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Je l’aimerais mieux plus complet, se produisant dès l’entrée. Il me semble que toute cette agitation est une mauvaise préparation à ce qui va suivre ; mais on ne peut l’empêcher.

L’œil ne distingue rien d’abord, puis il arrive à s’orienter dans la faible clarté produite par quelques lampes laissées en veilleuse tout en haut, près du plafond. À partir de ce moment on entendrait une mouche voler ; chacun se recueille, et une bonne émotion vous fait battre le cœur. Alors, parmi les buées lumineuses et dorées qui sortent des profondeurs de « l’abîme mystique », montent, chaudes, vibrantes et veloutées, les incomparables harmonies, inconnues ailleurs, qui, s’emparant de tout votre être, vous transportent dans le monde du rêve…

Le rideau s’ouvre par le milieu et vient se masser de chaque côté de la scène, laissant voir des décors fort beaux pour la plupart. La critique, qui ne perd jamais ses droits, désapprouve, presque toujours à tort selon nous, bien des choses ; mais laissons-la de côté, ainsi que la représentation, dont nous traiterons à fond plus tard, pour reprendre nos impressions à la fin de l’acte, alors que, le dernier accord venant de se faire entendre, nous sortons de notre extase pour aller respirer l’air pur du dehors.

Constatons en passant que l’atmosphère de la salle, grâce probablement à un ingénieux système de ventilation, ne nous a jamais semblé méphitique, comme dans la plupart des théâtres à nous connus ; ou n’éprouve pas en y rentrant la sensation asphyxiante si désagréable ordinairement.

Rien de plus délicieux et de plus reposant que ces entr’actes passés en pleine campagne, rien de plus gai non plus ; on se retrouve là nombreux, on entend parler français de tous côtés, et on a la sensation d’être chez soi