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parmi leurs présents les plus précieux, une certaine quantité de cette racine. Les Japonais connurent le ginseng par les Chinois. Thunberg raconte l’avoir vu vendre chez eux à un prix correspondant à 2,000 fr.-le kilogramme. Un autre fait, raconté par le Père Jartoux, missionnaire en Chine, montre bien quel intérêt on attachait à cette racine dans 1 extrême Orient. Ce prêtre fut attaché k une expédition de 10,000 Tartares envoyés par l’empereur pour la récolter ; chaque homme devait en rapporter au moins une soixantaine de grammes, et livrer toute sa récolte, le souverain se réservant le monopole du précieux produit. C’est par les voyageurs’au Japon que le ginseng lut connu des Européens, qui cherchèrent bientôt h se le procurer ; les premiers échantillons parvinrent en Europe en 1606. En 1712, le Père Lulitcau, qui avait eu connaissance des renseignements recueillis pao le Père Jartoux, reconnut dans une herbe qu’il trouva au Canada la plante à ginseng. Dès lors le ginseng devint moins rare, et on le rencontra dans le , commerce ; on en transporta même en Chine, •

  • et le charme fut, pour ainsi dire brisé : avec

son prix, sa réputation diminua. Toutefois, le ginseng de l’Amérique septentrionale est, dit-on, intérieur en qualité à celui de Tartnrie, et ce dernier subit une préparation encore inconnue, qui lui donne une certaine transparence, et ajoute sans doute à ses propriétés. Ce qui est au moins probable, c’est que le discrédit dans lequel est tombée aujourd’hui une drogue jadis tant vantée n’est pas plus mérité que la réputation immense dont elle a joui ; le ginseng doit avoir des propriétés excitantes, qui, si elles étaient mieux étudiées, pourraient sans doute être utilisées dans certains cas.

M. Garrigues a étudié, au point de vue chimique, la racine de ginseng ; il en a retiré une matière particulière qu’il a appelée panaquitou.

Lo ginseng a longtemps été confondu avec une autre racine cultivée en Chine et en Corée, et qui est celle de ninsin, fournie par le sium ninsi de Linné, plante ombellifère, qui parait être une variété de chervi, sium sisarum de Linné. Ces deux racines sont cependant très-dissemblables : celle du yinseny est caractérisée surtout parce qu’elle est surmontée d’un collet tortueux, où se trouvent les empreintes de la tige unique que la plante pousse chaque année, tantôt d’un côté, tantôt de l’autre ; le ninsin, au contraire, pousse un amas de racines tuberculeuses, d’où s’élèvent chaque année plusieurs tiges géniculées et rameuses.

GINTllAC (Élie), médecin français, né à Bordeaux en 1791. Reçu docteur à Paris en 1814, il se fixa dans sa ville natale, où il est devenu professeur de clinique interne et directeur de l’école secondaire de médecine. Le docteur Gintrac est un praticien distingué, k qui l’on doit plusieurs écrits estimables, et qui, depuis 1857, fait partie de l’Académie de médecine de Paris, en qualité do membre associé. Ses principaux ouvrages sont : Observations et recherches sur la cyanose ou maladie bleue (1824, in-8°) ; Mémoires et observations de médecine clinique et d’auatomie pathologique (1830, in-8°) ; De l’influence de l’hérédité sur la production de. la surexcitation neroeuse (1845, in-4«) ; Coursthéorique et clinique de pathologie interne et de thérapie médicale (1853-1855. 5 vol.in-8°). G1NZO-DE-L1M1A, ville d’Espagne, prov. et à 32 kiiom. S. d’Orense, sur la Limia ; 4,000 hab. Fabrique de tissus de fin et de laine ; exportation de laine. Le territoire de Limia a été surnomme le grenier de la Galice, à cause de sa prodigieuse fertilité.

