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servît de type à l’édifice que Jacques de Brosse allait élever. Mais le génie du grand architecte ne put s’assujettir au programme arrêté par la reine.

« Si l’on excepte, en effet, dit M. Quatremère de Quincy, ce style de bossages dans lequel l’architecte français resta, quant au goût colossal du genre, à un degré fort inférieur à ce qui put lui servir de modèle chez l’architecte Florentin, on sera obligé de dire que les deux édifices ont les plus grandes dissemblances dans le plan général, dans l’ensemble des élévations variées, et tant à l’intérieur que dans les distributions intérieures. Bernini, qui vit le bâtiment terminé lors de son voyage, à Paris, convenait qu’il n’y avait nulle part de palais, ni mieux bâti, ni plus régulier.

» La plus grande dimension du palais du Luxembourg est de 180 pieds ; la moindre, c’est-à-dire celle de la face qui regarde la rue qui y aboutit est de 150 pieds. Son plan général forme un carré presque exact, dont toutes les parties sont en symétrie les unes avec les autres (on parle du plan général avant les modifications opérées par les nouvelles destinations). Sa simplicité répond à sa régularité. Il consiste en une très grande cour, environnée de portiques et flanquée dans ses angles de quatre bâtiments carrés qu’on appelle pavillons. Les vastes et spacieuses galeries qui font au rez-de-chaussée parcourir à couvert toute l’étendue du bâtiment, lui donnent un grand air de magnificence. La partie la moins heureuse de la disposition générale consiste, sur le jardin, dans la répétition de deux pavillons qui de ce côté composent la façade. Ces deux gros pavillons, trop voisins des deux qu’ils semblent doubler, se communiquent dans leur aspect une pesanteur réciproque. L’extérieur seul s’est conservé intact, et cette partie est celle qui constitue plus spécialement l’architecture. On peut considérer celle-ci sous deux rapports, savoir : la composition ou l’ensemble des masses et leur décoration.

» Sous le premier point de vue, ce palais mérite les plus grands éloges. On ne citerait guère en aucun pays un aussi grand ensemble, qui offrît avec autant d’unité et de régularité un aspect à la fois plus varié et plus pittoresque, surtout dans sa façade d’entrée. Cet effet résulte de l’avant-corps du milieu, couronné par cette coupole qui se trouve liée fort heureusement aux deux pavillons d’angle, et sert ainsi ou de motif, ou de raccordement à leur hauteur. De Brosse, en entremêlant sa composition de ces énormes pavillons, ne fit que suivre une des traditions des anciens châteaux forts dont la France était encore couverte. Mais ce qui aurait pu n’offrir que des disparates et des masses décousues, comme on le pratiquait autrefois, est devenu, au palais du Luxembourg, la source même d’une des beautés de sa composition, dans l’ensemble et l’effet de l’élévation. Loin donc que l’homme de goût se plaigne de leur répétition, il regretterait de ne les y pas trouver, ou qu’on les supprimât, tant l’architecte a su les rendre nécessaires à l’ordonnance générale.

» Quant à la décoration du palais, même esprit de régularité et d’unité. Les mêmes ordres règnent au-dehors de l’édifice, et dans toute son étendue, comme dans l’intérieur de la cour. Tout le rez-de-chaussée est en arcades formées par des pieds droits, ornés de pilastres plus ou moins accouplés, selon le plus ou moins de largeur du champ qu’ils occupent. L’ordre régnant partout au rez-de-chaussée est une sorte de prétendu toscan, coupé par des bossages, et de la manière la plus uniforme dans tout le développement de l’édifice.

» Le second ordre ou celui du premier étage se trouve appliqué avec la même uniformité en pilastres, sur toutes les parties de trumeaux entre les fenêtres, et en colonnes adossées dans toutes les masses formant avant-corps. Cet ordre est dorique ; son entablement est orné de triglyphes et de métopes, dont la distribution est devenue souvent irrégulière par l’effet de tous les ressauts partiels, qu’on ne pouvait guère éviter dans un ensemble composé de tant de masses diverses. Les bossages qui règnent dans toute l’ordonnance de cet étage, au lieu d’être continus en hauteur, sont à bandes alternatives, autant sur les trumeaux que sur les colonnes et les pilastres. Partout les bossages ont leurs angles arrondis. »

Des travaux considérables d’agrandissement ont été commencés en 1837 au Luxembourg, sous la direction de M. de Gisors. Ces travaux, achevés en 1842, ont coûté 300,000 francs pour les constructions, et 800,000 francs pour tous les objets d’art.

La décoration de la nouvelle salle des séances est remarquable. La voûte surtout est d’une grande magnificence. Quatre pendentifs, dans lesquels sont représentées la Sagesse, la Loi, la Justice et la Patrie, ont été exécutés par M. Abel de Pujol. Les trois grands médaillons et les six compartiments des fenêtres où l’on voit la Prudence, la Vérité et la Confiance, et les six plus illustres législateurs de l’antiquité, Moïse, Dracon, Solon, Lycurge, Numa et Justinien, ont été exécutés par M. Vauchelet. De chaque côté de l’hémicycle sont des sujets allégoriques peints par M. Blondel. Près du centre de la voûte, dans six médaillons, ont été placés les portraits couleur de bronze de Charles V, Louis XII, François Ier, Louis XIV, Napoléon et Louis XVIII.

Jardin du Luxembourg. — L’antique destination d’une partie de ce jardin serait demeurée dans l’oubli, si des embellissements exécutés n’eussent occasionné de grands mouvements dans le sol, et exhumé une vérité enfouie depuis des siècles dans le sein de la terre. Sauval nous apprend qu’à l’époque où l’on jeta les fondements du palais du Luxembourg, on découvrit une figure en bronze représentant Mercure. « Quant au Mercure de bronze, dit-il, qu’on rencontra dans les