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TIOGE

homonyme. Ses principaux ouvrages sont : Histoire, biographie et critique musicales (183Q) ; Souvenirs de la tragédie lyrique (1839), livre très-estimé, réédité sous le titre de Souvenirs de l’Opéra : Italie, France, Allemaone et Angleterre (1851, 2 vol.)- À partir de 1840, il publia le Conteur du foyer domestique, très-intéressant recueil qui parut pendant plusieurs années comme supplément des Couséries du foyer, fondées par son gendre Charles Dickens.

IIOGENDORP (Jean-François), homme politique hollandais, né à La Haye en 174G, mort en 1832. Il vécut obscurément jusqu’en 1813, époque à laquelle le parti orangiste commença à s’agiter en Hollande. Comme son cousin, le comte Charles de Hogendorp, il prit une part active au mouvement qui rendit à son pays l’indépendance, signa lacté qui donnait, au nom du roi Guillaume, le commandement de La Haye au comte de Limbnurg-Styrum, puis organisa l’insurrection de Rotterdam, dont il devint bourgmestre, lorsque Guillaume eut pris possession du trône, et fut nommé membre de la première chambre des états généraux.

HOGENDORP (Thierry, comte de), général hollandais, cousin du précédent, né à Rotterdam en 1701, mort près de Rio-Janeiro en 1830. Il embrassa fort jeune la carrière des arinos, devint officier général, puis fut successivement ambassadeur à Saint-Pétersbourg

et gouverneur de la colonie hollandaise de Java. Lorsque Louis Bonaparte devint roi de Hollande, il prit pour ministre de la guerre Thierry de Hogendorp (1806), qu’il nomma ensuite successivement ministre plénipotentiaire à Vienne (1807), à Berlin (1809) et à Madrid (1810). En îsn, Napoléon, qui venait de réunir la Hollande à l’empire français, donna à Hogendorp le grade de général do division, le prit pour aide de camp, le nomma gouverneur de la Prusse orientale et de la Kilésie, et, après la campagne de Russie, gouverneur de Hambourg (1813). Il fit preuve, dans ce dernier commandement, d’une sévérité excessive, et aggrava, par des rigueurs inutiles, le sort des habitants de Hambourg. Après l’abdication de Napoléon, il se retira en Hollande ; mais dès que l’empereur eut débarqué de l’île d Elbe, Hogendorp alla lui offrir son épée et il combattit auprès de lui à Waterloo. Bientôt après, il quittait l’Europe et allait fonder au Brésil un établissement agricole. Comme témoignage d’estime et d’affection, Napoléon lui a légué, par sou testament, une somme de 100,000 francs. Le général de Hogendorp a laissé, entre autres écrits : Mémoire du général de Hogendorp, pour servir de réfutation des bruits injurieux et des calomnies répandues contre lui pendant qu’il était gouverneur de Hambourg (Amsterdam, 1814), écrit où il rejette sur le maréchal Davout la responsabilité des mesures arbitraires qu’on lui a imputées ; Du système colonial de la France sous le rapport de la politique et du commerce (Paris, 1817) ; Krapouscol ; ou Tableau des mœurs de l’Inde, etc.

HOGENDORP (Gisbert-Charles, comte de), homme d’État hollandais, frère du précédent, né à Rotterdam en 1762, mort à La Haye en 1834.11 entra, en 1773, dans le corps des cadets, à Berlin, devint, bientôt après, page du prince de Prusse, prit part h la guerre de la succession de Bavière, retourna, en 1782, en Hollande, où il entra comme oftieier dans la garde do Guillaume V, fit, en 1783, un voyage aux États-Unis, et, de retour dans su patrie, il suivit les cours de droi^de l’université de Leyde, où il se fit recevoir docteur. Lors des troubles qui éclatèrent, en 1785, dans les Provinces-Unies, Charles de Hogendorp se signala par son attachement à la maison d’Orange ; aussi, après le rétablissement du stathouder par le roi de Prusse (1787), fut-il nommé grand pensionnaire de Rotterdam, poste qu’il occupa jusqu’à la conquête de la Hollande par les Français (1795). Inébranlablement attaché au pouvoir déchu, Hogendorp refusa constamment d’accepter un emploi quelconque sous les divers gouvernements qui se succédèrent en Hollande

