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de tirer les domestiques par l’habit lorsqu’ils l’oublient ; de suivre partout son maître, et, s’il en est empêché, de l’attendre avec inquiétude, et de lui donner, à son retour, des marques de la joie la plus vive. •

Les précieuses qualités du hoceo ont dû faire naître de bonne heure l’idée de le soumettre à la domesticité ; il se prête très-docilement à ce régime, et, sans l’insouciance et l’apathie naturelles des habitants des contrées où il vit, sa domestication serait complète depuis longtemps. A diverses reprises, des tentatives ont été faites, mais sans esprit de suite, pour l’acclimater et le propager en Europe. « L’impératrice Joséphine, dit E. Baudement, avait fait placer a la Matmaison des hoccos, qu’on avait déjà élevés en domesticité dans les colonies, et qui s’y étaient reproduits par plusieurs pontes successives ; mais ces précautions ne réussirent pas à acclimater ces oiseaux, comme cela avait eu lieu pour d’autres gallinacés ; ils maigrissaient ; leurs pontes devenaient de plus en plus rares ; ils furent ensuite attaqués par une maladie qui parut à Mauduvt être une sorte de gangrène sèche, et qui leur rongea les pieds, en leur faisant perdre d’abord une phalange, puis une autre, puis tous les doigts et le tarse même, jusqu’à ce qu’enfin tous périrent successivement. Cette maladie mortelle fut occasionnée par l’humidité à laquelle se trouvait exposé leur logement. ■ Plus tard eurent lieu en Hollande d’autres essais beaucoup plus heureux. M. Ameshoff avait des hoccos en aussi grande abondance que les autres volailles de sa basse-cour et en faisait souvent servir sur sa table. Lord Derby en possédait aussi dans son parc de Knowsley, où ils se sont parfaitement acclimatés et régulièrement reproduits. On a souvent remarqué que, dans l’état de domesticité, leur ponte devient plus nombreuse. Enfin, a partir de 1825, des essais ont été tentés à Marseille, chez M. de Mongrand, sous la direction de M. Barthélémy Lapommeraye, qui a eu la persévérance de les continuer durant de longues années, avec des succès variables, mais qui ont démontré la possibilité de la domestication de ces gallinacés.

« Pour obtenir ces résultats, ajouto E. Baudement, plusieurs conditions, naturellement indiquées par les mœurs de ces animaux, et par leur habitation, doivent être accomplies. Avant tout, il faut choisir, dans leur patrie, les individus les mieux, conformés ; puis les accoutumer à la domesticité dans les colonies d’Amérique, et les y garder jusqu’à ca qu’ils soient devenus féconds dans cet état pendant plusieurs générations. Pendant le premier hiver qu’ils passeraient en Europe, on devrait les tenir dans un local chauffé, et leur dresser, pour y fixer leur séjour habituel, des logements très-secs, ombragés, où ils pussent se percher haut, comme ils le font dans l’état de liberté. >

Dans les essais entrepris par M. Barthélémy Lapommeraye, les hoccos sont devenus aisément confiants et familiers, quelquefois même passablement hardis. Habitués progressivement à la société des autres oiseaux de basse-cour, ils accouraient aux heures où les repas étaient offerts à ces derniers. Ils se mêlaient à leurs nombreux commensaux, prenaient leur part de pâture, distribuaient des coups de bec aux plus proches voisins, ou étaient bourrés eux-mêmes par quelque coq jaloux de maintenir ses privilèges anciens dans la basse-cour. Assez souvent ils franchissaient les murs de l’enclos et se répandaient dans la campagne, se montrant

friands de raisins, dont ils consommaient une assez grande quantité. Vers le déclin du jour, ils se rapprochaient toujours de l’habitation et rentraient dans le poulailler, sur les perchoirs duquel ils se juchaient, au milieu des poules. Le mâle poursuivait sa femelle, d’un air grotesque, avec obstination ; un jour, celle-ci disparut, et ne revint qu’au bout de plusieurs semaines, suivie d’une quinzaine de poussins, qui grandirent et se développèrent à merveille. Ils ne manquaient

£as à accourir lorsqu’on leur jetait du millet.a mère alors s’ébattait avec une sorte de coquetterie, relevant et abaissant tour à tour sa huppe et épanouissant sa queue d’une manière saccadée. Quelquefois elle s’effarouchait des mouvements qu’on faisait pour la saisir, et, dans ce cas, laissait échapper un son guttural fortement accentué et répété à plusieurs reprises. Aussitôt que les petits furent en état de suivre partout leur mère, celle-ci renonça au séjour du poulailler pendant la nuit. Elle rechercha les cimes les plus élevées des arbres dont le feuillage épais pouvait lui fournir un abri sûr et commode. Le mâle l’y suivait exactement. Dès le point du jour, grands et petits étaient à courir les champs, souvent à de grandes distances, et à butiner çà et là. On obtint ainsi, pendant plusieurs années consécutives, des couvées plus ou moins nombreuses.

