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guerres judéennes et après la dispersion ; ils possédaient de grands biens, étaient riches, puissants, honorés, et avaient pris une grande influence sur la population au milieu de laquelle ils vivaient. L’impression même que les peuples d’Espagne reçurent du judaïsme persista pendant des siècles, et cette terre fut la dernière qui vit encore une fois le combat, à armes presque égales, entre l’esprit juif et l’esprit chrétien. À plusieurs reprises l’Espagne faillit être juive, et c’est faire l’histoire de ce pays, jusqu’au quinzième siècle, que de faire l’histoire de ses Juifs, car ils furent mêlés à sa littérature, à son développement intellectuel, national, moral et économique, de la plus intime et de la plus remarquable façon. Contre les tendances, contre le prosélytisme juifs, l’Église combattit dès son premier établissement en Espagne et elle ne les extirpa complètement — et encore ! — qu’après douze siècles de lutte.

Jusqu’au sixième siècle, les Juifs espagnols jouirent du plus parfait bonheur. Ils furent heureux comme en Babylonie, et en Espagne ils retrouvèrent une autre patrie. Les lois romaines ne les atteignirent pas là, et les prescriptions ecclésiastiques du concile d’Elvire[1], qui interdisaient aux chrétiens d’avoir des rapports avec eux, restèrent lettre morte. Leur état ne fut pas modifié par la conquête visigothique, et les Visigoths ariens se bornèrent à persécuter les catholiques. Les Juifs jouirent des mêmes

  1. Au quatrième siècle.