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basée sur l’étude et l’analyse des classiques par lesquels a été constitué progressivement, au moyen d’efforts séculaires, l’édifice de l’art allemand, déjà superbe lorsque Wagner (un classique lui aussi, puisqu’il les résume tous en sa prodigieuse personnalité) est arrivé pour lui apporter son colossal et splendide couronnement.

Celui-là, c’est l’admirateur complet et érudit ; il apprécie les beautés d’ordre purement musical de J.-S. Bach ; il voit se développer avec Gluck le sens de la déclamation expressive ; il pénètre dans les profondeurs philosophiques du style de Beethoven, et se rend compte que de lui date la science toute moderne de l’orchestration ; il saisit comment Weber et Schumann sont entraînés dans l’évolution romantique et l’idéalisme ; et lorsqu’il retrouve en Wagner tous ces éléments réunis et d’autres encore, tous portés à une puissance supérieure et mis au service d’un dramaturge grand parmi les plus grands, il a le droit de dire qu’il admire, parce qu’il comprend ce qu’il y a à admirer. Des beautés de tout genre dont fourmille l’œuvre de Wagner, aucune ne lui est cachée, toutes lui apparaissent dans un épanouissement d’autant plus complet qu’il en connaît mieux les origines, et son seul embarras est de savoir où porter sa plus grande admiration ; car Wagner, lorsque cela lui plaît, est aussi pur d’écriture que Bach ; car sa déclamation est encore plus expressive et plus vraie que celle de Gluck ; car son orchestre efface, par sa richesse et sa variété, celui pourtant si prodigieux de Beethoven, de Weber et de Mendelssohn ; car il est aussi poétique et moins nébuleux que Schumann ; car, en tout, il a surpassé chacun de ceux dont il avait fait ses modèles, et qu’au-dessus de tout cela plane, comme la colombe du Graal, le souffle de son inspiration personnelle, la note individuelle et caractéristique de son