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Les vitraux sont dignes d’attirer l’attention des archéologues. Il existe encore à Saint-Julien plusieurs maisons ornées de poutres sculptées du XVe et du XVIe siècle. Au sommet de la colline qui domine le bourg, on voit une petite chapelle du XIIIe siècle et les débris d’un ancien château.

JULIEN-DU-TOURNEL (SAINT-), village et commune de France (Lozère), canton de Bleymard, arrond. et à 19 kilom. E. de Mende, sur la rive droite du Lot ; 1, 226 hab. Mines de plomb argentifère. Vestiges de fonderies qui avaient été établies par les Sarrasins. À 2 kilom. de Saint-Julien, au sommet d’une montagne qui domine les gorges du Lot, et dans les flancs de laquelle on a creusé un tunnel pour le passage de la route de Mende à Alais, se dressent les ruines pittoresques du château de Tournai, qui fut jadis l’une des huit baronnies du Gévaudan. Le petit village de Tournel, accroché au flanc de la montagne, élève les toits de ses pauvres masures au-dessous des ruines du vieux castel. Au pied de la montagne bouillonnent les eaux du Lot, qui n’est encore qu’un torrent au cours sinueux. C’est un des sites les plus pittoresques et les plus sauvages du département de la Lozère. Les tours et le donjon encore debout paraissent appartenir au XIVe siècle. Une seule porte demi-ogivale a conservé sa forme ; les autres portes ou croisées n’offrent que des ouvertures délabrées. Deux tours et un gros donjon conservent encore un air de grandeur ; les autres corps de logis ne sont indiqués que par des murailles croulantes. Ce château appartenait à la famille des Guérin de Châteauneuf-Randon, branche des du Tournel. Il donnait à ses possesseurs droit d’entrée aux états du Languedoc, comme barons de la Tour du Gévaudan. La puissante famille qui le possédait eut à soutenir au moyen âge bien des guerres où le Tournel joua un grand rôle. En 1580, le célèbre chef huguenot Merle l’attaqua, ainsi que la plupart des châteaux de la famille de Châteauneuf.


JULIEN-DE-VOUVANTES (SAINT-), bourg de France (Loire-Inférieure), ch.-l. de cant., arrond. et à 14 kilom. S.-E. de Châteaubriant, sur un coteau au pied duquel se trouve un étang ; pop. aggl, 555 hab. — pop. tot., 1, 990 hab. Fabrication de chaux : tanneries. L’église, en partie du XVe siècle, renferme de beaux vitraux décorés des armes de Bretagne, de Laval, de Dinan et de Châteaubriant. Auprès de l’église sont trois fontaines, dont l’une porte l’empreinte d’un fer à cheval que la tradition dit avoir été marquée par le cheval de saint Julien. Ces fontaines attirent une grande affluence de pèlerins,


JULIEN-SUR-LE-SURAN (SAINT), bourg de France (Jura), ch.-l. de cant., arrond, et à 34 kilom. S. de Lons-le-Saunier, sur le Suran ; pop. aggl., 480 hab. — pop. tot., 735 hab. Fromageries ; commerce de bétail, chevaux, porcs et mulets. Beau château moderne.


JULIEN (saint), martyr, né à Vienne (Dauphiné), décapité à Brioude en 304. Né d’une famille noble, il servit dans les armées romaines et périt victime de sa foi pendant la persécution de Dioclétien. Grégoire de Tours lui attribue, d’après la tradition populaire et légendaire, un grand nombre de miracles. L’Église l’honore le 28 août.


