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S >n esprit pénétrant lui permettait de.résoudre avec une clarté et une précision admirables les questions les plus obscures, et, en expliquant les lois à l’aide de l’histoire et de la philosophie, il a jeté parfois une grande lumière sur des points fort mal interprétés avant lui. Il lisait peu les ouvrages d’autrui, il écrivait rarement ; mais il méditait profondément, soit couché, soit en se promenant, dit Loisel, les leçons qu’il faisait devant ses nombreux élèves. À ses talents de jurisconsulte, il joignait des qualités remarquables de littérateur et de philosophe. On lui doit : Epigrammatnm libri duo et Episto/se quatuor (Lyon, 1539, in-4") ; Virgilths et Terentius pristino splendovi restituti (Lyon, 1541) ; une traduction latine de Ylsugogue de Porphyre ; In Topica Ciceronis et criticam logices partent (1543), etc., et plusieurs traités de droit. Ses œuvres complètes : Opéra juridica, philologica, pkilosupliicti, ont été publiées à Rotterdam (170G, in-fol.) — Son fils, Mainfroi Gouvea, né à Cahors, mort en 1613, se rendit avec lui en Savoie, où il devint conseiller d’État et sénateur. Il a laissé quelques poésies latines, des Consultations, des" commentaires sur Julius Clarus, etc.

GOUVEA (D. François-Antoine de), historien portugais, né à Beja vers 1575, — mort en 1628. Il était de la famille du célèbre jurisconsulte Antoine de Gouvea. Il entra dans l’ordre des ermites de Saint-Augustin, puis fut envoyé à Goa pour y professer la théologie (1597). Il se trouvait dans cette ville lorsque le vice-roi des Indes portugaises, Ayres de Saldanha, le chargea de se rendre auprès du roi de Perse Sehan-Abbas, pour obtenir de ce prince la permission de fonder dans ses États des établissements commerciaux. Schah-Abbas accéda k cette proposition, mais en mettant toutefois pour condition que le roi Philippe III lui enverrait des troupes pour combattre les Turcs. Gouvea partit alors pour l’Europe avec un ambassadeur persan ; mais il ne put rien obtenir et reçut l’ordre de retourner en Perse pour y reprendre les négociations sur de nouvelles bases. Eu partant (1612), il fut nommé parle pape PaulVévêque de Cyrène et légat a latere. De retour en Perse, il rendit compte de l’insuccès de sa mission à Schah-Abbas. Dans son irritation, ce souverain le lit jeter dans une prison, d’où il parvint à s’échapper.’ Il revenait dans sa patrie lorsqu’il tomba au pouvoir de pirates algériens et subit une dure captivité jusqu’en 1620. Le P. Gouvea remplit encore, avant de mourir, une importante mission à Oran. Il a laissé quelques ouvrages, dont les plus remarquables sont : Relaçâo em que se tralâo as guerras e grandes victorias que alcançou e grande rey de Persia Xa-Abbas (Lisbonne, 1611, in-4o), traduit en français sous le titre de Relation des grandes guerres et victoires obtenues par le roi de Perse Schali-Abbas, etc. (Roven, 1S46, in-4o), et Jornada do arcepispo de Goa, etc. (Coïmbre, 1G06, in-fol.), traduit en français parJ.-B. de Glen, sous le titre de Histoire orientale des grands progrès de l’Église catholique, apostolique et romaine (Anvers, 1609).

GODVEA (Antoine de), jésuite et missionnaire portugais, né à Casale, près de Viseu, en 1592, mort en 1077. Envoyé en Chine, en 1G3C, il s’occupa avec un zèle infatigable de la profiagution de la foi, fut témoin des sanglantes nues que la dynastie chinoise des Ming eut à soutenir contre les Tortures, puis, lors de la publication de l’édit par lequel l’empereur tartare Khang-Hi interdisait le séjour de la Chine aux missionnaires, il fut arrêté, conduit à Canton et jeté en prison. Rendu à la liberté en 1G69, après une captivité qui avait duré six ans, il retourna dans sa patrie, où iî mourut. Gouvea étui t très-versé dans la langue chinoise et la langue mandchoue. Il a traduit dans ces idiomes plusieurs livres chrétiens, a publié : Jniioceiilia victrix sine sentenlia comitionum imperii sinici pro innoceniia ehristianx reliyionis (Canton, 1071, in-fol.), en chinois et en latin, et laissé manuscrits : Asia extrema, où il donne l’histoire des travaux des missionnaires dans l’Asie orientale ; IJistoria da China, ouvrage dans lequel il a consigné les importantes observations qu’il avait fanes sur le Céleste-Empire.