Les hoccos domestiques ne sont pas difficiles pour le choix des aliments. Ils ne recherchent pas moins le blé que le millet ou le maïs, et disputent aux poules et aux canards le son pétri qu’on donne à ceux-ci. Le pain est pour eux une véritable friandise. Us mangent avidement les débris de viande crue et même apprêtée. Si on les laisse libres, ils se jettent sur les insectes, les fruits, les graines et diverses plante*. L’orge, l’avoine, le chènevis leur plaisent. Avec leur bec, ils

HOCH

coupent et avaient par morceaux des pommes, des poires et des prunes. Us aiment beaucoup la salade et les choux ; enfin, on les a vus entrer dans les cuisines et dérober jusqu’à des côtelettes sur le gril.

D’après M..Pomme, le hoceo, en domesticité du moins, est polygame. Quand les femelles ne sont pas appariées, elles pondent leurs œufs au premier endroit venu et négligent de faire un nid ; elles recherchent les caresses du premier mâle qu’elles rencontrent, mais ne vont pas plus loin dans l’acte de la reproduction. Celles qui sont pourvues d’un mâle pondent toujours dans le nid préparé par ce dernier. Ce n’est guère qu’a la quatrième année de leur importation que les femelles donnent des œufs parfaits, et rarement elles se livrent à l’incubation, qui dure environ un mois. Par contre, le mâle parait rester étranger à l’éducation des petits ; la femelle, sans être excellents nourrice, les élève assez bien. Il est à remarquer que, pendant les premières années, les hoccos continuent à pondre aux mêmes mois que dans leur pays natal.

Le genre hoceo renferme quatre espèces bien déterminées. Le hoceo noir, auquel s’appliquent particulièrement la plupart des détails que nous venons de donner, habite toute l’Amérique centrale, depuis le Mexique jusqu’au Brésil. On trouve, sur les bords du fleuve des Amazones, une variété mouchetée de blanc. Le hoceo roux appartient plus spécialement au Mexique. Le hoceo tencholi habite la Guyane et l’île de Curaçao. Le hoceo à barbillons, peu connu jusqu’à ce jour, vit au Brésil et au Paraguay. On a aussi, mais à tort, donné le nom de hoceo à divers gallinacés des genres hoazin et pauxi.


HOÇEIN, nom de plusieurs personnages musulmans. V. Hossein.


HOC ERAT IN VOTIS (Voilà ce que je désirais) [Horace, liv. II, sat. vi, vers i]. « Voilà ce que je désirais, dit Horace : un petit bien de campagne d’une étendue modeste, avec un jardin, une source d’eau vive près de la maison, et un petit bois... > Ces mots latins sont fréquemment employés en français, quand on veut énoncer un vœu dont la réalisation comblerait tous les désirs.

« 11 vous faudrait une femme d’une taille imposante, portant sur la tète deux plumes, l’une verte, l’autre bleue ; vêtue en amazone, conduisant un jour un cabriolet, et assistant le lendemain à la revue, montée sur le coursier qui, la veille, traînait le phaéton : Hoc erat in votis. »

Walter Scott.

« Wolfgang n’est pas cupide... voici son hoc erat in votis : 1<> 300 florins de fixe ; 2° il ferait par an quatre opéras, deux sérieux et deux bouffes, qui lui rapporteraient au moins 500 florins ; total, 800 florins (environ 1,700 fr.). Ce n’est pas une grosse somme. >

Riqault.

