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Walhalla s’écroule, que le Burg tombe en poussière, que les éternels finissent…

Nornes, rompez le câble des destinées divines ; que le crépuscule des dieux commence : la vierge ne vit plus que pour l’amour de Siegfried, son bien, son tout, son étoile… Éperdue, elle se précipite dans les bras de son époux, qui la reçoit extasié.

LE CRÉPUSCULE DES DIEUX

Prologue. — Le décor représente, ainsi qu’au troisième acte de la Walkyrie, le rocher de Brünnhilde, mais la scène est plongée dans la nuit noire. Le lointain s’éclaire seul d’un vague reflet de flammes.

Les trois Nornes, drapées dans de longs vêtements flottants, tressent le câble d’or de la destinée, qu’elles se passent tour à tour. La première, la plus âgée, est assise au second plan à gauche, sous le sapin ; la deuxième est étendue à l’entrée de la grotte de droite ; et la troisième, la plus jeune des trois, est assise au pied du roc qui commande la vallée. La première Norne montre à ses sœurs la clarté qu’entretient sans cesse Loge autour du rocher de Brünnhilde, et elle les engage à chanter et à filer. Elle attache le câble d’or à une des branches du sapin et se souvient que jadis elle accomplissait sa tâche avec joie, s’abritant sous les puissantes ramures du frêne du monde, au pied duquel bruissait une source fraîche d’où sortait la sagesse. Un jour vint où Wotan s’approcha de l’onde limpide pour y boire, et paya la redevance sacrée du sacrifice d’un de ses deux yeux ; puis il cueillit un des plus vigoureux rameaux de l’arbre pour s’en faire un épieu de combat. Mais, à dater de ce moment, le frêne périclita, son feuillage jaunit, tomba ; au cours des siècles,