GIODERT (Jean-Antoine), chimiste italien, né h Moiigurdiiio, près d’Asti, en l~61, mort en 1834. Il quitta le laboratoire d’un pharmacien pour se livrer entièrement à l’étude de la chimie, publia dans le Oiornate scientificoletterario des travaux qui lui valurent d être nommé membre de l’Académie royale de Turin (1785J, et professeur de pharmacie chimique k l’université de cette ville. Il s’occupa particulièrement des applications de la chimie à l’amélioration de l’agriculture, devint ■secrétaire perpétuel de la Société d’agriculture en 1790, et commença, vers la même époque, à diriger lui-même la culture d’une petite propriété qu’il avait dans les environs île Turin, eu employant des procédés rationnels et eu apportant d’importantes modifications aux méthodes jusqu’alors employées. Lorsqu’en 1798 une armée française s empara de Turin, Giobert fut choisi par le général Grouchy pour faire partie du gouvernement provisoire, etchargê, bientôt après, des mesures a prendre pour remplacer les assignats par de la monnaie métallique. Emprisonné au retour des Autrichieus (1799), Giobert recouvra sa liberté après la bataille de Marengo. À partir de ce moment, il renonça complètement à la politique. Nommé professeur d’économie rurale en 1800, il fut appelé, deux ans plus tard, k occuper la chaire de chimie et de minéralogie, qui lui fut enlevée en 1814, mais rendue peu de temps après, et il devint par la suite directeur de la classe de physique et de mathématiques à l’Académie de Turin. Giobert est le premier chimiste qui ait renversé, en Italie, les théories de Suhl sur le pblogistique et contribué k répandre les idées de Lavoisier. Il découvrit que la terre blan GIOB

che qu’on trouve dans la province d’Ivrée, et dont on se sert pour faire de la porcelaine, est du carbonate de magnésie, et non de l’alumine, ’ ainsi qu’on l’avait cru jusqu’alors, et c’est par suite de cette circonstance que le3 chimistes ont donné a cette terre le nom de giobertite. Il fit d’importants travaux sur la culture des céréales, la fabrication de la soie, s’occupa d’améliorer en Piémont l’art de la teinture, notamment de la soie et de la laine, pour metire les manufactures de ce pays en état de rivaliser avec celles de Lyon, chercha k remplacer l’indigo par le pastel, etc. De3 travaux excessifs, joints k des malheurs domestiques, abrégèrent la vie de Giobert, qui mourut à sa terre de Mille-Fleurs, près de Turin. Outre de nombreuses dissertations, insérées pour la plupart dans les Mémoires de l’Académie de Turin, Giobert a publié divers ouvrages, dont les principaux sont : Hicerche chimice et agronomice inlorno agi' ingrassi ed al terreno (1790) ; Sagyio sull’ imbianchimento délia tela (l"9°, i»-S°) ; Examen chimique de la doctrine du phlogistique et de celle des pneumatistes (1793) ; Traité sur le pastel et sur l’extraction de l’indigo (Paris, 1813, in-8"), imprimé aux frais du gouvernement français, et pour la publication

duquel Giobert lit le voyage de Paris ; Del Sooerscio di Ségale e nuooo sistema di cullura fertilisante (Turin, 1819) ; lstruzioni intorno Carte tintoria (Milan, 1821, 2 vol. in-8°), etc.

GIOBERTI (l’abbé Vincent), philosophe et homme politique italien, né à Turin le 5 avril 1801, mort k Paris le 2G octobre 1852. Il eut pour premiers instituteurs deux prêtres oratoriens, qui remarquèrent sa précoce intelligence, et contribuèrent sans doute au développement de sa vocation religieuse. A seize ans, il prenait l’habit ecclésiastique, et, après avoir achevé ses études universitaires, il était nommé professeur à la faculté de théologie de Turin, puis aumônier de Charles-Albert. Mais l’activité intellectuelle du jeune abbé ne se bornait’pas aux études religieuses ; il approfondissait en’inême temps 1 histoire, la littérature, la philosophie et les sciences, ne négligeant aucun des éléments de cette forte nourriture qui prépare l’homme aux grandes luttes de l’esprit. En 1828, étant allé en Lomhardie, il rendait visite à Manzoni et se liait d’amitié avec Leopardi., Bientôt, par une pente toute naturelle, adoptant les idées de la Jeune-Italie, il devenait le collaborateur de Mazzini, sous le pseudonyme de Démophile. Le gouvernement en eut connaissance et le fit arrêter. Gioberti resta enfermé pendant quatre mois dans la citadelle do Turin, puis fut expulsé du Piémont (1833) comme soupçonné d’avoir pris part à une conspiration etcomme républicain affilié aux sociétés secrètes, bien qu’aucun indice significatif n’eût été relevé contre lui. Il se réfugia d’abord k Paris, où il se lia avec plusieurs écrivains qui comptaient parmi les célébrités de l’époque. M. Cousin chercha même k le convertir à l’éclectisme par l’appât d’une chaire de philosophie ; mais toutes ses tentatives échouèrent. Gioberti partit alors pour Bruxelles, où il donna pour.vivre des répétitions dans un collège et des leçons d’italien. Il passa plusieurs années dans cette ville, et ce fut là qu’il publia ses premiers ouvrages, deux livres de pure spéculation métaphysique : un Traité du surnaturel et une introduction à l’histoire de la philosophie ; œuvres écrites dans le sens catholique, et ou percent déjà cependant les idées politiques et les sentiments italiens de l’auteur. Mais Gioberti n’est pas un philosophe, disons-le tout de suite et sans détour. Ce qui domine chez lui, c’est la haine de l’esprit français. Ainsi, k l’en croire, Descartes est un philosophe très-mesquin (meschinissimo filosofu), puéril, ridicule, qui mérite la bastonnade ; sa manière de parler est digne d’un cheval (il suo modo di purlare è deyno d’un, caoallo). Plus loin, il appelle Lamennais le plus médiocre des sophistes. 11 dira de Pierre Leroux que sa critique et son érudition sont celles d un écolier ; des auteurs de 1Encyclopédie nouvelle, que certains de leurs articles tiennent à la fois du comique et de l’infernal, et que certains autres sont des inepties très - divertissantes ; et de nous, en général, il dira : à Je crains plus les Français amis que les Tudesques ennemis. » Ailleurs : « Pour avoir du génie en France, il faut être cupide, vil, insolent, bavard, menteur, traître et surtout égoïste. » Plus tard, dans les premiers jours de 1848, l’abbé Gioberti disait encore k l’un de ses amis florentins ce mot qu’on pourrait croire apocryphe, tellement il dépasse toute mesure : « Je voudrais que la république tombât chez les Français, pour le-mal qu’ils ont fait au monde. »