jusqu’en 1814. En 1802, il tenta, mais vainement, de fonder une colonie au Cap de Bonne-Espérance. De retour dans son pays, il travailla sans relâche à préparer le rétablissement du prince d’Orange. Lorsque la puissance de Napoléon croula, Charles do Hogendorp forma, avec Van Stirum et Van der Duyn, un gouvernement provisoire qui appela les orangistes aux armes. À peine installé sur le trône, Guillaume Ier le nomma président de la commission chargée de rédiger un nouveau projet de constitution, ministre des affaires étrangères, comte, viceprésident du conseil d’État. L’état de sa santé le contraignit, à la fin de 1816, à se démettre de ses fonctions ■ mais le roi voulut qu’il conservât le titre de ministre d’État, et lui fit une pension do 10,000 florins. Hogendorp était appelé, par sa haute position dans l’État, à siéger dans la chambre haute ; mais il préféra faire partie de la seconde chambre des états généraux, parce que les séances en étaient publiques. Dévoué à son pays comme à son souverain, il se montra constamment l’adversaire du pouvoir arbitraire, le défenseur des institutions représentatives et des droits populaires, et fit notamment une vive opposition aux mesures inconstitutionnelles prises par le ministre Van Manen, et aux lois fiscales

ix.

HOGi*

proposées par les ministres Six et Appelius. Ses |>r.ncipuux ouvrages sont : Considérations sur les finances de l’État (Amsterdam, 1800) ; Considérations sur le commerce de l’Inde (1801, 2 vol. in-8°) ; Mémoire sur la culture et le commerce dans l’île de Java (1804, in-s°) ; Considérations sur l’économie politique du royaume des Pays-lias (La Haye, 1818-1823, 10 vol. in-8°) ; Lettres sur la prospérité publique, adressées à un Belge dans les années 1829 et 1830 (Amsterdam, 1831, 2 vol. in-8").

HOGFORS, une des plus grandes et des plus imposantes cataractes de la Finlande, dans le lieuve de Kyminenn. Ses bords ont servi de théâtre à deux terribles combats entre les Suédois et les Russes, en 1742 et en 1788.

IIOGG (James), poète écossais, surnommé le Ilcrcer d’Eiirick, né dans ce bourg (comté de Selkirk) en 1772, mort en 1835. Il composa des poésies en gardant les troupeaux et avant même de savoir écrire. Un chant de guerre contre la France, la Chanson de Donald Macdonald, qu’il composa en 1801, eut un grand succès, sans toutefois le faire connaître. Quelque temps après, s’étant rendu à Edimbourg pour y vendre un troupeau de son maître, il parvint à faire publier un recueil de poésies qui restèrent inaperçues ; mais il n’en fut pas de même de son Darde montagnard, dont quelques chants et légendes annonçaient beaucoup de talent, et qui parut en 1803. Vers cette époque, il entra en relation avec Walter Scott, à qui il fournit de vieilles chansons et des ballades, insérées par l’illustre romancier dans son Minslrelsy of the Scottisk Border. Il eut l’occasion de voir lord Byron, oui lui écrivit une lettre charmante. Grâce à 1 argent que lui rapporta son Darde montagnard et a deux prix qu’il remporta pour l’élève du bétail, il entreprit d’exploiter une ferme, mais échoua complètement. De 1810 à 1814, le Berger d’Ettrick s’adonna entièrement aux travaux littéraires, collabora à ('Espion, au Blackwoad Magazine ; puis, le duc de Buccleugh lo mit ù la tête d’une des fermes de sus vastes domaines. Encore une fois, llogg, qui voulait sortir des voies battues, ne trouva que la ruine dans son administration agricole, et il vécut dans la gêne jusqu’à la fin de sa vie. Outre le recueil précité, nous mentionnerons de lui les ouvrages suivants : la Veillée de la reine (Édimbourg, 1813), poème dans lequel il a déployé une imagination tour à tour sauvage et gracieuse, un souffle poétique, une vivacité, une délicatesse d’expressions qu’il ne devait plus retrouver ; les Pèlerins du soleil, poème quia fourni à Byron l’idée de son Cain, et à Shelfy celle de la Deine Mab ; le Miroir poétique, composition dans laquelle il imite la manière des poètes contemporains ; Recueil de chants, etc. Hogg a composé également des romans, dont deux ont été traduits en français : les Périls de l’homme (Paris, 1804, 5 vol.) ; les Trois écueils de la femme (Paris, 1825, 3 vol.). Enfin, il a donné d’intéressants détails sur Walter Scott, dans un ouvrage intitulé : Vie privée de sir Walter Scott.