JULIEN, dit l’Apostat (Flavius Claudius Julianus), empereur romain, né le 6 novembre de l’année 331, mort le 28 juin de l’année 363. Julien était le neveu de Constantin et le cousin de l’empereur Constance, fils et successeur de Constantin. Constantin avait trois frères : Dalmatius, Jules Constance, Annibalien. Jules Constance eut de Galla, sa première femme, Gallus, et de Basilène, sa seconde femme, Julien. Les frères, les neveux et les principaux officiers de Constantin furent massacrés après sa mort, à l’exception des deux fils de Jules Constance, par suite d’une conspiration de l’armée et du palais dont les causes sont mal connues, mais dont la responsabilité pèse sur la mémoire de l’empereur Constance. Gallus et Julien avaient, le premier douze ans et le second six, quand arriva la massacre de la famille impériale. Marc, évêque d’Aréthuse, avait, dit-on, sauvé Julien, qui fut caché dans le sanctuaire d’une église. Gallus, épargné comme malade et près de mourir, ne sembla pas valoir la peine d’être tué. L’enfance des deux princes fut environnée de soupçons et de périls ; ils demeurèrent six ans enfermés dans la forteresse de Macellum, ancien palais des rois de Cappadoce. « Pendant les six années que nous passâmes dans une terre qui ne nous appartenait pas, dit plus tard Julien en parlant de son séjour à Macellum, on nous gardait comme si nous eussions été prisonniers des Perses. Aucun de nos amis n’avait permission de nous aborder. Nous ne pouvions nous livrer à aucun entretien libre ni à aucun genre d’étude. Au milieu d’un domestique nombreux et magnifique, nous étions réduits à n’avoir pour camarades que nos esclaves et à faire nos exercices avec eux. Les jeunes gens de condition libre ne pouvaient nous approcher… Si mon frère a eu dans l’humeur quelque chose de brutal et d’inculte, il le tenait en partie de cette éducation rustique. » Demeuré seul auguste par la mort de Constantin II et de Constant, ses frères et ses collègues, Constance changea tout à coup de conduite à l’égard de ses cousins. Il les fit venir à Constantinople, et Gallus reçut le titre de césar avec la main de Constantine, sœur de l’empereur. Malheureusement, Gallus ne sut apporter dans l’exercice du pouvoir dont il était investi ni prudence ni modération. Sa femme, qui l’avait entièrement subjugué, ne cessait de chercher une occasion favorable pour le faire proclamer auguste et détruire Constance. Elle l’engagea en des entreprises sanglantes ou suspectes qui flattaient ou entretenaient sa violence, mais qui écrasèrent sa faiblesse. Considéré comme rebelle par l’empereur, il fut arrêté à Peltace, conduit à Flone en Istrie, dépouillé de la chaussure des césars, interrogé par l’eunuque Eusèbe, condamné à mort et exécuté non loin de Pola.

Julien avait reçu sa première éducation d’Eusèbe, évêque de Nicomédie, un des chefs de l’arianisme, et de l’eunuque Mardonius, personnage grave, Scythe de nation, grand admirateur d’Hésiode et d’Homère. Le premier avait essayé de diriger les goûts de l’enfant vers l’état ecclésiastique ; le second s’était appliqué à former les mœurs et les idées de son élève selon l’esprit grec. « Cette éducation mi-païenne mi-chrétienne, remarque fort justement M. Lamé, n’était pas alors une exception. Au IVe siècle et jusqu’à la fin du Ve les fils de famille étaient le plus souvent élevés ainsi, dans un égal respect pour les mythologies juive et grecque. Au même temps où Julien grandissait à Nicomédie, saint Basile et saint Grégoire de Nazianze recevaient une éducation tout à fait analogue. Les enfants ainsi élevés, une fois devenus hommes, prenaient parti pour ou contre le christianisme, si un goût irrésistible les entraînait vers les spéculations théologiques ; mais la plupart de ces jeunes gens de la haute classe, une fois sortis des écoles, se mêlaient franchement à la vie active, n’attachant qu’une médiocre importance à tout ce qu’ils avaient appris dans l’adolescence. Ceux-ci restaient toute leur vie indifférents entre le paganisme et le christianisme, également prêts, suivant qu’ils le jugeaient utile à leur influence dans la province et à leur crédit à la cour, à briguer les fonctions de pontife païen ou chrétien. » À l’âge de quinze ans, Julien fut, comme nous l’avons dit, réuni à son frère Gallus au château royal de Macellum. Dans cette réclusion, il acquit cette force concentrée de volonté, cet empire sur soi-même, sur ses appétits, ses sens, ses impressions, cette défiance des autres, qui forment les traits de son caractère. Les deux princes étaient astreints, par les ordres de Constance, à l’observance des pratiques religieuses, telles que les jeûnes, les offices, la dévotion aux tombeaux des martyrs. Il est probable que Julien n’y prit jamais une part volontaire : il subit comme un joug une religion ainsi imposée à l’indépendance de son esprit, et commença sans doute dès lors à envelopper dans la même aversion le dogme, le culte et la discipline.

