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dont la fécondité génératrice est dérivée du ciel par le saint Mophta. »

Kircher fut le fondateur d’une école qu’ renchérit encore sur les absurdités du maître. Cette école même n’est pas disparue depuis longtemps : car, en 1821, il s.ortit de la presse archiépiscopale de Gênes une. nouvelle traduction des inscriptions de l’obélisque pamphilien, monument qui, selon le nouvel Œdipe, conserve le souvenir du triomphe remporte sur les infidèles par les adorateurs de la très-sainte Trinité et du Verbe éternel, sous le règne du sixième et du septième roi d’Égypte, six cents ans après le déluge.

L’évêque Warburton fut le premier érudit gui entra dans la voie véritable. Dans son ouvrage sur la mission divine de Moïse, il discuta avec une science profonde les difte’ rents textes de l’antiquité, relatifs aux systèmes graphiques des Égyptiens, distingua les différentes espèces d écriture qu’ils employaient, et fit le premier cette observation importante que les hiéroglyphes n’étaient pas exclusivement réservés aux matières religieuses, qu’on s’en servait également pour conserver les souvenirs historiques, et même dans les usages de la vie civile. Malheureusement, les écrivains qui vinrent ensuite, dominés par l’esprit de Kircher, ne virent comme Lui que des symboles dans les hiéroglyphes.

Il serait fastidieux d’analyser toutes leurs lubies ; arrivons immédiatement aux découvertes modernes.

On sait qu’une commission de savants français fut envoyée en Égypte avec l’armée de Bonaparte. Pendant qu une division de troupes françaises occupait Rosette, des travailleurs, chargés de creuser les fondements du fort Saint-Julien, découvrirent un gros bloc de basalte noir, sur lequel on voyait les restes de trois inscriptions fort distinctes. Ce monument fut plus tard livré à l’Angleterre et déposé au musée Britannique. Une inspection rapide de la pierre de Rosette suffit pour confirmer l’observation de Warburton, que les hiéroglyphes constituaient une véritable langue écrite. Une partie considérable de la première des trois inscriptions a malheureusement été détruite ; le commencement de la seconde et la fin de la troisième manquent également ; mais cette dernière, qui est en grec, nous apprend que le décret qui s’y trouve avait été gravé en trois caractères différents, savoir : le caractère sacré ou hiéroglyphique, l’enchorial ou démotique et le . caractère grec. De manière que ce monument contient un texte égyptien accompagné d’une traduction grecque authentique.

Les savants se mirent à l’œuvre. On parvint à compléter la légende grecque ; mais, à l’exception du docteur Young, qui déchiffra quelques noms propres, on n’aboutit à aucun résultat, jusqu’au moment où Champollion le jeune communiqua à l’Institut royal de France, le 22 septembre 1822, les résultats de quinze années d études non interrompues sur les monuments écrits de l’ancienne Égypte, études qu’il n’avait commencées quaprès avoir acquis une connaissance approfondie de la langue copte, l’ancien idiome indigène, que l’on écrivit avec les caractères grecs depuis la conversion de l’Égypte au christianisme. La langue copte est à peu près morte aujourd’hui, puisque les Égyptiens parlent loua arabe ; les chrétiens seuls se servent encore de leur ancienne langue dans les offices religieux, mais la plupart sans la comprendre. La connaissance de cette langue, dont les hiéroglyphes représentaient les mots et les phrases, était évidemment le préliminaire indispensable de toute étude du système graphique des Égyptiens. Champollion l’avait compris, et les résultats de son travail furent tels que l’Institut n’hésita pas à proclamer que l’alphabet des hiéroglyphes égyptiens était enfin découvert. Ce fut un grand émoi dans le monde savant ; quelques étrangers, principalement le docteur Young, essayèrent de contester au savant français la priorité de la découverte ; mais l’équité publique fit justice de ces prétentions.