HOGLAND, lie de la Russie d’Europe, dans le golfe de Finlande, à 45 Itilom. S.-O. de Fredrikshamn, gouvernement de Wiborg, par 60 8’ de lat. N., et 240 37’ de long. E. À la voir de loin, on dirait un de ces tertres gigantesques sous lesquels les anciens Scandinaves ensevelissaient leurs rois et leurs guerriers. Les montagnes y dressent partout leurs crêtes arides ou hérissées de sapins. L’une des plus hautes est le Haukavon (montagne de l’Aigle), dont le double pic est presque toujours couronné de nuages. Autour de l’Ile, une grève morne et dévastée, et, à ses deux extrémités, deux petits villages : Pohja - Kulta (village du Nord), Launa-Kulla (village du Midi). On compte h Hogland environ 700 habitants, lesquels parlent le finnois et l’esthonien, et professent la religion luthérienne. Inaccessibles aux révolutions qui agitent le monde, ils vivent calmes et paisibles au milieu de leurs fiots, péchant le phoque et le streemming (sorte de petit hareng), dont ils font à la fois leur nourriture et un objet de commerce. Un pasteur, résidant à Pohja-Kulla, leur donne les soins religieux ; un lânsman (maire) juge leurs différends, et les administro au nom du gouvernement russe, dont ils relèvent depuis 1710. Comme l’Ile possède un phare, ce gouvernement y entretient, pour le garder, quelques soldats de marine, sous les ordres d’un capitaine.

Il serait difficile de rencontrer un pays plus richement doué, sous le rapport minéralogique, que l’île de Hogland. Le porphyre y occupe, du nord au sud, une longueur de

près de 8 kilom. et une largeur de 2 kilom. Le reste du sol est composé de granit, da gneiss, de spath calcaire, de dionte, et de roches où se combinent ces divers éléments. Les nuances du porphyre varient du jaune au vert et au rouge. On le trouve en couches horizontales et profondes et en blocs épars sur le rivage. Les Hoglandnis s’en servent pour les fondations de leurs maisons.

L’Ile de Hogland est célèbre dans l’histoire du Nord par une grande bataille navale, qui y fut livrée, le 17 juin 1788, entre les Suédois et les Russes, bataille dans laquelle chaque parti lit des pertes énormes.

HOGNER v. n. ou intr. (o-gné ; h asp. ; gn mil. — probablement du germanique : ancien haut allemand holunga, plaisanterie, moquerie, dérision ; de hùhôii, hnoliôn, se moquer, railler, tourner en dérision, insulter ; peut-être aussi est-ce une onomatopée du cri que l’on pousse généralement pour injurier quelqu’un, allemand hohn, etc. V. honnir. Les deux vers suivants :

Je leur monstrerai sans hoigne De quel poisnnt sont mes doigtz.

(Chanson historique.)

montrent qu’on disait autrefois hogne, hoigne, dans le sens de plaisanterie). Pop. Murmurer, grogner, se plaindre entre ses dents. Il En parlant d’un chien, Gronder.


HOGUE (la), promontoire de France, formant l’extrémité N.-O. de la presqu’île du Cotentin, au N.-O. de Valogne (Manche), par 40° 43’ de lat. N., et 4° 17’ de long. O. Ce cap porte aussi le nom de cap de La Hague. Le phare de La Hogue, qui se dresse sur un écueil nommé le Gros-du-Raz, a 18 milles de portée et 50 mètres d’élévation. Bâti sur un îlot étroit, il est séparé de la côte par un courant rapide. Les abords en sont très-difficiles. L’enceinte circulaire qui lui sert de base occupe à peu près tout le rocher sur lequel il s’appuie. Dans les temps clairs, du sommet de la colonne, on aperçoit toutes les îles anglo-françaises.


HOGUE (LA) ou HOUGUE (LA), hameau de France (Manche), commune de Saint-Waast, arrond. et à 18 kilom. de Valognes. Place de guerre, quartier maritime du sous-arrond. de Cherbourg. Le port est protégé par les forts des îles Tatihou àl’E., Saint-Marcouf au S.-E. et par celui de La Hougue que défend une jetée de 600 mètres, et qui a été construite en 1828, au S. du port. C’est à La Hogue que fut livré, en 1692, le funeste combat naval qui porta un coup si terrible à la marine française.


