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restrictions, qui trouve trop noir le commencement du deuxième acte de Lohengrin, qui se plaint de la longueur des récits de Wotan ou de Gurnemanz, qui voudrait qu’on fît des coupures dans les duos de Tristan avec Iseult ou avec Kurwenal,… tout en reconnaissant par ailleurs des beautés qui le passionnent et le transportent. C’est un admirateur au premier degré de l’initiation ; et s’il est de bonne foi, s’il n’a pas l’entêtement de se buter dans son impression première, il verra graduellement s’agrandir son horizon. S’il est musicien, le plus simple pour lui est d’étudier attentivement et sans parti pris les partitions, en s’attachant surtout à la déclamation[1] ; s’il appartient à la catégorie des amateurs intuitifs, c’est par la lecture et l’analyse du poème, ainsi que par des auditions réitérées, qu’il parviendra au même résultat. Cela pourra être long, mais il y arrivera ; car on n’aime pas Wagner à moitié, et ce qu’on n’admire pas, c’est qu’on ne l’a pas compris.

Autrefois j’ai fait sur moi-même une expérience que je ne regrette pas, mais que je ne recommencerais pour rien au monde, car elle est des plus pénibles. La série de représentations auxquelles je devais assister se composait de Parsifal, les Maîtres Chanteurs, Tristan et Iseult, puis une deuxième fois Parsifal. J’avais consacré plusieurs semaines à une étude approfondie de Parsifal, qui ne pouvait me réserver aucune surprise ; je connaissais très suffisamment les Maîtres Chanteurs, qui d’ailleurs se comprennent de suite ; mais (et c’est en cela que résidait l’expérience) je n’avais pas lu une seule note de « Tristan et

  1. Bien entendu, je parle ici de la partition allemande, et autant que possible de la partition d’orchestre. Si on ne parle pas assez l’allemand pour comprendre la langue poétique, fort difficile, de Wagner, il est aisé de se procurer une traduction mot à mot.