« Il existe à Saint-Étienne un honnête fabricant, aussi riche qu’une cantatrice italienne, qui s’est trouvé, dans son enfance, avoir lu les Géorgiques et traduit le Père Rapin, ce qui lui avait laissé je ne sais quel goût champêtre qui l’a forcé à avoir une maison de campagne, une villa avec des ombrages et des ruisseaux murmurants, et le hoc in votis écrit en grosses lettres sur la porte d’entrée, à la grande admiration des passants. ■

J. Janin.


HOCHBERG château du grand-duché de Bade, dont les ruines se voient à 8 kilom. N. de Fribourg-en-Brisgau. Ce château, bâti sous Chariemagne et détruit par les Français en 1689, a donné son nom à une branche principale de la maison de Bade. Cette branche a pour auteur Henri, fils puîné de Hermann III, margrave de Bade, mort en 1190. En 1300, à la mort de Henri III, comte de Hochberg, ses deux fils, Henri IV et Rodolphe III, fondèrent les deux rameaux de Hochberg proprement dit et de Hochberg-Sausenberg. Le premier s’éteignit en U18, avec Othon III, dernier comte de Hochberg-Hochberg, dont la succession territoriale revint aux margraves de Bade. Le second rameau eut pour dernier représentant mâle Philippe, comte de Hochbere-Sausenberg, mort en 1503. Jeanne, sa fille, épousa, l’année suivante, Louis, comte de Longueville, et obtint le comté de Neufchâtel, comme compensation des domaines de sa branche, qui passèrent également aux margraves de Bade. Charles-Frédéric, margrave de Bade, épousa en secondes noces, morganatiquement, en 1787, Louise-Caroline Geyer de Geyersberg, et lui fit octroyer par l’empereur d’Allemagne le titre de comtesse de Hochberg. Léopold, issu de cette union, succéda, en 1830, comme grand-duc de Bade, à son frère, Louis-Guilfaume-Auguste, issu du premier mariage de

leur père.

HOCHE s. f. (o-che ; A asp. — L’origine de ce mot est controversée ; Diez le tire se l’allemand dialectique hôck, pli du jarret ; t’hevallet croit que c’est le même que coche, entaille, et qu’il vient également du celtique : armoricain coch, écossais sgoeh, entaille ;

HOCH

sgoeh, inciser, entailler, fendre ; kymrique cosi, irlandais sgothog, coupure. D’autres rapportent hoche au bas latin hocus, flamand hoc/c, anglais hook, crochet. Enfin, on l’a aussi comparé au latin occare, serrer, en supposant un A prosthétique). Coche, entaillure : Lorsque les nouvelles palmes se développent, les inférieures, qui sont les plus anciennes, tombent et laissent sur le trou des espèces de hoches raboteuses et annulaires. (B. de St.-P.)

— Marque faite sur une taille pour tenir le compte du pain et autres denrées qu’on prend à crédit.

— Agric. Labour donné, avant l’hiver, aux terres et aux vignes. Il Semis de seigle, d’orge, d’avoine ou de toutes ces graines réunies, que l’on fait à l’automne, afin d’avoir un pâturage d’hiver.

— Techn. Echancrure propre à recevoir le tenon du levier ou de la bascule d’une lame de coutellerie. Il Nom donné aux petits tenons de bois qu’on scelle dans les murs pour tordre des lignes ou cordeaux, et qui servent à régler leur épaisseur, il Entaille qui arrête la corde d’une arbalète, lorsqu’elle est tendue.

Il Petite entaille dans un morceau d’étoffe.


HOCHE (J.-G.), historien et théologien allemand, né à Gratzungen, comté de Hohnstein, en 1763, mort en 1836. Il embrassa la carrière évangêlique, devint premier prédicateur & Gromngue (1804), surintendant en 1805 et conseiller du consistoire (1812). Outre des sermons, on lui doit un certain nombre d’ouvrages, parmi lesquels nous citerons : Histoire détaillée du comté de Hohnstein, etc. (Halle, 1798) ; Recherches historiques sur les colonies néerlandaises de l’Allemagne inférieure (Halle, 1791) ; Histoire du stathoudérat dans les ÏVovinces-Unies (Brème, 1796) ; Lettres sur la fièvre de lecture dont sont atteints nos contemporains (Hanovre, 1794) ; Adélaïde de Wildenstein (Brème, 1798), etc.


