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à l’intérieur, vaincre le christianisme et rétablir les autels du paganisme, mais d’un paganisme renouvelé par la philosophie. Les temples détruits par le temps ou par les chrétiens furent réparés. Comme le remarque Chateaubriand, Julien fut le Luther païen de son siècle ; il entreprit la réformation de l’idolâtrie sur le modèle de la discipline des chrétiens. Plein d’admiration pour la fraternité évangélique, il désirait que les païens se liassent ainsi d’un bout de la terre à l’autre ; il voulait que les prêtres de l’hellénisme prêchassent, comme ceux de la croix, la charité et l’hospitalité. Nous possédons un fragment d’une lettre très-belle et très-curieuse où il recommande à son clergé de pratiquer et de prêcher l’aumône, comme le plus sûr moyen d’attirer sur soi les faveurs célestes, « C’est un acte saint, dit-il, d’accorder, même à des ennemis, le vêtement et la nourriture ; car c’est à l’homme que nous donnons et non point à ses mœurs… Je pense que notre sollicitude doit s’étendre jusque sur les malfaiteurs enfermés dans les cachots. En cela, l’humanité n’interrompt pas le cours de la justice… Lorsque Jupiter ordonnait le monde, il tomba quelques gouttes de son sang sacré, d’où germa la race humaine, ce qui fait que nous sommes tous du même sang… Donnons donc de notre avoir à tous les hommes, mais plus largement aux gens de bien… ; car, qui s’est jamais appauvri en donnant à ceux qui sont dans la pauvreté et dans la détresse ? » Il ordonna à ses hiérarques de suivre l’usage « de la secte impie des Galiléens, qui, dit-il, non-seulement nourrit ses pauvres, mais souvent les nôtres. » Il leur prescrivit, en outre, d’établir dans chaque cité des hospices. « Je veux, dit-il, que les gens sans asile et sans moyens d’existence y jouissent de nos bienfaits, quelle que soit la religion qu’ils professent. »

Il faut remarquer que Julien, en s’efforçant d’introduire la pratique de la charité dans le paganisme, tendait à enlever au christianisme un moyen très-positif d’influence et d’action populaire. Cela entrait dans son plan de guerre contre « le galiléisme ». Ce plan était très-habilement conçu. D’abord il établit par un édit la tolérance universelle, c’est-à-dire la pleine liberté des hérésies et des schismes. Les évêques et prêtres, à quelque secte qu’ils appartinssent, furent également protégés par celui qui les méprisait tous, et qui espérait les affaiblir en les divisant. Il savait bien ce qu’il faisait, dit Ammien Marcellin, et que « les chrétiens entre eux sont les pires des bêtes féroces. » Ensuite, il fit défense à tout galiléen d’ouvrir école et d’enseigner les auteurs classiques. Selon Julien, les hellènes seuls avaient besoin de parler purement la langue grecque, afin de pouvoir comprendre les anciens et trouver dans le passé des preuves à l’appui de leurs croyances ; mais c’était une duplicité honteuse, un trafic contraire à l’honnêteté, de faire métier d’expliquer Homère, Hésiode, Platon, etc., quand on désapprouvait leur religion. « Ou n’expliquez point, disait-il dans son édit, les écrivains profanes, si vous condamnez leurs doctrines ; ou, si vous les expliquez, approuvez leurs sentiments. Vous croyez qu’Homère, Hésiode et leurs semblables sont dans l’erreur ; allez expliquer Matthieu et Luc dans les églises des galiléens. » Cette interdiction était un coup terrible porté à la religion chrétienne ; on peut en mesurer l’habileté à la douleur et aux colères de saint Grégoire. « Tous les lettrés et tous les savants galiléens, dit M. Lamé, comprirent que c’en était fait du galiléisme si cette loi restait en vigueur pendant quinze ans, pendant le temps de former une nouvelle génération. Les seuls galiléens sérieux étaient ceux de la classe moyenne. Or, les parents de cette classe, mis en demeure de laisser leurs enfants ignorants ou de les envoyer aux rhéteurs hellènes, n’auraient pas plus hésité que par le passé, et Julien s’était arrangé de manière à confondre entièrement l’éducation et l’enseignement, ce qui n’avait pas eu lieu avant lui et ce que fit le clergé chrétien au moyen âge. » Ce serait une singulière erreur de prêter à Julien une sorte d’impartialité sceptique, d’indifférence en matière de religion. La vérité est que c’était un prêtre couronné, un prêtre du paganisme dont la piété était trop ardente pour n’être pas empreinte de fanatisme, comme celle de ses ennemis. Il faut mettre sur le compte de l’habileté plutôt que sur celui d’une réelle tolérance la conduite relativement modérée qu’il tint à l’égard des chrétiens ; et l’on ne peut guère douter que, revenu vainqueur de l’expédition de Perse, il n’eût été amené à une persécution générale.