Hogue (bataille de la). Louis XIV, ayant vu échouer l’expédition qu’il avait dirigée sur l’Irlande pour le rétablissement de Jacques II, résolut de frapper l’Angleterre en face et au cœur, et il prépara un armement formidable, destiné à favoriser une descente chez cette éternelle ennemie de la France. Il comptait non-seulement sur le nombre et la force de ses vaisseaux, mais aussi sur le revirement d’opinion qui semblait se prononcer en Angleterre contre le roi Guillaume. Beaucoup de personnages éminents, entre autres le fameux Marlborough, avaient ouvert des relations secrètes avec Jacques II ; ce prince comptait surtout des intelligences dans la flotte anglaise, qu’il avait longtemps commandée avant de monter sur le trône ; il se croyait même assuré des sympathies du contre-amiral Carter et de l’amiral Russel. Louis XIV, confiant dans le résultat de toutes ces menées, arrêta le plan d’une expédition navale, qui devait jeter 30,000 hommes sur les côtes d’Angleterre. Tourville reçut l’ordre de partir de Brest pour entrer dans la Manche, et d’attaquer les Anglais, en quelque nombre qu’ils fussent, avant qu’ils eussent été renforcés par la flotte hollandaise ; on était convaincu qu’une forte partie de la flotte anglaise passerait aussitôt du côté des alliés de Jacques II. Tous ces beaux projets, toutes ces espérances durent s’évanouir devant la force des éléments, dont on n’avait pas fait la part. Les vents retinrent Tourville pendant un mois dans les eaux de Brest, et les deux escadres de Rochefort et de Toulon, qui, devaient le rallier, ne purent le rejoindre à temps. Tourville, jugeant alors que les mêmes vents qui avaient contrarié sa sortie de Brest devaient avoir facilité la jonction des alliés, demanda au ministre de le laisser à Brest jusqu’à ce que la flotte fût au complet. « Ce n’est point à vous, lui répondit Pontchartrain, à discuter les ordres du roi, c’est à vous de les exécuter et d’entrer dans la Manche ; mandez-moi si vous voulez le faire, sinon le roi commettra à votre place quelqu’un plus obéissant et moins circonspect que vous. » Voilà sur quel ton insolent un ministre ignorant commandait au plus grand homme de mer qu’ait produit la France ; mais ce n’est encore là qu’un faible échantillon de son urbanité administrative. Tourville s’étant plaint que la poudre était mauvaise et ne portait pas le boulet, un commis du bureau de la marine lui répondit « que s’il trouvoit que la poudre ne portoit pas assez loin, il n’avoit qu’à s’approcher plus près des ennemis. » Ici, le grotesque s’allie à l’incapacité et à la morgue bureaucratique. Tourville mit à la mer avec trente-sept vaisseaux seulement, au lieu de soixante-dix-huit qu’on lui avait promis. À peine quelques jours s’étaient-ils écoulés, que Louis XIV reçut l’avis que le complot jacobite était éventé, que Marlborough, ainsi que plusieurs autres personnes considérables, étaient arrêtés, et que les flottes anglaise et hollandaise avaient opéré leur jonction. Il donna aussitôt l’ordre d’expédier huit ou dix corvettes dans toutes les directions, afin de prévenir Tourville qu’il eût à se rabattre sur Ouessant, pour y attendre les autres escadres. Malheureusement, aucune de ces corvettes ne réussit à le rencontrer ; il s’avançait alors sur le cap de Bailleur, et, le 29 mai 1692, au point du jour, entre ce cap et celui de La Hogue, il se trouva en présence de la flotte alliée, la plus puissante qui eût jamais paru sur les mers. Elle se composait de près de cent vaisseaux, dont soixante-dix-huit au-dessus de cinquante canons. Les Anglais comptaient soixante-trois vaisseaux et quatre mille canons ; les Hollandais, trente-six vaisseaux et deux mille six cent quatorze canons ; les équipages s’élevaient au chiffre de 42,000 hommes. À cet effectif formidable. Tourville, rejoint par sept vaisseaux de l’escadre de Rochefort, ne pouvait opposer que quarante-quatre vaisseaux, trois mille cent quatorze canons et un peu moins de 20,000 hommes d’équipage.

« Tourville assembla le conseil de guerre à son bord. Tous les officiers généraux furent d’avis d’éviter la bataille. Tourville exhiba l’ordre du roi. Chacun se tut, et, peu de moments après, la flotte française se laissait porter à toutes voiles sur l’immense masse ennemie, qui semblait devoir l’engloutir au premier choc. Les alliés n’en pouvaient croire leurs yeux.