HOCHE (Louis-Lazare), un des plus grands généraux, une des gloires les plus pures de la République française, né à Montreuil, faubourg de Versailles, le 24 juin 1768, mort au camp de Wetzlar le 19 septembre 1797. Son père, un ancien militaire dépourvu de toute fortune, était garde du chenil du roi. Ayant perdu sa mère à deux ans, le futur général en chef fut élevé par une tante, fruitière à Versailles, puis devint enfant de chœur, et fut, à quatorze ans, attaché comme palefrenier surnuméraire aux écuries royales. Dès cette époque, tout en se livrant aux pénibles et grossières occupations de son emploi, Lazare Hoche s’adonnait avec passion à l’étude et passait une partie de ses nuits à s’instruire. À seize ans, il s’enrôla dans les gardes-françaises, où sa vive intelligence, son caractère plein de franchise et d’élévation, son goût pour la lecture ne tardèrent pas à lui attirer la sympathie de ses camarades. Deux ans plus tard, en 1788, ayant appris qu’un caporal de sa compagnie, nommé Serres, faisait le métier de délateur, il n’hésita point à le provoquer en duel, lui perça le ventre d’un coup de sabre, mais reçut en plein visage une blessure dont il garda toute sa vie la cicatrice. Malgré son instruction et de brillants avantages extérieurs, qui faisaient dire un jour à une grande dame, en le voyant passer : « Quel beau général on ferait de ce jeune homme ! » Hoche, par cette raison qu’il était un enfant du peuple, venait à peine d’être nommé caporal lorsque la Révolution éclata.

Cette admirable revendication du droit, de la liberté et de la justice, surgissant tout à coup, comme une formidable explosion de la conscience humaine indignée, au milieu des injustices, des privilèges, des abus monstrueux engendrés par le système monarchique, produisit une vive impression sur l’esprit de Hoche. Il devint un des adeptes les plus sincères de la Révolution, et figura parmi les sous-officiers des gardes-françaises qui embrassèrent la cause de l’Assemblée nationale et des intérêts populaires. Son corps ayant été dissous le 31 août 1789, il entra peu après, avec le grade de sergent, dans la garde nationale soldée. Adjudant sous-officier au 104e régiment d’infanterie le 1er janvier 1792, lieutenant au 58e cinq mois plus tard, capitaine le 1er septembre de la même année, il attira, par sa brillante conduite au siège de Thionville, l’attention du général Leveneur, qui le prit pour aide de camp, et il donna, peu après, de nouvelles preuves de son courage et de sa capacité, lors de la bataille de Nerwinde. Envoyé à Paris, après la trahison de Dumouriez, pour rendre compte de ce qui s’était passé, il adressa au comité de Salut public, par l’intermédiaire de Couthon, un plan de campagne si remarquable, que l’illustre Carnot dit, après en avoir pris connaissance : « Voilà un officier subalterne d’un bien grand mérite ; » et, le 31 mai 1793, il était nommé adjudant général. Hoche se trouvait à Douai, lorsque, sur une dénonciation calomnieuse, il fut arrêté ; mais le comité révolutionnaire, reconnaissant son patriotisme, l’acquitta, et il reçut alors le commandement de Dunkerque, menacé par le duc d’York. L’habileté avec laquelle il défendit cette ville contre les Anglais lui valut d’être nommé, presque coup sur coup, général de brigade (10 septembre 1793) et général de division (23 octobre 1793). En deux campagnes, il venait de passer par tous les grades et chacun avait été le prix d’une action d’éclat.

Hoche avait vingt-cinq ans à peine lorsque, après s’être emparé de Furnes, il fut appelé à commander en chef l’armée de la Moselle. Cette armée était alors une agglomération de 15,000 à 20,000 hommes, mal armés, mal équipés, mal disciplinés. À peine arrivé, Hoche aborde les soldats, interroge les officiers, se rend compte de tout, juge les hommes, donne les grades à ceux dont il apprécie le mérite, stimule le zèle de tout ce qui l’entoure, établit la discipline par un travail continuel, « car, disait-il, les armées qui n’ont pas de discipline sont toujours battues, » et, après avoir enflammé officiers et soldats de son ardeur patriotique, il marche à l’ennemi. Il s’agissait de chasser des frontières de l’Alsace 100,000 Allemands, commandés par Brunswick. Hoche va attaquer ce dernier à Kaiserslautern ; mais, après une lutte de trois jours contre les Prussiens et les Autrichiens réunis, il se voit contraint de se replier jusqu’à la Sarre. Loin de se décourager, il forme aussitôt un nouveau plan plein de hardiesse. Après avoir opéré sa jonction avec l’armée du Rhin, sous les ordres de Pichegru, il traverse les Vosges à marches forcées, par un temps affreux, fond sur l’armée autrichienne, commandée par Wurmser, l’isole des Prussiens, la met en déroute (23 décembre), reçoit, trois jours plus tard, le commandement en chef des deux armées françaises, bat de nouveau Wurmser près de Wissembourg, débloque Landau, prend Germersheim, Spire et Worms, et chasse complètement les Autrichiens de l’Alsace.