Tout ceci, nous dira-t-on, ne touche point à la philosophie, et ne nous dit pas quelle est la pensée philosophique de ce farouche ennemi de la France. La voici en quatre mots : « L’Être crée des existences. » Il prouve sans beaucoup de peine que cette formule ne contredit en aucune façon le catholicisme romain. Mais Gioberti tenait à se poser comme ontologiste contre le psychologisme de Rosmini ; c’était une question d’école. Nous le répétons, l’initié de la JeuneItalie n’était point philosophe. Il avait une véhémence, un entraînement, une mobilité d’humeur qui le détournaient de la spéculation ; et, ce qui l’en détournait encore plus,

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c’était son esprit pratique. « Il était l’homme du moment, dit M. Marc Monnier. Prophète et rêveur d’opportunité, il ne prévoyait que le lendemain, ne rêvait que le possible. Il ne voulait pas la vérité, il poursuivait la réalité. Il préférait un avantage immédiat k une victoire décisive, mais ajournée ; impatient d’arriver vite, il renonçait h arriver loin ; il rapprochait le but pour abréger le chemin, et ne lit que transiger toute sa vie. Toutes ses contradictions viennent de là. Théologien et philosophe d’occasion, il était avant tout patriote. Il désirait une Italie, il voulut la réaliser ; ce fut là son rêve et sa tâche ; il y réussit presque, et ce fut là sa gloire. •

Ce qui ne contribua pas médiocrement au succès de son Introduction, et en doubla le retentissement dans son pays, c’est que l’auteur, en essayant une tentative de conciliation entre le catholicisme et la philosophie, laissait percer l’espoir de rallier le clergé italien à la cause do l’indépendance. Gioberti voyait alors en Mazzini fli/homme providentiel, l’âme et l’espérance de son pays. Toutefois, il ne tarda pas à se séparer de lui d’une manière éclatante. Il le trouvait trop absolu dans son programme : « L’Italie une et indivisible. » Son esprit impétueux s’accommodait mal de l’inflexibilité des principes du grand ugitateur. C’est alors qu’il écrivit ces lignes tout empreintes du fiel de la haine :« 11 faut, dit-il, que tout le monde sache que Giuseppe Mazzini est le plus grand ennemi de l’Italie ; plus grand que l’Autrichien lui-même, qui, sans lui, serait vaincu. Les angoisses impuissantes de son esprit ne sont pas même compensées par les qualités du cœur : il n’est pas moins lâche qu’inepte. 11 serait à désirer, pour un homme aussi vulgaire, que sa mémoire pérît avec lui ; mais le mal qu’il a fait, et qui est immense, lui assure un triste privilège de renommée ; son nom sera abhorré, exécré par nos enfants. » Ces passages peignent l’homme. On le voit fantasque, nerveux, emporté par son premier

mouvement (qui n’est pas toujours le bon), mobile et violent dans ses affections comme dans ses haines, dans ses expressions comme dans ses idées, fidèle pourtant, mais à l’Italie seule.