Lorsque Gallus eut été nommé césar, Julien obtint de suivre ses études à Constantinople. Il alla voir le célèbre Libanius, qui tenait alors école dans cette ville, et pour lequel il conçut une amitié enthousiaste. Mais les évêques représentèrent à Constance qu’il était dangereux de livrer un prince du sang à un ennemi du christianisme. Libanius était en effet un païen, ou, comme on disait alors, un Hellène fervent et pratiquant. On défendit donc à Julien d’écouter ses leçons, et on lui fit suivre celles d’un rhéteur qui faisait profession du christianisme, Ecébole. Le jeune prince devint bientôt fort instruit dans toutes les sciences de son temps, sauf les sciences occultes. Celles-ci piquaient vivement sa curiosité : elles avaient pour son imagination mystique un attrait invincible. La popularité que lui avait faite à Constantinople sa passion pour l’étude portait ombrage à Constance. Il dut s’éloigner de la capitale et se rendre en tel lieu de l’Asie qu’il choisirait. Il alla d’abord à Nicomédie, puis à Pergame, où il fit mander Édésius, dont Libanius lui avait recommandé la science hiératique. Édésius était le représentant la plus accrédité de l’école néo-platonicienne, le plus savant des disciples de Jumblique. Les interrogations pressantes de Julien effrayèrent d’abord la vieillesse du philosophe, qui longtemps se refusa, par prudence, à y répondre. À la fin, touché et vaincu par l’ardeur et l’enthousiasme du jeune homme : « Cher enfant, lui dit-il, tu connais par mes paroles ce que mon âme ressent pour toi ; mais mon corps refuse de la servir. C’est, comme tu le vois, un vieil édifice qui menace ruine. Je te conseille donc d’aller chercher mes véritables fils ; tu trouveras chez eux une source inépuisable de lumière et de science. Si tu avais le bonheur d’être initié à leurs mystères, tu rougirais d’être homme, tu ne pourrais plus souffrir ce nom. Que n’avons-nous ici Maxime ? Malheureusement il est à Éphèse, et Priscus est en Grèce. Il nous reste Eusèbe et Chrysanthe. En prenant leurs leçons, tu soulageras un faible vieillard qui n’est plus en état de t’en donner. » Julien s’adressa d’abord à Eusèbe et à Chrysanthe ; mais il comprit bientôt que Maxime serait seul assez hardi ou assez habile pour lui apprendre les secrets de la théurgie. Il se rendit à Éphèse, où Chrysanthe vint le rejoindre. Maxime, d’un âge approchant de la vieillesse, portait une longue barbe blanche ; son éloquence était entraînante ; le son de sa voix se mariait si bien avec l’expression de ses regards, qu’on ne lui pouvait résister. Il accepta tout de suite d’initier Julien ; mais, auparavant, il lui imposa les privations les plus dures de sommeil, de nourriture et de parole. Au bout d’un mois d’épreuves, Julien, conduit au temple de Diane, reçut l’initiation depuis longtemps désirée, au milieu de cérémonies effrayantes, accompagnées de chants étranges, d’ombres évoquées, d’apparitions de démons et de génies. Il renonça à la religion chrétienne, se voua au culte de Mithra et choisit le soleil pour son dieu suprême. On dit que, voulant effacer en lui la souillure du baptême, Maxime le soumit à l’épreuve du taurobole et versa sur sa tête le sang d’un taureau nouvellement égorgé. Julien cacha soigneusement sa conversion à l’hellénisme. Pour vivre, et dans l’intérêt de la cause qu’il avait résolu de servir, il lui fallait cacher ses relations avec les disciples de Jamblique. Il retourna brusquement à Nicomédie, se fit raser la tête et se remit à suivre les pratiques chrétiennes. « C’était, dit Libanius, le contraire de la fable : c’était le lion qui prenait la peau de l’âne. »

Après la mort de Gallus, Julien fut conduit et interné à Milan, puis relégué à Côme. Les courtisans avaient essayé de l’impliquer dans le procès de son frère. Mais l’impératrice Eusébie, mue par la pitié, ou peut-être par un sentiment plus tendre, le prit sous sa protection, lui fournit l’occasion de se justifier et le fit envoyer à Athènes. Le voyage de Julien à Éphèse en avait fait un païen, son séjour à Athènes en fit un philosophe. Athènes dégénérée était encore la plus florissante école de l’univers. Julien y connut saint Basile et saint Grégoire de Nazianze, et tout prouve que ces trois jeunes gens, qui devaient avoir des destinées si différentes, deux saints vénérés de l’Église et un apostat maudit par elle, vécurent dans une étroite société. On trouve dans les écrits de saint Basile et dans ceux de Julien des idées et des expressions qui témoignent de relations amicales et d’études communes. La colère qui éclate dans les invectives de saint Grégoire contre Julien est sans doute d’autant plus vive qu’il avait aimé celui auquel il ne peut pardonner d’avoir renié sa foi.

