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nos compositeurs feront bien de ne pas chercher à imiter, cela par deux raisons :

La première, suffisante par elle-même, c’est que c’est impossible : « Pour la continuer dans le vrai sens du mot, il faudrait un homme de la même envergure que lui ; et si cet homme existe, il ne consentira pas à jouer le rôle d’un imitateur : il voudra, lui aussi, inventer quelque chose de nouveau[1]. »

La deuxième, c’est qu’il faut toujours être de son pays et en parler la langue. Or, de même que Wagner déplorait en ces termes les tendances des musiciens allemands à imiter l’art français :

« J’ai reconnu aux Français un art admirable pour donner à la vie et à la pensée des formes précises et élégantes ; j’ai dit, au contraire, que les Allemands, quand ils cherchent cette perfection de formes, me paraissent lourds et impuissants[2]. »
de même, dis-je, les Français, à leur tour, doivent se mettre en garde contre cette fausse forme de l’admiration qui conduit au plagiat ; ils doivent conserver intactes les qualités propres de notre style national, qui ont toujours été et seront toujours, en littérature comme en musique, la clarté, l’élégance et la sincérité d’expression.

Si Wagner était là pour les conseiller, c’est certainement ce que sa propre logique le conduirait à leur dire.


L’orchestration de Wagner est encore plus riche et plus colorée que celle de Beethoven. Cela tient certainement en grande partie aux nouveaux timbres qu’il y a introduits, cor anglais, clarinette-basse, contrebasson, trom-

  1. La Musique et les Musiciens, p. 494.
  2. R. Wagner, Lettre à M. Monod (25 octobre 1876).