Après ces deux ouvrages, Gioberti publia celui qui a pour titre : De la primauté morale et politique des Italiens. Il le fit paraître en 1843, l’année même où la question romaine était posée contre la papauté temporelle à la fois par l’insurrection des Komagnes et par l’Arnaud de Brescia, deNiccolini. Gioberti, au contraire, prétendait arriver à l’unité nationale, à l’indépendance territoriale et à la liberté politique par le suprême arbitrage pontifical. Dans son nouvel ouvrage, Gioberti ménageait, caressait tour k tour le pape, les priness, les peuples, les prêtres, les libéraux, même les jésuites, même le roi de Naples. C’était un gâteau multicolore dont chacun avait sa part ; aussi le livre fit fureur en Italie, excepté eu Toscane, où Salvagnoli le cribla d’épigrainmes, où Giusti mit le pape idéal en caricature, où Niccolini, irrité, appela Gioberti « le Jean - Baptiste d’un nouveau Torquemada. » L’auteur eut contre lui pis encore que toutes ces censures, que-toutes ces critiques, à eut les éloges des jésuites. Ceux-ci, qu’il avait ménagés, le portèrent aux nues ; ils l’adoptèrent comme leur enfant et l’opposèrent à Rosinini, qu’ils n’aimaient pas ; bref, Gioberti fut proclamé par eux un des Pères du xix<= siècle. Il ne méritait

Ni cet excès d’honneur ni cette indignité.

L’illusion des jésuites, toutefois, ne fut pas de longue durée ; car, voyant qu’il n’avait pas visé juste avec le Primuto, il publia les Prolégomènes du Primuto, livre agressif, celui-là, et qui exerça une immense influence sur les esprits. Jamais parole écrite n’a été entendue si vite et si loin, n’a soulevé tant de milliers d’hommes. « Ne l’oublions pas, dit M. Marc Monnier, ce furent des livres, avant tout, qui provoquèrent la révolution d’Italie, et l’on vit se réaliser sur la terre la transformation dont parle l’Évangile, un verbe qui se faisait chair, une pensée qui se faisait nation : c’était la pensée de Gioberti, pensée fausse, je le veux bien, mais opportune. Il fallait peut-être ce rêve insensé pour secouer l’Italie. »

En tout cas, Gioberti avait conscience de son erreur ; il la croyait nécessaire et la propageait hardiment pour gagner Rome : > Le pape, je n’y crois pas, disait-il à un ami, mais je me sers de lui comme de la lance d’Achille, qui blessait et guérissait en mèine temps » Et de fait, il gagna Rome. Grégoire XVI, malgré les jésuites, n’osa pas mettre k l’index les écrits du novateur. Quand, plus tard, le cardinal Mustaï "entra au conclave d’où il devait sortir Pie IX, il avait le Primato dans sa biblioihèque, et ce fut duPi’iwoio que naquit la fumeuse amnistie du Vutican.

Gioberti continua cette guerre de plume avec une violence extrême par son Jésuite moderne et son Apologie du Jésuite moderne ; il se sentait soutenu par l’Italie entière et même par le clergé. U fut suivi de près dans sa mission émancipatrice par Balbo et par d’Azcglio ; mais il est resté le premier des trois précurseurs de l’indépendance italienne. Il était revenu k Puris en 1845 ; il le quitta le 25 avril 1848 pour rentrer, après quinze ans d’absence, dans Turin, où l’attendait l’accueil le plus enthousiaste, en même temps que les récompenses les plus hautes qu’une nation