Julien était heureux à Athènes ; on s’empressait autour de lui, on l’admirait, on le fêtait ; il eût voulu passer sa vie dans cette patrie des lettres et des arts, loin des honneurs dangereux et enviés. Mais Eusébie avait rêvé de faire de son protégé un héros guerrier : elle obtint pour lui le commandement des Gaules et le titre de césar. Julien, qui avait le sort de Gallus devant les yeux, reçut avec tristesse la lettre qui l’appelait au rang suprême. Arrivé à Milan, il traça ces mots pour l’impératrice : « Puisses-tu avoir des enfants ! Que Dieu t’accorde ce bonheur et d’autres prospérités ! Mais, je t’en conjure, laisse-moi retourner à mes foyers. » C’est ainsi qu’il appelait la Grèce. Le billet écrit, il n’osa l’envoyer, arrêté qu’il fut, dit-il, par les ordres et les menaces des dieux. Il avait conservé l’habit des philosophes athéniens et laissé croître sa barbe. Des courtisans ayant trouvé sa tenue inconvenante à la cour l’entraînèrent dans la boutique d’un barbier, le rasèrent et le revêtirent de l’habit militaire. Il faisait, dit-il, un plaisant soldat, marchant les yeux à terre comme un écolier. Pendant qu’il improvisait son éducation militaire, et qu’il s’exerçait à marquer le pas sur l’air de la pyrrhique, on l’entendit s’appliquer un proverbe alors populaire : Mettre une selle à un bœuf ! est-ce le harnais qui lui convient ? puis soupirer : Ô Platon !

Constance, le 6 novembre 355, ayant assemblé à Milan les légions, proclama Julien césar. L’orphelin, dans la pourpre, au milieu des meurtriers de sa famille, répétait tout bas un vers d’Homère. « La mort pourprée et son invincible destin l’enlevèrent. » Après avoir épousé Hélène, la plus jeune sœur de l’empereur, Julien partit pour son gouvernement des Gaules. Eusébie lui donna des livres ; Constance, des valets qui avaient pour mission de le surveiller. Il ne put emmener en Gaule que deux amis, le médecin Oribaze et Évémère qui, comme lui, professait alors en secret la religion hellénique. Durant les cinq années que Julien gouverna les Gaules, il courut d’une ville à l’autre, d’Autun à Auxerre, d’Auxerre à Troyes, de Troyes à Cologne, de Cologne à Trêves, de Trêves à Lyon : on le voit assiégé dans la ville de Sens ; on le voit passant le Rhin cinq fois, gagnant la bataille de Strasbourg sur les Alamans, faisant prisonnier Chrodomaire, le plus puissant de leurs rois ; rétablissant les cités, punissant les exacteurs, diminuant les impôts, et enfin soumettant les Chamaves et les Francs Saliens. Ammien Marcellin a tracé le récit de ces belles campagnes que Montesquieu résume dans les termes suivants : « Lorsque Constance envoya Julien dans les Gaules, il trouva que cinquante villes le long du Rhin avaient été prises par les barbares ; que les provinces avaient été saccagées ; qu’il n’y avait plus que l’ombre d’une armée romaine, que le seul nom des ennemis faisait fuir. Ce prince, par sa sagesse, sa constance, son économie, sa conduite, sa valeur et une suite continuelle d’actions héroïques, rechassa les barbares, et la terreur de son nom les contint tant qu’il vécut. » Et quel était ce dompteur de la Germanie, ce pacificateur des bords du Rhin ? Un guerrier éprouvé dans les combats, un soldat élevé sous la tente ? « Non, dit Ammien Marcellin, c’est un élève des Muses, à peine adolescent, nourri comme Érechthée dans le giron de Minerve et sous les pacifiques ombrages de l’Académie. » Ajoutons avec Voltaire qu’à cette conduite de héros, Julien joignit les vertus de Trajan, faisant venir de tous côtés du blé pour nourrir les peuples dans les campagnes dévastées, faisant défricher ces campagnes, rebâtissant les villes, encourageant la population, les arts, et les talents par des privilèges, s’oubliant lui-même et travaillant jour et nuit au bonheur des hommes.

