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nous vous demanderions, et nous en aurions le droit : « Vainqueurs, qu’auriez-vous fait ? » Vous menez grand bruit à propos de l’arrangement projeté pour le bassin de la Sarre, et qui ne ressemble guère, vous en conviendrez, au régime que vous avez imposé à l’Alsace-Lorraine, à la Pologne prussienne, au Slesvig danois. Mais vous, qu’auriez-vous fait du bassin de Briey ?

Le bassin de Briey eût été le moindre objet de vos revendications. Ce que l’Allemagne attendait de sa victoire, beaucoup d’Allemands l’ont déclaré, les six grandes associations, par exemple, — et, pour ne citer qu’un nom, M. Erzberger. Ce personnage, considérable chez vous, réclamait, — le Temps l’a rappelé l’autre jour, — la souveraineté militaire jusqu’à Boulogne, et de plus les îles anglo-normandes devant Cherbourg, et puis Briey, et puis Belfort, et, de plus, une grosse indemnité de guerre à payer par annuités. Cet ironiste ajoutait que l’Allemagne nous donnerait le moyen de nous acquitter puisqu’elle nous obligerait à réduire nos forces militaires et navales.

M. Erzberger, nous l’attendions presque à Versailles. Votre gouvernement a-t-il vraiment pensé à nous l’envoyer ? C’est possible, vraisemblable même ; mais alors, quelle impudeur !