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ivre de joie puisse offrir k un grand citoyen. "Il parcourut successivement Milan, Gênes, Livourne, Florence, Rome, et partout il fut reçu triomphalement ; peuples, souverains et pontife l’acclamèrent comme un sauveur. Nommé député à Turin et à Gênes, élu président de la Chambre, il fut appelé par Charles-Albert au portefeuille de l’instruction publique dans, le ministère Collegno, dit de la Annie Italie (juillet 1848). Quelques jours après la bataille de Custozza, ce ministère se retira devant le cabinet Ravel ; mais, le 16 décembre, le roi appella Gioberti k la présidence du conseil et aux affaires étrangères : c’était le ministère dit démocratique, qui devait pousser k la reprise des hostilités. Gioberti fit dissoudre la, Chambre et fut nommé par onze collègesélectoraux. Son programme poli tique, lu k la Chambre, occupait six colonnes des journaux turinois. L’énergie avec laquelle lo chef du nouveau ministère, conformément aux principes exprimés dans ce programme, poursuivit les clubs républicains lui attira les colères de ce parti. Un grave dissentiment, survenu entre fui et ses collègues, amena sa chute. Gioberti voulait que le Piémont se chargeât de la restauration du grand-duc de Toscane. Ce projet, si violemment attaqué, eût peut-ètro épargné, s’il eût été exécuté, une invasion autrichienne k la Toscane et rendu inutile la déplorable expédition française k Rome ; mais >e ministère eût cru trahir la cause de la révolution, et Gioberti, abandonné de ses collègues, dut donner sa démission, non sans avoir nrovoqué, au sein de la jeune Chambre subalpine, des discussions scandaleuses, dans lesquelles il accusa ses collègues de mensonge et de versatilité. Après Novare, il fut quelques jours ministre sans portefeuille sous Victor-Emmanuel, puis envoyé k Paris comme ministre plénipotentiaire pour solliciter l’intervention de la France dans les affaires de l’Italie. Il échoua, donna sa démission, refusa tout, pension et honneurs, et voulut vivre à Paris comme en exil. Reprenant alors sa vie de travail et d’études, il donna, au bout de quelques mois, une seconde édition de sa Théorie du surnaturel, et publia, en 1851, en deux gros volumes, sa Uunnvatiun politique des Italiens. Cet ouvrage, qui entraîna la mise à l’index de toutes les Œuvres de Gioberti, in odium aucturis, mais qui fut lu avidement en Italie, et dans lequel il commente et juge les événements de 1848-1849 avec une grande élévation de pensées et une vigueur magistrale de style, est une réfutation de ses propres doctrines. Désabusé de sa longue erreur, sentant l’impuissance de cette chimère papale que la nation, dans son premier élan d enthousiasme, avait un moment animée de sa vie, il condamna solennellement le pouvoir temporel : Ses dernières pensées sur la Réforme du l’Église, recueillies pur M. Massari, après sa mort, ne sont plus d’un croyant, encore moins d’un fidèle ; elles sont peut-être une prédiction qui se réalisera. Son système nerveux, aigri et surmené par le travail, émit pour lui une cause de souffrances continuelles qui brisèrent son corps. Le 26 octobre 1852, il mourut frappé d’une apoplexie foudroyante, au moment où à s’occupait d’écrire un livre Sur la prototoyie, ou science première. Le lendemain, on trouva ouverts su» son lit deux livres : Y Imitation de Jésus-Christ et les Promessi sposi de Manzoni. La municipalité de Turin voulut avoir ses restes et se chargea des funérailles de ce grand Italien.

Outre les ouvrages dont nous avons parlé, Gioberti a laissé : Lettre contre les erreurs politiques et religieuses de Lamennais (1840) ; Du beau (1841) ; Erreurs philosophiques d’Aiitoiue liosmini (1842), toutes œuvres publiées k Bruxelles. Les ouvrages philosophiques de Gioberti sont de peu de valeur, au point de vue scientifique ; la philosophie n’a jamais été pour lui qu’un terrain-politique. Lu grande pensée de sa vie fut la réalisation de l’unité italienne, et, k ce titre, on peut le regarder comme le précurseur des Mauin et desCavour.

GIOBERTITE s. f. Ci-o-bèr-ti-te, do Giobert, chun.ste italien).’ Miner. Carbonate de magnésie naturel.

GIOCONDO (Fra Giovanni), célèbre antiquaire, architecte et littérateur italien, né k Vérone vers 1145, mort k Venise vers 1525. Grâce aux savantes recherches déQuatremère de Quincy, qui a soigneusement contrôlé les détails qu’on trouve Sur l’œuvre et la vie de Giocondo dans Vasari, Cicognnra, Millizia et Ticozzi. nous savons k peu près tout ce qu’on peut savoir sur cet homme èminent, sur ce moine dominicain, qui, doué d’un génie universel, cultiva ave un succès égal lesseifno.es, les arts et les lettres. Fort jeune encore et A^yi savant archéologue, dessinateur habile, il fit un voyage k Rom1 :. où il dessina les ruines des monuments antiques, dont il écrivit aussi l’histoire et dont il sut reconstituer les inscriptions incomplètes. Giocondo composa alors un recueil, comprenant plus de 2,000 inscriptions, qui fut sa première œuvre et qu’il offrit à son protecteur, Laurent le Magnifique. Rentré dans sa patrie, il fut chargé de reconstruire le pont Della-Pietra, démoli plusieurs fois par les eaux. Trévise lui demanda aussi le plan de ses fortifications, qui furent élevées sous ses yeux, et dont il surveilla la construction jusqu’au bout. Le succès de cette entreprise eut un grand’retentissement. Le nom de Giocondo était déjà

célèbre ; aussi fut-il appelé k Venise, avec ■