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Iseult », dont je ne connaissais que quelques fragments par des exécutions insuffisantes.

Or, voici ce qui est arrivé : les deux journées de Parsifal furent pour moi deux journées du bonheur le plus pur, inoubliables ; je vivais réellement au milieu des chevaliers du Graal, et, au début des entr’actes, il me semblait rêver quand je me promenais dans la campagne en fumant des cigarettes ; l’illusion scénique était donc aussi complète que possible, et l’impression bienfaisante que j’en ai ressentie ne pourra jamais s’effacer de ma mémoire. Je me suis plus amusé aux bouffonneries, pourtant un peu grosses, des Maîtres Chanteurs que jamais au Palais-Royal, en même temps que j’étais profondément remué par l’attendrissante bonté de Sachs et son touchant esprit de sacrifice. Quant à Tristan, je n’y ai rien compris, mais rien, rien, absolument rien. Est-ce clair ?

Il faut un certain courage pour avouer ces choses-là, surtout lorsque depuis on a réussi à pénétrer les innombrables beautés de Tristan et Iseult ; mais je voudrais que mon triste exemple servît à d’autres, et pour cela il fallait bien le raconter.

On ne doit donc aller à Bayreuth qu’après avoir fait une étude préalable sérieuse des œuvres qu’on y va entendre, et cette étude doit porter autant sur le poème que sur la musique. Plus elle sera prolongée et intelligemment conduite, et plus on pourra se promettre de jouissance.

Il va sans dire que je ne range dans aucune catégorie d’admirateurs les malheureux atteints de snobisme, qui vont à Bayreuth par genre, pour faire de la toilette, qui se posent en intimes de la famille Wagner… et se font expliquer la pièce par M. Ernst pendant les entr’actes. Le diagnostic de leur affection — hélas ! incurable — est des