Champollion, dans sa lettre à M. Dacier (1822), démontra : 1° que du temps de la domination des Grecs et de celle des Romains en Égypte, le système graphique comprenait un certain nombre de figures purement et absolument phonétiques ; 2» qu’au moyen de ces signes de sons, les noms des souverains grecs et romains sont gravés en hiéroglyphes sur certains monuments de l’Égypte et de style égyptien j 3° que cet alphabet véritable des hiéroglyphes doit rémonter aux anciennes époques de l’histoire d’Égypte. Il restait encore à déterminer quelle était la nature des signes hiéroglyphiques qui n’appartenaient pas à l’alphabet phonétique, c’est-à-dire à exposer le. système graphique égyptien tout entier ; c’est ce que fit Champollion dans son Précis du, système hiéroglyphique, publié en 1824, et réimprimé en 1828 (Paris, 2 vol. in-8").

Etablissons, d’après ces principes, le tableau du système graphique égyptien, après avoir donné toute la série des signes phonétiques interprétés par Champollion. On ne saurait trop y admirer ce qu’il a fallu de persévérance et de sagacité pour arriver à dresser un pareil tableau ; mais il ne faudrait pourtant pas accepter comme une certitude absolue les résultats fournis par la science, et

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l’on doit prévoir que l’avenir apportera à l’alphabet de Champollion des modifications nombreuses. Notons en passant l’élégance vrai HIER

ment remarquable rie ces dessins, où souvent, dans une simple silhouette, on reconnaîtra le genre et l’espèce d’un oiseau ou d’un insecte.

ALPHABET HIÉROGLYPHIQUE.

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10000, 20000, 40311

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Nous empruntons maintenant à M. Champollion-Figeac, frère de l’inventeur, quelques passages de l’article qu’il a consacré au mot hiéroglyphes dans Encyclopédie moderne.

« Dans le système hiéroglyphique égyptien, dit M. Ghampollion-Pigeac, on doit en premier lieu considérer deux choses :

A. La forme matérielle des signes, laquelle constitue trois sortes d’écritures : hiéroglyphique, hiératique, démotique.

B. La valeur particulière de chaque signe, laquelle constitue trois sortes de signes : figuratif, symbolique, phonétique.

A. L L’écriture hiéroglyphique proprement dite est celle qui se compose de signes représentant des objets du monde physique : animaux, plantes, arbres, figures de géométrie, etc., etc., dont le tracé est ou simplement linéaire, ou bien entièrement terminé, et même colorié, selon l’importance du mo HIER

nument qui porte l’inscription, ou selon l’habileté du sculpteur. Le nombre de ces signes. différents est d’environ huit cents.

A. 2. L’écriture hiératique est une véritable tachygraphie de là précédente. Les signes de l’écriture hiéroglyphique ne pouvant être convenablement tracés qu’avec la connaissance du dessin, et cette connaissance ne pouvant être universelle, on créa, en faveur de ceux qui ne l’avaient point, un système d’écriture abrégé, dont les signes pouvaient être facilement exécutés ; mais ce système ne fut point arbitraire. Chaque signe hiératique ne fut qu’un abrégé d’un signe hiéroglyphique ; au lieu de la figure entière du lion couché, par exemple, on traça la silhouette de sa partie postérieure, et cet abrégé du lion conserva, dans l’écriture, la même valeur que sa figure entière. Ainsi l’écriture hiératique était composée du même nombre de sifnes que l’écriture hiéroglyphique, dont elle tait une abréviation à l’égard de la forme des signes seulement, et cet ubrégé de signes avait la. même valeur que les signes entiers.

"’» A. 3. L’écriture démotique se composait des mêmes signes que l’écriture hiératique ; c’était donc aussi une abréviation des signes hiéroglyphiques, et conservant encore la même valeur ; seulement, le nombre des caractères de l’écriture démotique employée pour les usages ordinaires de la vie était inoindre que celui des caractères de l’hiératique.

