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Elles s’enfuient en donnant les signes d’une douleur farouche, et on les aperçoit bientôt dans le lointain, chevauchant parmi les nuages.

La tempête, qui n’a cessé de gronder, se calme peu à peu ; les brouillards se dissipent, une nuit sereine fait place à la tourmente et enveloppe la nature.

Scène iii. — Brünnhilde, qui était restée abîmée aux pieds du dieu, lève la tête et cherche à rencontrer le regard de son père pour implorer son pardon. Elle l’adjure d’examiner sa faute avec plus de douceur : son crime était-il tellement infâme qu’elle ait mérité une peine si cruelle et si dégradante ? D’abord il lui avait commandé de soutenir et de faire triompher le Wälsung ; ce n’est que sous la pression d’une promesse arrachée par contrainte qu’il a détourné sa protection de son fils ; mais elle, Brünnhilde, l’enfant de son cœur, a cru agir selon sa pensée intime et son secret désir, en favorisant quand même Siegmund. — Non, lui dit Wotan, elle ne devait pas s’arroger le droit de faire ce qu’il eût si volontiers accompli en personne, sans le fatal serment arraché par Fricka, elle ne devait pas, à l’heure même où son père, torturé par le destin, rêvait, dans son désespoir, de s’anéantir à tout jamais, se laisser aller au doux bonheur d’écouter sa tendre compassion ; le dieu persiste dans son arrêt rigoureux : il la bannit pour toujours de sa présence, et, puisqu’elle s’est laissé dominer de son plein gré par l’amour, c’est l’amour qui désormais fera d’elle son esclave.

La Walkyrie infortunée adjure son père de se souvenir, s’il la bannit de son existence, qu’elle a fait partie autrefois de son être divin, et que ce serait se déshonorer lui-même que de la livrer au premier venu, un lâche peut-être... Un nouveau héros va naître de la race des