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cent coudées au dessus de la mienne. Ce fait était, pour elle, l’évidence même, mais ne l’empêchait aucunement d’accepter mon argent à la fin du mois. Ce jour-là mais ce jour-là seulement, elle me gratifiait d’un large sourire découvrant ses dents, longues comme les touches d’ivoire d’un vieux piano.

Dans le « Roi des Montagnes », Edmond About a plaisamment mis en relief ce ridicule amusant. Il raconte l’histoire d’une vieille anglaise arrêtée par des brigands sur une route de Calabre. On lui vole son argent et ses bijoux. Ce qui la surprend le plus, ce qui la révolte, c’est le manque d’égards qu’on lui témoigne à elle Anglaise ! Je ne connais pas de satire plus mordante de la vanité des Anglais. Si cette vanité nous les rend parfois réjouissants, d’autres fois elle nous les rend insupportables ; par exemple en chemin de fer, dans les hôtels, aux bureaux de poste où ils prétendent passer les premiers. Pensez donc ! la première nation du monde !

Cependant, que nos Canadiens n’oublient pas qu’une pointe d’orgueil est salutaire pour une collectivité. Que leurs savants, leurs écrivains, leurs artistes, prennent nettement conscience de leur valeur, incontestable quand on songe à l’extrême jeunesse de ce peuple.

Qu’ils sachent mieux encourager les talents qui se font jour en faisant mentir le méchant proverbe : « Nul