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Brünnhilde hâte la fuite de l’infortunée et, l’exhortant à supporter vaillamment la rude vie qu’elle va mener solitaire, elle lui promet que l’enfant qu’elle porte dans ses flancs sera un héros sublime entre tous. Son nom sera Siegfried, et sa mère l’armera, quand il en sera temps, de l’épée de son père, qui n’est autre que l’Épée des Dieux, brisée par Wotan lui-même dans le combat funeste, et dont la Walkyrie a soigneusement recueilli les tronçons, qu’elle confie à Sieglinde. La fugitive bénit Brünnhiide pour sa tendre sollicitude et s’élance dans la forêt vers la retraite désignée.

Pendant cette dernière scène, l’orage a redoublé d’intensité.

Scène ii. — Entre les roulements du tonnerre on entend gronder la voix de Wotan ; Brünnhilde ne peut plus fuir ; pâle, éperdue, elle se cache au milieu de ses sœurs ; elles essayent en vain de la dérober au regard de leur père, qui, en proie à une colère terrible, réclame la coupable. La vierge se détache alors du groupe des Walkyries, et, dans une attitude respectueuse, mais ferme et héroïque, vient se soumettre aux volontés de son juge. Il éclate alors en reproches contre cette fille autrefois aimée entre toutes, qu’il se plaisait à charger des plus glorieuses missions, qui était l’enfant de son vœu et qui maintenant, rebelle, a osé le braver. C’en est fait d’elle : il l’exile du Walhalla, la renie et la prive à jamais de son essence divine. Il la laissera, sans défense, endormie sur le bord du chemin, et le premier passant qui l’éveillera pourra en faire son esclave ; elle filera le lin, soumise à un mortel, et sera la risée de tous.

Les autres Walkyries poussent des cris de désespoir et essayent en vain de fléchir leur père, qui les menace du même sort si elles tentent de défendre la révoltée.