juif fut l’être abject, mais pour le Juif, le chrétien fut le goï, l’abominable étranger, celui qui ne craint pas les souillures, celui qui maltraite la nation élue, celui par qui souffre Juda. Ce mot goï renferma toutes les colères, tous les mépris, toutes les haines d’Israël persécuté, contre l’étranger, et cette cruauté du Juif vis-à-vis du non-Juif est une des choses qui montrent le mieux combien l’idée de nationalité était vivace chez les enfants de Jacob. Ils croyaient, ils crurent toujours être un peuple. Le croient-ils encore aujourd’hui ?

Parmi les Juifs qui reçoivent l’éducation talmudique, et c’est encore la majorité des Juifs, en Russie, en Pologne, en Galicie, en Hongrie, en Bohême, dans l’Orient, parmi ces Juifs l’idée de nationalité est encore aussi vivante qu’au moyen-âge. Ils forment encore un peuple à part, peuple fixe, rigide, figé par les rites scrupuleusement suivis, par les coutumes constantes et par les mœurs, hostile à toute nouveauté, à tout changement, rebelle aux efforts tentés pour le détalmudiser. En 1854, des rabbins anathématisèrent les écoles d’Orient, fondées par des Juifs français, et où on apprenait les sciences profanes ; en 1856 à Jérusalem, on lança l’anathème contre l’école fondée