Page:Lavignac - Le Voyage artistique à Bayreuth, éd7.djvu/39

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

en passant, d’y arborer, parmi les pavillons de toutes nationalités, les couleurs françaises, ce qui achèvera de rassurer, dès le début, les gens doutant — s’il y en a encore — du bon accueil des Bavarois.

En quelques heures Bayreuth achève de prendre son animation des grands jours.

Les gens très limités comme temps arrivent souvent au dernier moment ; mais c’est un assez mauvais calcul, et nous ne saurions trop engager ceux qui peuvent faire autrement à se réserver au moins une demi-journée de repos, pendant laquelle ils se familiariseront avec l’atmosphère morale très particulière à ce petit pays, avant de gravir l’allée verdoyante qui les mènera au théâtre. On ne va pas là comme on va à l’Opéra de Paris ou de quelque autre ville, y apportant ses soucis de la veille et son indifférence mondaine. Ou du moins on n’y devrait pas aller ainsi, car c’est se priver volontairement d’une des plus intenses émotions artistiques qu’il soit donné d’éprouver, que d’entrer dans la salle des Fêtes de Bayreuth sans être dans l’état d’âme correspondant avec ce qu’on y vient écouter. Malheureusement c’est ce qui arrive souvent depuis que le pèlerinage wagnérien est devenu à la mode, comme il est à la mode d’aller à Spa ou à Monte-Carlo. Je sais bien qu’il est impossible de faire passer un examen aux spectateurs avant de leur permettre l’accès de la salle, ni de s’assurer que, soit par leur éducation musicale, soit par l’intelligent intérêt qu’ils prennent aux choses d’art, ils sont dignes d’entrer dans le sanctuaire ; mais il faut avouer qu’il est pénible d’entendre les réflexions saugrenues prouvant combien est profane certaine fraction du public qui fréquente maintenant Bayreuth. J’ai entendu une dame demander « de qui était la pièce » que l’on donnait le lendemain ; et une autre se