Hoche se couvrit, dans cette campagne, d’une gloire immortelle. Mais Pichegru, qui devait trahir la République, Pichegru, envieux de ses succès, non-seulement le força, par son mauvais vouloir, de rentrer dans ses cantonnements, mais encore l’accusa lâchement, auprès des commissaires Saint-Just et Lebas, d’aspirer secrètement à la dictature ; on alla jusqu’à lui contester l’honneur des succès obtenus, et le jeune général protesta avec une indignation qui déplut ; mais, comme on n’osait le frapper au milieu d’une armée qu’il venait de conduire à la victoire, on commença par l’en arracher en le nommant général en chef de l’armée d’Italie. À peine arrivé à Nice, Hoche se fait apporter une carte de la Péninsule. Après l’avoir quelque temps étudiée : « C’est là, dit-il en montrant du doigt à son aide de camp les plaines de la Lombardie et du Piémont, c’est là qu’est le véritable champ de bataille avec l’Autriche. » Quelques instants après, il était arrêté, conduit à Paris, et enfermé à la prison des Carmes, où il fit la connaissance de Joséphine Beauharnais. Séparé violemment de sa jeune femme, Anne-Adélaïde Dechaux, pour laquelle il avait une affection des plus vives, le jeune général conserva sa fermeté d’âme, son impassibilité stoïque, et employa ses heures de captivité à accroître la somme de ses connaissances, à étudier les grands écrivains, à faire de nouveaux progrès dans l’art de la guerre. En même temps, il se livrait sur les hommes à des réflexions qui changèrent sensiblement son caractère. Jusque-là d’une franchise impétueuse, incapable de cacher l’expression de ses sentiments, plein de fougue et d’ardeur, il devint tout à coup réservé, presque taciturne, et, avec cette puissance de volonté tenace, qui est un des traits saillants de cette grande physionomie, il apprit à se maîtriser complètement. C’est alors qu’il prit pour devise : Res non verba, « Des faits et non des mots. »

Les événements du 9 thermidor ouvrirent à Hoche les portes de la Conciergerie, où, depuis quelque temps, il était enfermé, et, à la fin de 1794, il fut appelé au commandement de l’armée des côtes de Brest. Dans ce nouveau poste, il ne se montra pas moins habile comme politique que comme homme de guerre. Ayant en face de lui des Français égarés, il s’attacha à éviter l’effusion du sang, à ne frapper les révoltés qu’après avoir tout tenté pour les rallier à la République, pour les faire rentrer dans le sein de la grande famille française. Il comprit que, s’il fallait être inflexible envers les agitateurs royalistes, qui exploitaient au profit de leur soif de domination la crédulité du peuple, il devait se faire plein de modération et de bonté pour ces masses aveugles, entraînées contre le gouvernement qui venait les délivrer. « C’est à cette conduite, dit Gambetta, qu’on peut voir ce qu’il y avait de sensibilité exquise, de tendresse démocratique, de véritables entrailles plébéiennes dans ce superbe héros. » À l’inflexible rigueur employée jusque-là, il substitua la modération et la douceur, convaincu que, pour terminer cette guerre fratricide, il fallait avoir recours à l’adresse plus encore qu’à la force. Pénétré de ces idées, il commença par établir dans son armée la discipline la plus sévère, défendit à ses soldats, sous les peines les plus graves, de molester les habitants, et bientôt il pouvait écrire avec vérité au comité de Salut public : « Déjà l’habitant regarde sans effroi celui qu’il appelle bleu et qu’il regardait comme son ennemi. » Ce n’est pas tout. Avec son coup d’œil pénétrant, il vit combien, jusque-là, la guerre avait été mal conduite, et il employa aussitôt contre les royalistes un système tout nouveau. Aux cantonnements, aux expéditions embarrassées d’un nombreux attirail, il substitua les camps retranchés de distance en distance et les colonnes mobiles battant incessamment le pays.