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il n’était pas de mode d’apprécier Wagner ; et le grand artiste, renonçant, par dignité, à imposer plus longtemps son œuvre à un public inapte à en saisir l’intérêt, retira sa partition et reprit la route de l’Allemagne, que ses dévoués protecteurs avaient réussi pendant ce temps à lui rouvrir.

Comment s’étonner si, par la suite, Wagner conserva quelque amertume contre un public dont tant de fois il avait recherché les suffrages, qui l’avait accueilli d’abord avec une indifférence ignorante, bien pénible pour un génie qui a conscience de sa valeur, et finalement avec une dureté inhospitalière touchant de bien près à la grossièreté ? Disons en passant que Wagner, en dépit de la légende qui s’est formée et qui pendant longtemps nous a valu d’être privés de connaître et d’admirer son œuvre dans notre pays, ne s’est jamais rendu coupable envers la France des sorties haineuses qu’on lui a prêtées. Ceux qui veulent s’en convaincre n’ont qu’à lire sa lettre à M. Monod ; qu’ils prennent aussi sa boutade appelée Une Capitulation qu’on lui a tant reprochée : ils pourront la trouver d’un esprit douteux et lourd, mais verront que c’était simplement une plaisanterie, une farce de mauvais goût dirigée aussi bien contre ses compatriotes que contre nous. D’ailleurs il ne l’avait pas écrite pour être publiée, et par conséquent avec l’idée de nous offenser. Elle n’a été imprimée que plusieurs années après la guerre, et en allemand.

Il faut tenir compte aussi, pour le comprendre, du caractère du Maître, singulièrement fougueux et porté aussi bien aux accès de gaieté impétueuse où son esprit, mis en belle humeur, n’épargnait personne, qu’à des phases de tristesse où il désespérait de tout et se trouvait profondément malheureux. Citons à ce propos l’intéressante appréciation de M. Monod :