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on y arriva par la fiction de l’adoption et, dans ces civilisations lointaines il n’y eut place que pour l’enfant de la tribu et de la cité, ou pour l’adopté. L’étranger, dans toutes les législations primitives, fut l’ennemi, celui dont il fallait se garer, le perturbateur, celui qui troublait les croyances et les idées. Cependant, à mesure que les collectivités s’agrandirent, elles devinrent moins unes. Si l’on considère comme marque exclusive de l’unité la filiation sans rupture, nous avons vu que déjà, dans la préhistoire, les vastes hordes furent formées par l’agglomération de bandes hétérogènes, et les états, les premiers états historiques, furent à leur tour constitués par l’agglomération de ces hordes, qui déjà ne pouvaient réclamer le même ancêtre pour chacun de leurs membres. Malgré tout, jusqu’à nos jours, cette idée de la communauté d’origine s’est perpétuée. C’est qu’elle dérive d’un besoin essentiel : le besoin d’homogénéité, d’unité, besoin qui pousse toutes les sociétés à réduire leurs éléments dissemblables, et cette croyance à la pureté du sang n’est que la manifestation extérieure de ce besoin d’unité, c’est une façon d’en exprimer la nécessité, façon nette, simpliste et satisfaisante pour l’inconscient et pour le sauvage mais en tout cas insuffisante et surtout indémontrable pour celui qui ne se contente pas du décor des choses.

De même la théorie de l’inégalité des races repose sur un fait réel ; elle devrait se formuler : l’inégalité des peuples, car il est de toute évidence que la des-