GOUVERNABLE adj. (gou-vèr-na-Merad. gouverner). Qui peut être gouverné : La France est l’État le moins gouvernable qu’il y ait en Europe. (H. Castille.)

— Antonyme. Ingouvernable.

GOUVERNAIL s. m. (gou-vèr-nall ; «mil. lat. gubernaculum ; de yubernure, gouverner). Mar. Pièce mobile attachée à l’arrière d’un navire ou d’un bateau, et qui sert à le gouverner, à le diriger : Des gouvernails en bois de chêne. Pousser ta barre du gouvernail. Dire que les valions sont faites pour les rois, c’est dire que les vaisseaux sont faits pour le gouvernail. (Toulotie.) Il Gouvernail de drisse, Barre de fer appelée aussi guide de drisse.

— Fig. Direction, gouvernement ; action directrice, principe de direction : Tenir le gouvernail de l’État. L’amour-propre tient en main le gouvernail des actions humaines. (Fonten.) Le vaisseau de l’État n’obéit pas au gouvernail comme un simple bateau à vapeur. (Toussenel.)

— Mus. Fil de fer qui sert à accorder les tuyaux d’anche, et qui avance ou recule pour

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régler la longueur de la partie libre de la languette.

— Techn. Barre de fer à forger, qui occupe le milieu d’un paquet, et dont la longueur excède celle des autres, il Queue d’un moulin à vent servant à tourner les ailes de façon à les amener sous l’action du vent.

— Anat. Gouvernail du testicule, Cordon triangulaire qui, chez le fœtus, se porte de la branche de l’ischion et de la peau du scrotum à la partie postérieure du testicule, avant la sortie de cet organe hors de l’abdomen.

— — Encycl. Mar. Le gouvernail est une pièce plate qui se place, ordinairement, sur le prolongement arrière du plan longitudinal du navire, et qui est établie de manière que les deux faces latérales de cette pièce puissent être obliquées d’un côté ou de l’autre de ce plan longitudinal. Si, lorsqu’on donne cette obliquité, le navire est en marche, la machine frappe le fluide par une de ses faces, et force le navire à tourner autour de son axe vertical. Il en est de même dans un courant, lorsque le navire est à l’ancre. On voit donc que, soit que le gouvernait frappe le fluide, soit qu’il en soit frappé, il fait tourner ou évoluer le navire ; il peut donc servir à le diriger ; aussi en est-il la pièce la plus essentielle. La forme, l’emplacement, les moyens de suspension, la disposition et l’installation du gouvernail varient à i’iniîni. Nous nous bornerons U décrire cette machine telle qu’elle existe sur nos vaisseaux.