Tout était prêt, cependant, pour cette expédition de Perse au succès de laquelle Julien subordonnait l’accomplissement de ses grands desseins d’ordre temporel et spirituel. Après s’être assuré des grands ressorts de la guerre, argent, vivres, bons soldats, il part de Constantinople, dans les premiers jours du mois de juin 362, passe successivement à Chalcédoine, Nicomédie, Nicée, Pessinonte, Tarse et arrive à Antioche au mois d’août. À Antioche, où il séjourne, il reçoit d’abord un accueil chaleureux ; mais bientôt sa simplicité, sa rigidité de mœurs, sa longue barbe de philosophe, sa piété de pontife toujours prêt à offrir des sacrifices aux dieux, excitent les railleries. Vivement irrité des sarcasmes auxquels il est en butte, il ne songe pourtant pas à user du pouvoir pour se venger de ses détracteurs ; il se contente de tirer raison des épigrammes et des libelles par un pamphlet curieux, le Misopogon, qu’il laisse aux Antiochiens, en les quittant, comme un monument de son indignation et de leur injustice. D’Antioche, Julien se dirige vers Hiéropolis, y réunit son armée dans les premiers jours de mars 363, se porte vers la Mésopotamie, franchit l’Euphrate sur un pont de bateaux, et arrive à Batni. Là, il arrête son plan de campagne. Il charge son parent Procope de suivre la grande route de l’Asie avec un corps d’armée qui, avec les renforts promis par Arsace, roi d’Arménie, doit compter 30,000 hommes. Lui-même, à la tête d’une armée deux fois plus nombreuse, il s’engage en Mésopotamie, et, après quelques combats d’avant-garde, arrive sur les bords du Tigre en face de Ctésiphon. Le Tigre est traversé et les Perses défaits dans une bataille de douze heures. Julien ne songea point à entreprendre le siège de Ctésiphon, ville bien munie et bien fortifiée et trop vaste pour être investie. D’après ses calculs, Procope et le roi d’Arménie ne devaient plus être qu’à quelques jours de marche. Malheureusement, Procope était encore à Nisibe à attendre le roi d’Arménie, qui ne devait pas venir. Quelque importante que fût à plus d’un titre sa jonction avec un corps d’armée tel que celui de Procope, Julien se lassa bientôt de perdre un temps précieux. Impatient de s’avancer dans l’intérieur des terres, il brûla sa flotte, qui ne pouvait plus lui être d’aucune utilité et qu’il ne voulait pas laisser au pouvoir de l’ennemi, puis marcha à la rencontre de Sapor, roi des Perses, dans la direction de la Susiane, On était à la fin de juin ; l’armée romaine s’avançait dans de fertiles plaines couvertes de moissons déjà mûres, où le bétail et les chevaux trouvaient ample nourriture. Sapor résolut de faire un désert devant l’année de Julien. Les Romains virent se propager tout autour d’eux la fumée des moissons incendiées ; l’armée, en même temps qu’elle perdait tout espoir de renouveler ses provisions, était obligée de s’arrêter plusieurs jours de suite dans le même campement pour attendre que le feu fût éteint. Julien, égaré par la maladresse de ses guides, ou peut-être trompé à dessein par eux, jugea qu’il n’aurait pas le temps d’arriver jusqu’à Suse, avant l’épuisement de ses subsistances ; il rebroussa brusquement chemin, puis se porta vers le