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ditte bonne ville et les manants et habitants d’icelle ont été anciennement bien gardez et maintenuz en bonne paix et seuretez, et le fait de la marchandise d’icelle estre grandement et noblement soustenu. Depuis aucun temps, en ça pour aucunes causes à ce nous mouvants, nous eussions et ayions pris en nostre main les dittes prévosté, eschevinage, Maison de la Ville et clergie d’icelle prévosté des marchands, ensemble la juridiction, coertion, congnaissance, rentes, revenus et autres droits quelconques appartenant à icélle prévosté, etc…

Nous, les choses dessus considérées pour le bien, prouffit et seuretez de nostre ditte ville et pour autres causes et considérations à ce nous mouvants, eu sur ce, grand et meure délibération de conseil avec plusieurs de nostre sang et lignage et aultres de nostre grand conseil ; l’empeschement et main mise ainsi que dit est par nous ès dittes prévosté des marchands, eschevinage, clergie, Maison de la Ville, Parlouer aux Bourgeois, jurisdiction, coertion, prévillèges, rentes, revenus et droits appartenans d’ancienneté à icelle prévosté des marchands, eschevinage et clergie de nostre ditte bonne ville de Paris, avons levé et osté, levons et ostons à plein de notre certaine science et propre mouvement, et voulons que nos dits bourgeois, manants et habitants en icelle nostre ditte ville des prévosté des dits marchands et eschevinage, clergie, Maison de la ville, Parlouer aux Bourgeois, jurisdiction, coertion, congnaissance, rentes, revenus, possessions quelconques, droits, honneurs, noblesses, prérogatives, franchises, libertez et prévillèges, joyssent entièrement et paisiblement perpétuellement à tous jours pareillement qu’ils faisoient paravant, etc… Donné à Paris, le 27e jour de janvier, l’an de grâce 1411, et de nostre règne le 32e. Ainsi signé par le roy en son conseil, auquel le Roy de Sicile, le duc de Bourgogne et plusieurs autres estoient. »

L’élection du prévôt des marchands et des échevins se faisait ordinairement le 16 août, le lendemain de l’Assomption. Les émoluments attachés à la place de prévôt des marchands étaient considérables, mais presque tous les citoyens appelés à l’honneur de remplir cette belle fonction ont consacré, dans l’espace de cinq cents ans, une partie des revenus de leur charge aux améliorations, aux embellissements de la ville.

Il fallait être né à Paris pour être revêtu de la dignité de prévôt des marchands. La même condition était imposée à ceux qui prétendaient à l’honneur de l’échevinage ; c’était encore là un trait d’une haute sagesse ; en général, les hommes transplantés n’apportent aucun soin aux monuments qui n’ont pas ombragé leur berceau. — Dans les cérémonies extraordinaires, le corps de ville de Paris jouissait des plus honorables prérogatives. Nous donnons ici le programme de la marche du corps de la ville, le jour où il alla au-devant du jeune Louis XIV qui venait de se marier sur la frontière d’Espagne :

« Le colonel des archers de la ville, guidons et lieutenants lestement habillés ; les trois cents archers de la ville avec casaques bleues, galons d’argent et les armes de la ville devant et derrière ;

Le maître-d’hôtel en robe fourrée ;

L’imprimeur vêtu de noir ;

Le capitaine d’artillerie,

Le maître de maçonnerie,

Le maître de charpenterie,

tous trois en habits noirs ;

Les huissiers en robes de drap mi-partie, la nef d’argent sur l’épaule ;

Le greffier venait ensuite revêtu d’une robe mi-partie à manches de velours rouge et tanné et doublé de velours noir ;

Le prévôt des marchands en robe de palais mi-partie de velours rouge et tanné, par dessus une soutane de satin rouge cramoisi avec boutons, ceinture et cordons d’or ;

Les échevins en robes de velours mi-partie, à longues manches pendantes ; le chapeau à cordons d’or ;

Le procureur du roi en robe de palais de velours rouge ;

Le receveur de la ville en manteau à manches de velours tanné ;

Les conseillers de ville en robes ou manteaux à manches de satin ;

Les quartiniers en manteaux à manches de velours ciselé ;

Les gardes de la draperie en robes de velours noir et toques ornées de cordons d’or ;

Les gardes de l’épicerie en robes de velours tanné ;

Les gardes de la mercerie en robes de velours violet ;

Les gardes de la pelleterie en robes de velours bleu fourrées de loup-cervier ;

Les gardes de la bonneterie en robes de velours tanné ;

Les gardes de l’orfèvrerie en robes de velours rouge cramoisi ;

Les gardes de la marchandise de vins en robe de velours bleu, toques pareilles et galons d’argent ;

Les cinquanteniers, dixainiers et autres notables bourgeois en habits ordinaires noirs. »

L’élection du prévôt des marchands était entourée d’une pompe vraiment imposante. Les citoyens, appelés à l’honneur de donner leurs suffrages, appréciaient dignement la haute mission qu’ils avaient à remplir, et le magistrat, nommé pour diriger les importantes affaires de la ville, recherchait les moyens de créer de nouvelles améliorations.

Trois causes ont fait de Paris le plus magnifique bazar du monde : son heureuse situation d’abord, ensuite les privilèges de la Hanse, puis l’admirable institution de la Prévôté des Marchands. La royauté, si chatouilleuse pourtant en fait de pouvoir, avait compris qu’il fallait laisser toute liberté à cette magistrature qui en faisait un si noble usage ; aussi, chose étonnante, le corps municipal était-il plus libre, plus à l’aise sous la monarchie absolue que sous l’empire et la restauration.