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la rampe, ni attiré par aucune distraction futile ou mondaine, la puissance expressive du décor s’accroît singulièrement. Le Rideau lui-même est déjà expressif. Il ne se lève pas, comme partout ailleurs ; il s’ouvre par le milieu en se soulevant gracieusement vers les angles, et cela, selon les circonstances, avec une soudaineté ou une majestueuse lenteur, réglées, comme tout le reste, par le Maître méticuleux qui ne laissait rien aux hasards de l’interprétation. Après la terrifiante scène qui termine le Crépuscule des dieux, par exemple, il se referme comme à regret, laissant voir encore longtemps les émouvantes lueurs du bûcher et l’embrasement du Walhalla ; tandis qu’il clôt brusquement les scènes bouffonnes du 2me  acte des Maîtres Chanteurs en retombant d’un seul coup, pendant que la salle s’inonde de lumière, au milieu des rires joyeux des spectateurs.

Si les décors wagnériens ne sont pas toujours d’une extrême richesse, s’ils sont plus sobres que ceux de l’Opéra de Paris ou du Châtelet, en revanche, ils sont plus harmonieux, j’entends par là qu’ils s’harmonisent mieux avec l’œuvre, et font, pour ainsi dire, corps avec elle ; sauf de rares exceptions, ils sont suffisants pour produire l’illusion désirable.

Parmi ceux qui me paraissent défectueux, je signalerai celui des Filles-Fleurs, aux tons criards et brutaux, aux floraisons difformes et invraisemblables, qui font plutôt penser à certaines tentures de chambres d’hôtel dans les petites villes de province, qu’à une végétation magique et ensorcelée ; l’Arc-en-Ciel du 3me  acte de L’Or du Rhin, qui a l’air d’être en bois ; le tableau du Vénusberg, qui, celui-là, n’a jamais été réussi sur aucun théâtre, et qui est peut-être irréalisable ; on peut reprocher au dieu Loge d’être bien parcimonieux des flammes qui devraient en-