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ce soi-disant protégé de Dieu ! Mais, quoi qu’il en soit, dit-elle, tout peut encore se réparer, car les sciences occultes qu’elle a approfondies lui ont révélé ce qu’elle avait à faire et vont lui en fournir les moyens : que Telramund la laisse agir, et elle répond du succès. Il faut avant tout circonvenir Elsa et insinuer dans son cœur un ferment de curiosité à l’égard du passé de son époux S’ils peuvent obtenir que, manquant à sa promesse, elle le questionne sur son origine et la lui fasse divulguer, le charme qui protège le mystérieux chevalier sera rompu. D’ailleurs, pour le forcer à se révéler il suffirait d’accuser le héros d’avoir trompé le tribunal à l’aide d’un sortilège. À défaut de ces moyens, il en reste un autre : si pendant le combat Frédéric avait réussi à entamer le corps de son adversaire de la moindre parcelle, le charme protecteur aurait également cessé de le défendre. Il faudrait donc le provoquer de nouveau et tâcher de le blesser légèrement, car, quelque légère que fût l’égratignure, elle suffirait à rompre l’enchantement.

En écoutant ces perfides paroles, Frédéric, tout à sa haine, reprend courage et jure à son épouse de la seconder dans ses ténébreux desseins.

Scène ii. — À ce moment Elsa, vêtue de blanc, vient s’accouder au balcon de la Kemenate pour rêver à son bonheur. Ses deux ennemis sont toujours sur les marches de l’église, mais l’obscurité l’empêche de les apercevoir.

Ortrude s’approche sous le balcon et, appelant d’une voix humble et gémissante, se fait reconnaître d’Elsa ; elle implore sa pitié. Qu’a-t-elle fait pour être si cruellement frappée ? Elle se le demande en vain. Est-ce parce qu’elle a épousé celui qu’Elsa avait si dédaigneusement repoussé ? En quoi a-t-elle pu encourir une telle disgrâce ? Et, con-