« Les deux flottes étaient, suivant la coutume, partagées en trois escadres. Chacune des escadres de la flotte anglo-batave passerait aujourd’hui pour une grande flotte. Chaque escadre était subdivisée en trois divisions. Tourville, avec son corps de bataille, poussa droit à l’amiral Russel, qui commandait le centre des alliés. Les deux amiraux restèrent quelque temps en présence, à portée de mousquet, sans tirer, dans un silence solennel ; puis, un vaisseau de l’escadre hollandaise, qui formait l’avant-garde ennemie, ayant ouvert la canonnade, on vit, en un instant, les deux lignes tout entières en feu. La lutte s’engagea d’une manière terrible, surtout au centre. Les Anglais, qui avaient là trente et un vaisseaux contre seize, s’attachèrent avec fureur au pavillon amiral de France, et Tourville eut à soutenir le feu de cinq ou six vaisseaux à la fois. Pendant ce temps, l’arrière-garde anglaise, commandée par le vice-amiral Ashby, coupait la division Pannetier, qui tenait l’extrémité de l’arrière-garde française, et tournait le reste de cette arrière-garde. La flotte française semblait perdue, Par bonheur, la majeure partie de l’escadre d’Ashby s’obstina à poursuivre les quatre ou cinq vaisseaux de Pannetier, au lieu de se rabattre en masse sur le gros des Français ; le commandant de l’arrière-garde française, Gabaret, tint tête, avec sa division, au reste de l’escadre d’Ashby, et la troisième division de l’arrière-garde se porta, sans commandement, au secours de Tourville. Elle était conduite par Coëtlogon, qui avait été vingt ans le frère d’armes, le matelot fidèle de Tourville (on appelle ainsi les vaisseaux qui combattent côte à côte l’un de l’autre). Coëtlogon voulait sauver son chef ou mourir avec lui. Sa vigoureuse attaque non-seulement dégagea Tourville, mais l’aida à faire plier l’escadre de lord Russel, si supérieure en nombre qu’elle fût encore. Un gros vaisseau anglais fut brûlé. Une brume épaisse, qui s’éleva, fit suspendre ou ralentir quelque temps le feu. Gabaret, avec la division de l’arrière-garde qui lui restait, en profita pour se replier derrière l’escadre de Tourville. La flotte française jeta l’ancre. L’escadre de lord Russel, n’en ayant pas fait autant, dériva et s’écarta un peu. Le gros de l’escadre d’Ashby abandonnant, sur ces entrefaites, la poursuite de Pannetier, qui s’était retiré sur l’avant-garde française, revint jeter l’ancre derrière Tourville et Gabaret, et le feu reprit vivement sur ce point ; heureusement, l’escadre de Russel ne put se rapprocher sur-le-champ pour écraser les Français entre elle et Ashby. Quant à l’escadre hollandaise, avec trente-six vaisseaux contre quatorze, elle était, depuis le commencement du combat, tenue en échec par l’avant-garde française, grâce à l’habileté avec laquelle le lieutenant général d’Amfreville avait conservé le dessus du vent. Peut-être aussi les Hollandais se battaient-ils un peu mollement, par rancune de ce qu’on les avait, disaient-ils, sacrifiés à Beachy-Head. La nuit approchait ; Ashby s’inquiéta de se voir séparé du reste des alliés : il résolut de rejoindre Russel et de s’ouvrir un passage entre les vaisseaux français. Il y réussit, mais en perdant un vaisseau, huit brûlots et son contre-amiral, Carter, qui avait à la fois promis à Jacques II d’abandonner Guillaume et livré à Guillaume le secret du complot. Les Anglais renoncèrent, par cette manœuvre, à l’immense avantage de tenir leurs adversaires entre deux feux.

« Cette grande journée se termina ainsi, sans aucun désavantage pour ceux qui avaient combattu à peine un contre deux. Les ennemis avaient perdu deux vaisseaux, les Français pas un seul. La nuit, la flotte française appareilla. Le 30 mai, au point du jour, Tourville rallia autour de lui trente-cinq vaisseaux ; les neuf autres s’étaient écartés, cinq vers La Hogue, quatre vers les côtes d’Angleterre, d’où ils rejoignirent Brest. S’il y avait eu un port militaire à La Hogue ou à Cherbourg, comme l’avaient voulu Colbert et Vauban, la flotte française restait sur sa gloire. » (H. Martin.)

La bataille de La Hogue n’en est pas moins une des plus glorieuses de celles qui enrichissent les annales de la France. Les Anglais ne comptaient pas moins de 2,000 morts et 3,000 blessés. Les vaisseaux français, inégalement maltraités, ne purent faire route de concert, et se dispersèrent en différents ports de Bretagne et de Normandie. Ceux qui accompagnaient Tourville, pressés par l’ennemi, auquel la lenteur de leur marche ne leur permit pas de se dérober, se virent contraints de