On voit donc, continue M. Champollion-Figeac, que les trois sortes d’écritures usitées simultanément en Égypte n’en formaient réellement qu’une seule en théorie, et que, pour la pratique seulement, on avait adopté une tachygraphie de signes primitifs, imitation fidèle des objets naturels reproduits par le dessin ou par lu peinture. Ces trois sortes d’écriture étaient d un usage général ; toutefois, la première, l’écriture hiéroglyphique, était seule employée pour les monuments publics ; mais les plus humbles ouvriers s’en servaient pour les plus communs usages, comme on le voit par les ustensiles et les instruments des plus vulgaires professions, ce qui, soit dit en passant, contredit tant d’opinions hasardées sur les mystères de cette écriture, dont les prêtres auraient fait un moyen d’ignorance et d’oppression pour la population égyptienne. La deuxième espèce, l’écriture hiératique ou sacerdotale, était plus particulièrement à l’usage des prêtres, qui t’employaient dans tout ce qui dépendait de leurs attributions religieuses. La troisième espèce enfin, l’écriture populaire, et la. plus facile, la plus simple de toutes, servait a tous les usages. On trouve souvent les trois écritures employées à la fois dans le même manuscrit.

Quant à l’expression ou valeur graphique des signes, la théorie n’en est pas moins certaine que leur classification matérielle.

B. 1. Les signes figuratifs expriment tout simplement l’idée de l’objet dont ils reproduisent les formes ; l’idée d’un cheval, d’un lion, d’un obélisque, d’une stèle, d’une couronne, d’une chapelle, etc., est exprimée graphiquement par la figure même de chacun de ces objets. Le sens de ces caractères ne peut présenter aucune incertitude. B. 2. Les signes symboliques exprimaient

. une idée métaphysique par l’image d’un objet physique dont les qualités avaient une analogie, vraie selon les Égyptiens, directe ou indirecte, prochaine ou éloignée, selon eux encore, avec l’idée à exprimer. Cette sorte de caractères paraît avoir été particulièrement inventée et réservée pour les idées abstraites qui étaient du domaine de la religion ou de la puissance royale, si intimement Fiée avec le système religieux. L’abeille était le signe symbolique de l’idée roi ; deux bras élevés, de l’idée offrir et offrande ; un vase d’où l’eau s’épand signifiait libation, etc.

> B. 3. Les signes phonétiques exprimaient les sons de la langue parlée, et avaient dans l’écriture égyptienne les mêmes fonctions que les lettres de l’alphabet dans la nôtre. » L’écriture hiéroglyphique diffère donc essentiellement de 1 écriture généralement usitée de notre temps, en ce point capital, qu’elle employait à la fois, dans le même texte, duns la même phrase, et quelquefois dans le même mot les trois sortes de caractères : figuratifs, symboliques et phonétiques, tandis que nos écritures modernes, semblables en cela aux

■’ écritures des peuples de l’antiquité classique, n’emploient que les caractères phonétiques, à l’exclusion de tous autres.

On pourrait croire qu’il résultait de ce mélange une obscurité pour le lecteur ; il n’en est rien, dit M. Champollion-Figeac. Ainsi, en supposant cette phrase : Dieu a créé les hommes, l’écriture hiéroglyphique exprimait très-clairement : l° le mot Dieu par le caractère symbolique de l’idée de Dieu ; 8° a créé, par les signes phnonètiques représentatifs de

; lettres qui formaient le mot égyptien créer,

précédés ou suivis des signes grammaticaux qui marquaient que le mot radical créer était

à la troisième personne du prétérit indicatif de ce verbe ; 3<> les hommes, soit en écrivant phonétiquement ces deux mots, soit en traçant le signe figuratif homme, suivi de trois

’ points, signe grammatical du pluriel. Il n’y avait point d’équivoque dans l’expression de ces signes : 1» parce que le premier, qui était