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génie, qui fait que, tout en pouvant établir sûrement les grandes lignes de sa généalogie artistique, on ne saurait le confondre avec aucun de ceux qui l’ont précédé, et que chacune de ses pages est comme scellée de son sceau, de la marque indélébile de son génie incommensurable.

Il y a encore l’admirateur intuitif, sans aucune connaissance musicale, mais doué d’une exquise sensibilité qui lui tient lieu d’érudition. Je n’oserais pas dire qu’il comprend, mais il sent. C’est autre chose, et c’est la même chose.

Ce qui le captive d’abord, c’est le caractère grandiose de la manifestation artistique ; peu à peu il en pénètre les détails par des auditions fréquemment renouvelées, et surtout en s’aidant du poème ; car, s’il est ignorant en musique, il est loin d’être illettré ; peu à peu aussi l’assimilation des Leit-motifs avec des situations analogues le frappe, simpose à son esprit d’observation et le pénètre d’émotion ; il cherche toujours à les chanter, et toujours les chante faux ; l’instrumentation lui en impose par sa pompe et son inépuisable richesse de coloris, sans qu’il s’inquiète de savoir comment elle est faite ; il se laisse imprégner avec bonheur de tous ces effluves, il subit lascendant du grand art allemand, mais il serait incapable d’expliquer à un autre la cause de son émoi, parfois même de se l’expliquer à lui-même ; quand il l’entreprend, il patauge, mais il est ému et sincère.

Celui-là est peut-être le plus sympathique des admirateurs, celui dont le suffrage instinctif a le caractère le plus flatteur ; mais ce n’est pas le plus heureux : car plus il est artiste au fond de l’âme, et plus il souffre du manque d’instruction technique qui lui permettrait de comprendre et d’analyser ce qu’il ressent si vivement.

Il y a enfin l’admirateur partiel, celui qui fait des