Page:Lazare - L’Antisémitisme, 1894.djvu/169

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Joseph Caro avait rédigé le Schulchan Aruch, code talmudique qui — suivant d’ailleurs les traditions inculquées par les rabbanites — érigeait en lois les opinions doctorales. Jusqu’à notre temps, les Juifs d’Europe vécurent sous l’abominable oppression de ces pratiques[1]. Les Juifs polonais, renchérissant encore sur Joseph Caro, raffinèrent les subtilités déjà si grandes du Schulchan Aruch, auquel ils firent des additions, et ils instaurèrent dans l’enseignement dialectique la méthode du Pilpoul (des grains de poivre).

A mesure donc que le monde se faisait plus doux pour eux, les Juifs — du moins la masse — se retiraient en eux-mêmes, ils rétrécissaient leur prison, ils se liaient de liens plus étroits. Leur décrépitude était inouïe, leur affaissement intellectuel n’avait d’égal que leur abaissement moral ; ce peuple paraissait mort.

Cependant la réaction talmudique partit des Juifs eux-mêmes. Au dixième siècle, Mardochée Kolkos[2], de Venise, avait déjà publié un livre contre la Mischna ; au dix-septième siècle, Uriel Acosta combattit avec violence les rabbins[3], et Spinoza ne se montra pas pour eux très tendre[4]. Mais l’antitalmudisme se manifesta surtout au dix-huitième siècle, d’abord parmi les mystiques, ainsi les Zoharites disciples

  1. Aujourd’hui encore ils vivent ainsi en Russie, en Pologne et en Galicie.
  2. Voir Wolf : Bibliotheca Hebraæ, t. II, p 798, Hambourg, 1721.
  3. Exemplar vitæ humanæ, (publié par Limborch, 1687).
  4. Tractatus. Theolog. Polit.