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pas compte de leur menaçante portée, met paisiblement la bague à son doigt et se perd dans sa contemplation.

Les géants paraissent alors vers la droite, venant chercher le trésor qu’on doit leur livrer en échange de Freïa. À l’approche de la déesse, les autres divinités sentent leur vigueur et leur jeunesse les animer de nouveau et lui font fête ; mais Fasoll met un terme à leurs épanchements en réclamant la rançon promise. Il plante en terre son pieu et celui de Fafner et prétend que l’on amoncelle entre eux assez de richesses pour lui masquer, comme le ferait un rideau, la vue de l’enchanteresse qu’il aime et dont il regrette de se séparer. Lui et son compagnon entassent les joyaux précieux, y compris le heaume magique, mais par un interstice on voit encore briller le doux regard de Freïa ; pourtant les trésors sont tous réunis là ; il ne reste plus que l’anneau dont on puisse disposer pour combler le vide ; les géants l’exigent énergiquement. Wotan refuse, un débat s’élève, ils vont remmener pour toujours la déesse, lorsque la lumière s’obscurcit, et la divinité, l’âme antique de la terre, Erda, la mère des trois Nornes qui filent le câble du destin, Erda, celle qui sait toutes choses et rêve l’avenir, apparaît dans les profondeurs d’une grotte parmi les rochers et baignée d’une lueur pâle et voilée. Déjà elle prévoit le crépuscule des dieux et conjure Wotan de céder l’anneau merveilleux, mais maudit. Wotan, étonné de ses paroles, l’interroge : il veut savoir et se précipite vers l’antre mystérieux pour la contraindre à s’expliquer ; mais la prophétesse a déjà disparu ; le dieu s’abîme alors dans une profonde méditation, puis enfin, résolument, se décide à jeter l’anneau sur le trésor. Les géants se le disputent aussitôt, éprouvant ainsi, eux les premiers, l’effet de la malédiction que le Nibelung y a attachée : ils en viennent aux mains, et Faf-