Julien passa au moins à Lutèce les deux hivers de 358 et de 359. Il aimait cette petite ville, le Paris d’alors, et nous en a laissé une description unique, qui a été mille fois citée, mais qu’on ne saurait trop citer : « J’étais en quartier d’hiver dans ma chère Lutèce, c’est ainsi que les Gaulois appellent la petite cité des Parisii. Elle occupe une île au milieu d’une rivière ; des ponts de bois la joignent aux deux bords. Rarement, la rivière croit ou diminue ; telle elle est en été, telle elle demeure en hiver : on en boit volontiers l’eau, très-pure et très-riante à la vue. Comme les Parisii habitent une île, il leur serait difficile de se procurer d’autre eau. La température de l’hiver est peu rigoureuse, à cause, disent les gens du pays, de la chaleur de l’Océan, qui, n’étant éloigné que de 900 stades, envoie un air tiède jusqu’à Lutèce ; l’eau de mer est, en effet, moins froide que l’eau douce. Par cette raison, ou par une autre que j’ignore, les choses sont ainsi. L’hiver est donc fort doux aux habitants de cette terre ; le sol porte de bonnes vignes ; les Parisii ont même l’art d’élever des figuiers en les enveloppant de paille de blé comme d’un vêtement et en employant les autres moyens dont on se sert pour mettre les arbres à l’abri de l’intempérie des saisons. »

Cependant, l’impératrice Eusébie était morte. Le succès des armes et de l’administration de Julien excitait dans l’esprit de Constance une défiance et une jalousie qu’aucune influence ne combattait plus et qu’entretenaient avec soin les courtisans. Julien était à Lutèce, lorsqu’un tribun et un secrétaire impérial vinrent lui intimer l’ordre de diriger vers l’Orient ses meilleurs soldats afin qu’ils pussent au printemps entrer en campagne contre les Perses sous la conduite de l’empereur. Ces soldats adoraient leur général : ils ressentirent vivement l’affront qui lui était fait et le danger dont il était menacé. Vers minuit, à la fin du banquet d’adieu, les esprits s’échauffent ; le chagrin se tourne en désespoir et en révolte ; les légions soulevées environnent le palais, et, tirant leurs épées à la lueur des flambeaux, s’écrient : Julien auguste ! Il avait ordonné de barricader les portes : elles furent forcées au point du jour. Les soldats se saisissent du césar, le portent à son tribunal aux cris mille fois répétés de : Julien auguste ! Julien priait, conjurait, menaçait ses violents amis, qui, à leur tour, lui déclarèrent qu’il s’agissait de la mort ou de l’empire ; il fallut céder. On l’éleva sur un bouclier ; on lui donna pour couronne un collier militaire. C’en était fait : l’empire avait deux empereurs.

Julien écrivit au peuple et au sénat athénien la relation de ce qui s’était passé à Lutèce. Il adressa des lettres explicatives à Constance, lui demanda la confirmation du titre d’auguste. Après des négociations inutiles. Constance rejeta les propositions de son rival, et lui enjoignit de quitter la pourpre, non sans le traiter d’ingrat : « Rappelle-toi que je t’ai protégé alors que tu étais orphelin. — Orphelin ! dit Julien dans sa réponse à Constance ; le meurtrier de ma famille me reproche d’avoir été orphelin ! » Julien rassemble l’armée à Lutèce, lui communique les messages venus d’Orient, lui demande s’il doit abdiquer le titre d’auguste. Un grand bruit s’élève avec ces paroles : « Sans Julien auguste, la puissance est perdue pour les provinces, les soldats et la république. » C’était la guerre entra les deux rivaux. Décidé à marcher sur Constantinople, Julien part avec 3,000 soldats ; il était à peine suivi de 30,000 autres. Il s’enfonce d’abord dans les forêts voisines du Danube, arrive à Sirmium, où les fleurs et les flambeaux lui font cortége jusqu’au palais impérial, s’empare du pas de Succi, entrée de la Thrace, et s’arrête pour attendre le reste de son armée, pendant que la Macédoine, l’Italie et la Grèce lui envoient des députations, des hommages et des vœux ! Constance se préparait activement à la résistance, lorsqu’il mourut de la fièvre à Mopsucrène, en Cilicie, le 3 novembre 361. Tout l’empire se soumit aussitôt. Julien se dirigea vers Constantinople au milieu des pompes, des cortèges, des acclamations joyeuses, et il déclara hautement ce que tout le monde avait déjà deviné, qu’il comptait reprendra la tradition des grands empereurs, rétablir officiellement le culte de la patrie, et être, comme ses prédécesseurs, le chef spirituel des Romains.

Maître du monde, Julien put commencer l’exécution du double dessein qu’il s’était proposé : au dehors, en finir avec les Perses et par là assurer à l’empire une paix éternelle ;