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massacre de la Saint-Barthélemi, que la reine Catherine de Médicis donna une fête dont nous empruntons les détails aux mémoires de l’état de France, sous Charles IX : — « Premièrement, en la dite salle, à main droite, il y avoit le Paradis, l’entrée du quel était défendue par trois chevaliers armés de toutes pièces, qui étoient Charles IX et ses frères. À main gauche, étoit l’Enfer dans le quel il y avoit un grand nombre de diables et de petits diablotaux, faisant infinies singeries et tintamarres, avec une grande roue tournante dans le dit enfer, toute environnée de clochettes. Le Paradis et l’Enfer étoient séparés par une rivière qui étoit entre deux, sur la quelle il y avoit une barque conduite par Caron, nautonier d’Enfer. À l’un des bouts de la salle, et derrière le Paradis, étoient les Champs-Élysées, à sçavoir, un jardin embelli de verdure et de toutes sortes de fleurs ; et le ciel empirée, qui étoit une grande roue avec les douze signes du zodiaque, les sept placettes, et une infinitude petites étoiles faites à jour, rendant une grande lueur et clarté par le moyen des lampes et flambeaux qui étoient artistement accomodés par derrière. Cette roue étoit dans un continuel mouvement, faisant aussi tourner ce jardin dans le quel étoient douze nimphes fort richement parées. Dans la salle se présentèrent plusieurs troupes de chevaliers errans (c’étoient des seigneurs de la religion qu’on avoit choisis exprès). Ils étoient armés de toutes pièces, vêtus de diverses livrées, et conduits par leurs princes (le roi de Navarre et le prince de Condé), tous les quels tâchant de gagner ce Paradis, pour ensuite aller quérir ces nimphes au jardin, en étoient empêchés par les trois chevaliers qui en avoient la garde ; les quels, l’un après l’autre, se présentoient à la lice, et ayant rompu la pique contre les dits assaillants, et donné le coup de coutelas, les renvoyoient vers l’Enfer où ils étoient trainés par des diables et diablotaux. Cette forme de combat dura jusqu’à ce que les chevaliers errans eussent été combattus et traînés un à un dans l’Enfer, le quel fut ensuite clos et fermé. À l’instant descendirent du ciel Mercure et Cupidon portés sur un coq. Ce Mercure étoit cet Étienne le Roi, chantre tant renommé, le quel étant à terre, se vint présenter aux trois chevaliers, et près un chant mélodieux, leur fit une harangue, et remonta ensuite au ciel sur son coq, toujours chantant. Alors les trois chevaliers se levèrent de leurs sièges, traversèrent le Paradis, allèrent aux Champs-Élysées quérir les douze nimphes, et les amenèrent au milieu de la salle où elles se mirent à danser un ballet fort diversifié et qui dura une grosse heure. Le ballet achevé, les chevaliers qui étoient dans l’Enfer furent délivrés et se mirent à combattre en foule et à rompre des piques. Ce combat fini, on mit le feu à des traînées de poudre qui étoient autour d’une fontaine dressée presqu’au milieu de la salle, d’où s’éleva un bruit et une fumée qui fit retirer chacun. Tel fut le divertissement de ce jour, d’où l’on peut conjecturer qu’elles étoient, parmi telles feintes, les pensées du roi et du conseil secret. »

Jusqu’à l’époque de la révolution, le château des Tuileries ne fut le théâtre d’aucun événement important. Louis XIV avait abandonné cette habitation pour aller résider à Saint-Germain, puis à Versailles. Ses successeurs l’imitèrent. On donnait des fêtes publiques dans le jardin des Tuileries. L’une d’elles fut attristée le 1er février 1783 par un malheur. Les physiciens Charles et Robert voulurent y faire une expérience aérostatique ; mais le second périt victime de son audace.

Louis XVI habitait Versailles, lorsque le peuple ameuté alla l’y chercher. Le roi vint occuper les Tuileries le 6 octobre 1789. — Au mois de février 1790, le jardin fut le théâtre d’une émeute dont le départ des tantes du roi servit de prétexte. — Au mois d’avril suivant, un autre rassemblement s’y forma pour empêcher Louis XVI d’aller à Saint-Cloud. — Le 20 juin 1792, le peuple envahit les Tuileries, sous prétexte de présenter lui-même des pétitions au roi ; cette désastreuse journée servit de prélude à la sanglante révolution du 10 août. Cette fois, la populace pénétra dans le palais, le fer et le feu à la main. Les défenseurs du roi furent impitoyablement égorgés, tout fut pillé, saccagé. Quelques membres du département voyant le désordre qui régnait dans le château, conseillèrent au roi de se retirer au sein de l’Assemblée. Louis XVI s’y rendit avec sa famille ; quelques heures après son arrivée, fut rendu ce décret célèbre : « Louis XVI est provisoirement suspendu de la royauté ; un plan d’éducation est ordonné pour le prince royale. Une Convention est convoquée. »

Sous la république, les Tuileries prirent le nom de Palais-National. Sur l’emplacement occupé par le théâtre, connu sous le nom de Salle des Machines, on construisit la salle de la Convention. On y entrait par un perron qui donnait sur la terrasse des Feuillants. Dans cette salle fut prononcée, le 20 janvier 1793, la sentence de la Convention qui condamnait à mort l’infortuné Louis XVI.

La fameuse fête de l’Être-Suprême eut lieu dans le jardin des Tuileries, le 9 juin 1794. Nous en rappelons les principales circonstances.

Conquérante aux Alpes, aux Pyrénées, menaçante dans les Pays-Bas, d’une grandeur héroïque sur mer, la république voulait se laver aux yeux de l’Europe du reproche d’impiété. Après avoir administré, égorgé, détruit avec un ensemble effrayant, elle cherchait à recomposer la société en l’appuyant sur deux grandes vérités, la morale et Dieu. La Convention avait fixé au 20 prairial an II, la fête de l’Être-Suprême. Robespierre avait été nommé président. Le soleil s’était levé dans toute sa splendeur, et son éclat semblait favoriser cette fête. On se rassemble à chaque section pour se rendre au jardin des Tuileries. Robespierre parait à la tête