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les plus vénales, les plus abjectes de l’Europe. La moitié des ressources de la classe moyenne juive, disent MM. Weber et Kempster et M. Harold Frédéric[1], passent à la police. Tout Juif d’une condition aisée est victime d’un chantage perpétuel. Quant à ceux-là (la majorité) qui sont trop misérables pour pouvoir payer, ils sont soumis aux plus odieux, aux plus inhumains traitements, obligés de se plier à tous les caprices des policiers brutaux qui les régentent et les martyrisent, comme ils martyrisent d’ailleurs les nihilistes et les suspects de libéralisme que l’horrible autocratie tsarienne remet à leur autorité[2].

Pourquoi ces traitements, cette persécution abominable ? Parce que, répondent les antisémites, ces quatre millions et demi de Juifs exploitent les quatre-vingt-dix millions de Russes. Comment les exploitent-ils ? Par l’usure. Or les neuf dixièmes des Juifs russes ne possèdent rien, il y a à peine en Russie dix à quinze mille Juifs qui soient détenteurs de capitaux. Sur ces dix à quinze mille, les uns sont commerçants, les autres financiers, et assurément pratiquent l’agio sinon l’usure ; enfin une minorité infime habitait jadis les villages et prêtait aux paysans. On a bien chassé ces derniers des campagnes, mais on a

  1. Loc. cit.
  2. La situation des Juifs en Russie vis-à-vis du peuple est absolument la même qu’au moyen âge. Le paysan et l’ouvrier russes sont, à peu de choses près, aussi misérables que les Juifs. Ils sont, eux aussi, soumis aux vexations et à l’arbitraire, mais cependant ils ne sont pas persécutés et ils ont, jusqu’à un certain point, la faculté de se mouvoir.