nord pour gagner la Cordouène, à travers la haute Assyrie. Dès que les Romains rétrogradèrent, l’ennemi, jusqu’alors invisible, se montra. Il y eut un premier combat de cavalerie, où les Perses furent facilement repoussés, puis un grand combat, 70 stades plus loin, dans un lieu nommé Maranga, où la victoire resta encore aux Romains. Les Perses, instruits par ces défaites, semblaient vouloir se borner à des escarmouches, quand un matin on annonce à Julien que les Perses ont commencé une attaque générale. Il prend le premier bouclier venu, et, sans cuirasse, il court au combat. La vue du prince, qui se multiplie pour faire face au danger, provoque un élan de son infanterie légère : les Perses sont repoussés ; ils fuient ; Julien se jette sur leurs traces, oubliant qu’il combat nu. Ses gardes lui crient vainement de se défier de cette masse de fuyards qui font pleuvoir une grêle de traits ; un javelot de cavalier, lancé par une main inconnue, effleure la peau du bras de Julien, lui perce les côtes et s’enfonce dans le foie. Il essaye d’arracher le trait, se coupe les doigts au double tranchant du fer et tombe évanoui de son cheval. On l’entoure, on le relève, on le porte au camp, on le dépose sur la peau de lion qui lui servait de lit militaire ; et quand il rouvre les yeux, il juge, malgré les soins de son médecin Oribase, que sa blessure est mortelle. Sa mort, telle que la raconte Ammien Marcellin, est admirable et rappelle la mort de Socrate et celle de Marc-Aurèle. « Amis, dit-il à ceux qui l’entouraient, le temps est venu de quitter la vie ; ce que la nature me redemande, débiteur de bonne foi, je le lui rends allègrement. Toutes les maximes des philosophes m’ont appris combien l’âme est d’une substance plus fortunée que le corps. Je sais aussi que les immortels ont souvent envoyé la mort à ceux qui les révèrent, comme la plus grande récompense. Les douleurs insultent aux lâches et cèdent aux courageux. J’espère avoir conservé sans tache la puissauce que j’ai reçue du ciel et qui en découle par émanation. Je remercie le Dieu éternel de m’enlever du monde au milieu d’une course glorieuse. Celui qui désire la mort lorsque le temps n’en est pas venu, ou qui la redoute lorsqu’elle est opportune, manque également de cœur… Je n’ai plus la force de parler. Je m’abstiens de désigner un empereur, dans la crainte de me tromper sur le plus digne, ou d’exposer celui que j’aurais jugé le plus capable, si mon choix n’était pas suivi : en fils tendre et en homme de bien, je souhaite que la république trouve après moi un chef intègre. » Après avoir ainsi parlé d’une voix tranquille, il disposa da ses biens de famille en faveur de ses amis. Tous les spectateurs de cette scène émouvante fondaient en larmes. Julien les réprimanda, disant qu’il ne convenait pas de pleurer une âme prête à se réunir au ciel et aux astres. On fit silence, et il continua de discourir de l’excellence de l’âme avec les philosophes Maxime et Priscus. Sa blessure se rouvrit ; il demanda un peu d’eau froide et expira sans effort au milieu de la nuit (26 juin 363). Il n’était âgé que de trente-trois ans. Il emportait dans la tombe les espérances de restauration du paganisme.

