Page:Lazare - Dictionnaire administratif et historique des rues de Paris et de ses monuments, 1844.djvu/364

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

L’hôtel du premier président du parlement touchait presque à celui de la Cour-des-Comptes. C’était, dans l’origine, un manoir enfumé qui servait de résidence au baillif du palais, sous les rois de la seconde race. Cet emplacement fut choisi par Achille de Harlay, qui fit élever les bâtiments destinés à la présidence du parlement. Ils sont occupés aujourd’hui par la Préfecture de police, à laquelle nous consacrerons un article particulier.

Telles étaient encore les principales constructions du Palais-de-Justice au commencement du XVIIe siècle.

Le 7 mars 1618, elles furent en partie détruites par un incendie. « Le feu, dit Félibien, prit d’abord à la charpente de la grand’salle ; et comme il faisoit beaucoup de vent, tout le lambris qui étoit d’un bois sec et vernissé, s’embrasa en peu de temps. Les solives et les poutres qui soustenoient le comble tombèrent par grosses pièces sur les boutiques des marchands, sur les bancs des procureurs et sur la chapelle remplie alors de cierges et de torches qui s’enflammèrent à l’instant et augmentèrent l’incendie.

Les marchands, accourus au bruit du feu, ne purent presque rien sauver de leurs marchandises. On sauva seulement les registres de quelques greffes qui n’estoient pas dans la grande salle. L’embrasement augmentant par un vent du midi fort violent, consuma en moins d’une demi-heure les requestes de l’hostel, le greffe du trésor, la première chambre des enquêtes et le parquet des huissiers. Le feu prit incontinent à une tourelle près de la Conciergerie et en des greffes dont les papiers furent brûlés. Alors s’éleva une clameur des prisonniers qui crièrent que la fumée les étouffoit. Plusieurs se sauvèrent malgré le geôlier, mais le procureur-général fit conduire les principaux au Chastelet et dans les autres prisons de Paris. Le vent devint si violent, qu’il porta des ardoises jusques vers Saint-Eustache. Lorsque le reste du comble de la grand’chambre vint à tomber, un brandon enflammé, emporté par le vent, alla mettre le feu à un nid d’oiseau au haut de la tour de l’Horloge, qui eust couru grand risque si on n’eust descouvert la tour pour couper le cours du feu. »

Le greffier Voisin sauva les registres du parlement. On n’a jamais pu connaître la cause de ce sinistre. Les uns disent que ce fut par la faute d’une servante, les autres l’attribuent à l’imprudence d’un marchand qui avait laissé du feu dans sa boutique ; enfin le bruit courut que les complices de l’assassinat de Henri IV avaient voulu anéantir le greffe et les pièces du procès de Ravaillac, en mettant le feu au palais. Un joyeux compère, Théophile, qui ne s’occupait pas de politique et aimait à passer gaîment sa vie, improvisa le quatrain suivant :

Certes, ce fut un triste jeu,
Quand, à Paris, dame Justice,
Pour avoir trop mangé d’épice
Se mit le Palais tout en feu.

Jacques de Brosse, architecte du palais du Luxembourg, fut chargé de la reconstruction de la grand’salle, qui fut achevée en 1622. Elle se compose de deux grandes nefs séparées par un rang d’arcades appuyées sur des piliers.

En 1683 on fit encore d’autres réparations à cette salle. Outre les six ouvertures qui furent pratiquées à la voûte, on éleva une riche chapelle de menuiserie avec des balustrades de fer doré. Au milieu on voyait un écusson aux armes de M. de Novion, premier président. Une horloge pour régler l’heure des audiences était placée au-dessus de la chapelle. Autour du cadran fut gravé ce vers élégant que Montmort, un des fondateurs de l’Académie, avait composé exprès :

Sacra Themis mores, ut pendula horas.

La chambre des enquêtes, celle des requêtes de l’hôtel, et le parquet des huissiers furent aussi réparés et rebâtis plus magnifiques qu’auparavant.

Nous allons maintenant donner quelques détails sur les rues comprises dans l’enceinte du palais, et parler ensuite des constructions qui furent ajoutées à l’édifice. — La rue Harlay avait été bâtie en vertu des lettres patentes du 28 mai 1607. Vers 1631 on ouvrit la rue Sainte-Anne, dont la formation avait été ordonnée par lettres-patentes de juin 1630.

La partie occidentale du palais, c’est-à-dire le portail et l’arcade de la rue Harlay, la cour du même nom, la rue de Basville, la cour Lamoignon et les galeries supérieures furent établies sur l’emplacement du jardin de l’ancien hôtel du baillage ; voici dans quelles circonstances et à quelle époque :

En l’année 1671, M. de Lamoignon, alors premier président, conçut un projet d’agrandissement du palais ; il proposa ses vues, fit dresser un plan pour leur exécution, et le présenta à Louis XIV qui l’agréa.

En conséquence, des commissaires nommés par le roi, et parmi eux Colbert, furent chargés de céder et transporter à titre de cens et aliénation à perpétuité à M. de Lamoignon, ses hoirs ou ayans cause, 1549 toises 1/2, 15 p. 1/4 en superficie à prendre dans le contour de l’ancien jardin de l’hôtel du bailliage du palais pour jouir de la d. superficie, ensemble des bâtiments qui seroient construits sur icelle, en toute propriété.

Le contrat de cession fut réalisé le 23 février 1671 devant Gallois et son confrère, notaires au Châtelet, et confirmé par lettres-patentes du même mois.

Le préambule de ces lettres-patentes est trop remarquable, il porte à un trop haut point le cachet de grandeur qui marquait tous les actes publics de ce siècle, pour ne pas être cité.

« Louis, etc…, comme rien n’est si digne des grands roys et si avantageux pour les peuples qui jouissent d’une profonde paix que les ouvrages des bâtiments publics, nous croions aussi qu’il est de notre gloire et de la grandeur de notre royaume, d’orner les principales villes, de nouveaux édifices et particu-