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époque, on la détruisit pour faciliter le prolongement de la rue Racine. Sur ses dépendances ont été bâties les maisons portant aujourd’hui les nos 1, 3 et 5 de la rue de l’École-de-Médecine.

Au no  4 était situé le collége de Daimville. Il fut fondé, en 1380, par Michel de Daimville, archidiacre de l’église d’Arras, clerc ou chapelain de Charles V, pour douze écoliers ; six du diocèse d’Arras et six de celui de Noyon. En 1762, il fut réuni à l’Université. Devenus propriétés nationales, les bâtiments et dépendances de ce collége furent vendus le 28 prairial an X ; démolis en 1820, ils ont été remplacés par une maison particulière.

La porte Saint-Germain, nommée successivement porte des Cordèles, des Frères Mineurs, était située un peu au-dessus de la rue du Paon, où se trouve maintenant une fontaine. Cette porte faisait partie de l’enceinte de Philippe-Auguste. On voit dans les registres de la ville qu’en 1586, on ordonna de la fermer, et d’ouvrir celle de Buci. Elle ne fut abattue néanmoins qu’en 1672.


Mégisserie (quai de la).

Commence à la place du Châtelet, no  1, et au Pont-au-Change ; finit à la place des Trois-Maries, no  2 et au Pont-Neuf. Le dernier numéro est 84 ; Sa longueur est de 338 m. — 4e arrondissement, quartier du Louvre.

Ce quai a été construit, en 1369, sous le règne de Charles V. On le nomma d’abord de la Saunerie, en raison de sa proximité du grenier à sel. Il fut reconstruit en 1529. On exécuta cette année de grands travaux sur toute cette ligne de quais. — On lit en effet dans Sauval : « Des registres de l’Hôtel-de-Ville, dressés sous François, on apprend qu’alors le prévôt des marchands fit faire et paver les quais larges de cinq toises, qui sont entre le Pont-au-Change et le pont des Tuileries. » — La partie qui, de la place du Châtelet s’étend à la rue de l’Arche-Pépin, se nommait de la Vallée de Misère où de la Poulaillerie. L’autre partie se nommait de la Mégisserie, en raison des mégissiers qui étaient venus l’habiter, et qui l’occupèrent jusqu’en 1673, époque où l’on parvint à les reléguer au faubourg Saint-Marceau. Ce quai fut élargi en avril 1769. On le désigna plus tard sous le nom de la Ferraille, en raison des marchands de vieux fers qui étalaient leurs marchandises le long du parapet. — Une décision ministérielle en date du 24 frimaire an XI, signée Chaptal, fixa la moindre largeur de ce quai à 9 m. De 1833 à 1835, on a construit un nouveau mur de parapet, qui a procuré à cette voie publique un élargissement convenable. On a exécuté aussi des travaux de nivellement, de trottoirs, de plantation, etc… Ces opérations importantes ont occasionné une dépense de 700,000 fr. En vertu d’une ordonnance royale du 29 avril 1839, la moindre largeur du quai de la Mégisserie est portée à 23 m. 40 c. — Maison no  2, alignée ; 4 doit être supprimée pour l’exécution de l’alignement de la rue de la Saunerie ; de 6 à 18, retranch. 50 c. à 1 m. 34 c. ; de 24 à 46, ret. 1 m. 30 c. à 1 m. 44 c. ; 52, ret. réduit 1 m. 30 c. ; 54, ret. réduit 1 m. 10 c. ; 56, ret. réduit 60 c. ; de 58 à 66, redress. ; 68, ret. réduit 1 m. 10 c. ; 70, ret. réduit 1 m. 80 c. ; de 72 à 76, ret. 2 m. 05 à 3 m. 75 c. ; de 78 à la fin, ret. 3 m. 75 c. à 4 m. 60 c. — Égout et conduite d’eau dans plusieurs parties. — Éclairage au gaz (compe Anglaise).

Sous la régence du duc d’Orléans et sous Louis XV, ce quai avait une physionomie toute particulière. Les racoleurs avaient placé en cet endroit le siège de leur commerce. Ils achetaient et revendaient publiquement les hommes vingt ou trente livres la pièce, suivant leur taille ou la force de leurs muscles. Ce trafic, plus infâme encore que grotesque, était autorisé, appuyé par le gouvernement. En usant d’un moyen aussi odieux, on espérait peupler et défendre nos colonies. Le racoleur se promenait fièrement le chapeau sur le coin de l’oreille, l’épée sur les hanches, et fredonnait une chanson guerrière, avec un accent qui trahissait les bords de la Garonne. Appelant tout haut les jeunes gens qui passaient, il employait, pour les attirer à lui, tout le miel de son éloquence. Quelques racoleurs avaient des boutiques, des cabanes de toile. Au-dessus de la porte flottait un drapeau. Mercier dit avoir vu une de ces boutiques sur laquelle était inscrit ce vers de Voltaire :

« Le premier qui fut roi fut un soldat heureux ! »

À toute heure du jour un cercle de curieux entourait le racoleur. Il pérorait perché ordinairement sur un tonneau qui portait cette inscription : vin d’Arbois. L’assemblée en plein vent était toujours composée de jeunes gens curieux et ignorants, d’étudiants flâneurs et débauchés, de filles publiques payées par le recruteur, et d’ouvriers trop pauvres pour acheter des maîtrises. Après avoir promené lentement un regard de protection sur son nombreux auditoire, l’orateur commençait ainsi : « Avec l’autorisation de sa majesté, je viens vous expliquer les avantages qu’elle daigne accorder en vous admettant dans ses colonies. Jeunes gens qui m’entourez, et qui êtes tous lettrés, vous avez entendu parler du pays de Cocagne ; c’est dans l’Inde, mes amis, que vous trouverez ce fortuné pays. Souhaitez-vous de l’or, des perles, des diamants : les chemins en sont pavés, il n’y a qu’à se baisser pour en prendre ; je me trompe, les sauvages vont les ramasser pour vous !… Je ne vous parlerai pas ici des grenades, des oranges, des ananas, de mille fruits savoureux qui viennent sans culture dans ce paradis terrestre ; je laisse tout cela… Je m’adresse à des hommes. Fils de famille, je connais tous les efforts que font ordinairement vos parents pour vous détourner de la voie qui seule peut vous conduire en peu d’instants à la fortune et surtout à la gloire. Je