Les historiens ecclésiastiques racontent que Julien, après avoir arraché le trait qui venait de lui faire une blessure mortelle, le lança vers le ciel, en s’écriant : « Tu as vaincu, Galiléen. » Ce fait est suffisamment démenti par le récit détaillé que nous avons emprunté à Ammien Marcellin. Ils se plaisent aussi à parler d’une tentative de reconstruction du temple de Jérusalem, entreprise par l’ordre de Julien et arrêtée par des prodiges dont l’invraisemblance rend suspect le passage d’Ammien Marcellin qui semble les confirmer, nous nous bornons ici à mentionner ces deux faits, pour mémoire, et quant au premier, nous renvoyons au mot vaincre.

En morale et en politique, dit M. Zeller, Julien était l’élève du stoïcisme et de la vieille discipline romaine que, dans l’éloignement des temps, on confondait alors volontiers. Il proclamait lui-même qu’il avait pris pour modèle Marc-Aurèle, l’empereur philosophe, pour la vertu, et Caton pour la sévérité des mœurs. On trouve dans son épître à Thémistius, et dans quelques passages de ses discours et panégyriques, l’idée qu’il se faisait de la souveraine puissance. Avec Platon et Aristote, il pensait que, « de même que les dieux ont donné les troupeaux d’animaux à conduire à des êtres d’une nature supérieure, aux hommes, ainsi, pour gouverner les hommes, il faudrait au-dessus d’eux des êtres surhumains, des dieux. » Puisque cette mission n’appartenait point aux dieux, il répétait que l’homme devait, en prenant le gouvernement de ses semblables, « étouffer, selon l’énergique expression d’Aristote, la bête féroce qui monte sur le trône avec un despote ; » il condamnait donc l’autocratie, l’omnipotence souveraine, il voulait que le souverain ne régnât pas lui-même, mais qu’il assurât seulement le règne de la loi, cet esprit que ne trouble pas la tempête des passions. Incapable de s’élever à la conception d’une constitution politique, il exigeait du souverain qu’il fit le plus de bien possible aux hommes… Le grand pontife, dans Julien, fut loin de valoir l’empereur. C’est dans ses discours en l’honneur du soleil-roi et de la mère des dieux, la Cybèle de Pessinonte, ainsi que dans quelques écrits polémiques, qu’il faut chercher les idées religieuses de Julien ou celles qu’il emprunta k ses maîtres. Disciple du panthéisme d’alors, il concevait l’être un, intelligible, comme le principe, le type de toute perfection et de toute vertu, soleil de vérité et de beauté, soleil-roi, dont l’astre du jour était l’expression matérielle, l’image visible et comme l’agent intermédiaire, le médiateur entre l’être invisible et la création visible. Cette substance une, immatérielle et matérielle, arrivait par l’émanation à la pluralité des dieux, intelligibles pour la conscience des hommes et visibles pour leurs yeux. Les divins artistes de la Grèce en avaient trouvé la représentation idéale. »

L’empereur Julien est du petit nombre des souverains qui ont écrit. M. Talbot, qui a traduit ses œuvres, les range sous huit chefs principaux : 1o panégyriques ; 2o écrits mystiques et théologiques ; 3o œuvres philosophiques et morales ; 4o apologie ; 5o satires ; 6o polémique religieuse ; 7o correspondance ; 8o opuscules poétiques. Les panégyriques sont au nombre de trois. Les deux premiers sont écrits en l’honneur de Constance. Le troisième est celui de l’impératrice Eusébie. Les écrits mystiques et théologiques sont au nombre de deux, l’un sur le Roi-Soleil et l’autre sur la Mère des dieux. « Ce sont, dit M. Talbot, deux morceaux très-importants pour l’intelligence des idées néo-platoniciennes, à l’aide desquelles Julien essayait de construire le système de philosophie mystique dont il prétendait faire la religion hellénique, le polythéisme restauré. » Sous le nom d’œuvres philosophiques et morales, M. Talbot comprend les discours de Julien Contre les chiens ignorants ; Contre le cynique Héradius ; la Consolation à Salluste ; l’Épître à Thémestius et le Fragment d’une lettre d’un pontife. L’auteur y montre un esprit plein de justesse et de finesse, et un véritable talent d’écrivain. Le nom d’apologie s’applique très-bien à l’Épître au sénat et au peuple d’Athènes où Julien expose sa conduite à la ville d’Athènes, et la prend en quelque sorte pour juge entre Constance et lui. Cette lettre est une œuvre d’art achevée. La partie satirique des œuvres de Julien se compose des Césars et du Misopogon. Les Césars passent, à bon droit, pour le chef-d’œuvre de Julien. « Sous le titre de Misopogon, dit M. Albert de Broglie, Julien dépeint et déchire d’une dent mordante et venimeuse toute cette société polie de l’Orient, où païens et chrétiens ne différaient souvent que de nom et se confondaient dans une recherche commune des sensualités de la vie et des raffinements du luxe. » Nous ne possédons que des fragments des écrits polémiques de Julien contre le christianisme. Ce n’est que par des extraits de saint Cyrille que nous pouvons juger du plan de l’auteur et du parallèle qu’il établissait entre la nouvelle religion et le polythéisme. La correspondance de Julien se compose de quatre-vingt-trois lettres, diverses détendue et d’intérêt, « mais toutes remarquables, dit avec raison M. Talbot, soit par la lumière qu’elles répandent sur les idées de l’empereur et sur les faits de cette période, soit par le style, dans lequel il faut louer un heureux mélange de grâce exquise et de gravité. » Quant aux opuscules poétiques, ils sont d’une nature très-légère et ne doivent être mentionnés que pour mémoire.

