Page:Lavignac - Le Voyage artistique à Bayreuth, éd7.djvu/502

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

comme un douloureux glas de deuil, Siegfried gardien de l’épée, que suivent à peu de distance Le Sort et La Justice de l’expiation, au milieu de la stupeur générale. Siegfried est blessé à mort, mais il n’est pas mort. Agonisant et dans un état extatique, il poursuit son récit, que le coup fatal a seulement interrompu. Le Salut au monde reprend, dans son développement complet, Le Sort, Le Gardien de l’épée, Le Salut à l’amour, L’Enthousiasme de l’amour,… puis, sur un dernier rappel du Sort, il tombe mort.

Ici commence (au ton d’ut mineur) l’admirable page symphonique qu’on a coutume d’appeler la « Marche funèbre de Siegfried », mais dans laquelle il faut voir, plutôt qu’une Marche, la plus émouvante et la plus éloquente des oraisons funèbres : oraison funèbre muette, sans un mot, et par cela même encore plus poignante et plus grandiose, car nous sommes arrivés à ce degré de tension où, la parole devenue impuissante, la musique seule peut encore fournir des éléments à une émotion presque surnaturelle.

Toute la vie du héros va nous être retracée. Tous les motifs héroïques que nous connaissons vont défiler ici, non plus dans leurs allures accoutumées, mais lugubrement voilés de deuil, entrecoupés de sanglots, portant avec eux la terreur, et formant dans l’atmosphère qui entoure le héros mort un cortège invisible et impalpable, le cortège mystique de pensées vivantes. D’abord, grave et solennel, L’Héroïsme des Wälsungs, que nous nous souvenons avoir entendu pour la première fois lorsque Siegmund, au début de « la Walkyrie », fait le triste récit de ses malheurs ; vient ensuite La Compassion, représentant la malheureuse Sieglinde, et L’Amour, l’amour de Siegmund et Sieglinde, d’où devait naître Siegfried : ne semble-t-il pas que les tendres âmes de son père et de sa