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milation des Israélites au malin esprit leur fit attribuer la figure de bouc et les cornes au front, beaucoup de ces croyances restent inexplicables. Elles proviennent en grande partie de ce que la vie retirée des Juifs, leur habitude séculaire de se tenir à l’écart, de ne pas se mêler à ceux qui les entouraient, surexcitèrent toujours l’imagination populaire. Chaque fois que des individus ou des groupes d’individus se sont parqués volontairement, ou ont été parqués, le même phénomène s’est présenté ; on a oublié les causes qui avaient amené cette sorte de réclusion, et on a attribué à ces isolés des passions, des vices, des infirmités qu’on supposait d’autant plus horribles, que ces solitaires étaient détestés. La même chose s’est produite pour certaines associations conventuelles, pour des sociétés secrètes, pour des ordres religieux militants, pour tous les groupements qui, de quelque façon que ce soit, vécurent en dehors de la masse, pour des raisons mystiques, nationales ou politiques, peu importe. Le peuple est naturellement curieux, de plus, il est fort imaginatif, enclin à former des légendes, à engendrer des fables et cela naïvement, d’une façon enfantine. Un mot, une phrase, une association d’idées lui suffisent ; sur le moindre indice il échafaude des rêves, invente des contes dont il nous est impossible de démêler l’origine. Ce qui est caché l’inquiète, le trouble, le préoccupe ; il cherche les motifs qui ont pu pousser une classe d’hommes à se réfugier dans une solitude collective, et s’il ne les trouve pas, il les invente, ou, en tous