Julien l’Apostat, roman anglais de Fielding (1743). C’est un singulier ouvrage, plein d’imagination, de verve et de gaieté paradoxale. Le cadre a de l’originalité ; c’est une série de confessions d’âmes, parmi lesquelles celle de l’homme qui fut empereur sous le nom de Julien l’Apostat tient le premier rang. On entend d’abord le récit d’une âme qui s’est échappée de son domicile corporel « par les narines, comme par un tuyau de cheminée. » Cette âme errante rencontre celle de Julien, qui lui fait part de ses aventures. En quittant le corps de l’empereur, elle a tour à tour habité un esclave, un juif, un général, un charpentier, un moine, un bateleur, un philosophe, un roi, un bouffon, un mendiant, un tailleur, un échevin, un poëte, un maître de danse et enfin un archevêque. Dans toutes ces situations, sauf la dernière, elle s’est évertuée à jouer des tours pendables ; elle a fait l’amour avec Hypathie, elle a lu des gaudrioles à saint Jérôme, elle a été cause qu’un de ses derniers corps a été châtré pour adultère. Après tant de vicissitudes, elle n’a mérité le repos que par la bonne conduite qu’elle a tenue dans le corps de l’archevêque Latimer, persécuté par Henri VIII. Toutes les aventures de Julien incarné dans ces différents personnages sont amusantes et se rapprochent du genre picaresque. Chaque état, sous lequel apparaît le défunt empereur, est peint avec ses vices, ses ridicules et ses travers sur un ton de familiarité excessif, léger, sans cependant manquer de profondeur.

Le récit s’interrompt brusquement, comme si la fin était perdue, et le livre se termine par l’histoire d’Anne de Boulen, que l’auteur place dans la bouche de cette malheureuse ou plutôt dans celle de son âme. Ce hors-d’œuvre ne semble placé là que pour faire illusion au lecteur en continuant la fiction.

Julien dans les Gaules, tragédie par M. E. Jouy (Théâtre-Français, 10 novembre 1826). L’élévation de Julien à l’empire par les légions de la Gaule a été racontée par Zozime et par Ammien Marcellin. Leur récit, où cependant se trouvent deux ou trois incidents dramatiques, semble peu propre, au premier abord, à fournir le sujet d’une tragédie. Mais M. Jouy a suppléé au défaut de l’histoire en inventant une de ces conspirations de théâtre où figurent un traître consommé, un amoureux que la passion entraîne au crime et que la générosité ramène à la vertu ; enfin, une femme tendre et héroïque dont la mort, à la fin de la pièce, console les scélérats de n’avoir pu mener à fin leur complot. Telle est toute la fable de ce drame, assez pâle au point de vue poétique, et nul, ou à peu près, au point de vue historique. L’auteur a bien entrevu les principaux traits du caractère de son héros, sa mysticité, ses superstitions, son inimitié contre le christianisme, sa simplicité stoïque ; mais il a jeté tout cela dans quelques vers, dans une ou deux scènes à peine ébauchées. Un des grands défauts de ce drame est aussi qu’on n’y apprend rien de la Gaule, de Paris, des mœurs et de l’esprit du temps. Tant d’intérêt cependant pouvait se rattacher aux souvenirs de notre vieille cité ! En résumé, à part deux ou trois scènes habilement exécutées, et certains détails touchants de l’amour de Julien pour une jeune esclave, en qui l’auteur a voulu personnifier cette Grèce adorée dont Julien s’était promis de rétablir le culte, cette tragédie est froide et ne présente qu’un intérêt médiocre. L’auteur comptait, pour le succès, sur la puissance des allusions. Les tirades contre les barbares du Nord, qui venaient désoler les Gaules, s’appliquaient à l’invasion des alliés ; on y trouve même quelques traits contre la Sainte-Alliance. Avec la bonne volonté qui régnait alors, quelques mots de Julien réveillaient le souvenir de Buonaparte.

Tous ces peuples de proie, attirés sur nos bords,

étaient pour les Russes et les Prussiens.

Cette maxime :

Aux yeux de l’univers le malheur est un crime.
Et la victoire seule est toujours légitime,

allait à tous les événements de l’époque.

L’invocation de Julien :

Que ne puis-je en ce jour, cher à l’humanité,
Sur les degrés du trône asseoir la liberté !

était à l’adresse du roi et faisait penser à la charte. Tout cela était déjà bien loin en 1826.

Julien empereur, statue antique en marbre dur ; au musée du Louvre. La ressemblance de la tête avec le portrait de Julien l’Apostat, tel que le montrent les médailles, est de l’évidence la plus frappante. On y remarque la barbe que Julien ne se fit plus raser dès qu’il eut secoué la dépendance de Constance, et qui, à la cour de celui-ci, lui faisait donner le surnom de Capella (la petite chèvre). L’empereur est revêtu d’un manteau grec ; il porte sur sa tête un diadème, où le laurier se voit entrelacé avec des cordons, et relevé par des pierreries. On pense que la ville de Paris a fait, du vivant de Ju-