Le gouvernail d’un vaisseau se compose de trois pièces principales, qui sont la mèche, le coin et le safran. La mèche a toute la longueur de la machine ; lors de la mise en place, elle en est la partie la plus^ rapprochée de l’étambot, et elle pénètre à bord par son extrémité supérieure, en traversant lajaumière, à l’effet de recevoir le levier nommé barre, qui doit lui imprimer les mouvements de rotation voulus. La partie de la mèche qui avoisine l’étambot présente un angle ou est taillée -en chanfrein, de chaque côté, pour faciliter les mouvements de rotation de la machine ; il en est de même de l’étambot. Le coin et le safran forment’la partie extérieure du gouvernail ; toutefois, le coin n’y figure guère que pour remplir les vides entre le sa-. Iran et ta mèche, et pour donner à l’ensemble entier la figure qu’il doit avoir, c’est-à-dire une forme telle que sa plus grande largeur (qui est en bas), étant égale au douzième de la longueur du maître bau, aille en diminuant graduellement d’environ un quart, jusqu’à la flottaison. Quelquefois, il n’y a pas de coin ; alors le safran se compose de deux ^pièces à peu près égales, taillées de façon à arriver à la figure proposée. Au surplus, le mot safran s’entend aussi, assez généralement, de la largeur et de la surface totale d’une des faces du gouvernail. Enrin toutes ces pièces sont fortement réunies, chevillées ensemble, et liées, en outre, par celles des ferrures du gouvernail qui en embrassent les faces latérales, ainsi que la mèche. Toutes ces pièces métalliques/quoique appelées ferrures du gouvernail, sont cependant en cuivre, métal moins sujet que le fer à l’oxydation. Il n’est pas inutile d ajouter que le gouvernail est souvent doublé de feuilles de cuivre, et qu’il est garni de chaînes et de sauvegardes pour le retenir au bord du navire, afin qu’il ne soit pas perdu s’il vient à être arraché par accident de ses ferrures. On comprend que le plus ou moins d’obliquité que l’on peut faire prendre au gouvernail, par rapport au plan longitudinal, dépend de la longueur de sa barre, et que, plus cette barre est courte, plus l’obliquité peut être augmentée ; d’un autre côté, plus cett* barre serait longue, moins il faudrait de force pour faire mouvoir le gouvernail. Pour concilier ces conditions en quelque sorte opposées, on fait la longueur de la barre telle que l’angle maximum du gouvernait avec le plan longitudinal soit de 350 à 45°.

On appelle gouvernail de rechange celui que l’on embarque pour remplacer le premier en cas d’accident ; l’un et 1 autre sont à peu près semblables ; mais, pour faciliter le montage du gouvernail de rechange, on se trouve parfois dans l’obligation de se servir d’une ferrure à. branches, à l’aide de laquelle l’introduction l’une dans l’autre des deux ferrures ordinaires suffit pour que la rotation de la machine entière ait lieu comme il convient. On peut aider à la tenue de ce gouvernail par un grelin de suspension.

Lorsqu’on n’a pas de gouvernail de rechange, on peut être dans l’obligation de construire un gouvernail de fortune. Il existe plusieurs sortes de gouvernails de fortune, qui sont décrits dans la plupart des traités ne navigation. Dans le nombre de ces gouvernails, on remarque : celui du pilote Olivier, à cause de sa simplicité ; celui du capitaine Packenham, qui est assez complet, mais dont l’exécution, surtout la mise en place présentent d’assez grande» difficultés, et enfin celui du capitaine de* frégate Bassière, qui passe pour être le plus parfait des appareils de cette espèce.

L’idée (jui sert de base au gouvernail Fouque, ainsi appelé du nom de son inventeur, s’écarte entièrement, des combinaisons des gouvernails, soit de fortune, soit de rechange. Le gouvernail Foulque est un plateau métallique en tôle ou en bronze, d’une rigidité suffisante, ayant une surface à peu près égale à celle du gouvernail de garniture, et qui se

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monte, avant le départ, sur un des angles de l’étambot, c’est-a-dire à côté du gouvernail de garniture. Les ferrures qui servent de femelots à celui-ci peuvent également servir au même usage pour le gouvernail supplémentaire ; mais alors, elles portent sur leur angle, une autre ouverture destinée a. recevoir les aiguillots de la nouvelle machine. Il y a une tète qui entreà bord par lajaumière ; cette tête est susceptible de recevoir une barre. Pour mettre CS gouvernail siurepos, on le fait tourner sur ses aiguillots, jusqu’à ce que sa surface s’applique contre le côté de l’étambot ou contre la carène. Là il trouve plusieurs pitons dont les œillets traversent des trous pratiqués dans le safran, et il y est maintenu par une longue tige appelée verrou, qui part de l’arcnsse et qui, poussée a bras, se dirige dans les œillets, par l’effet de colliers en fer nommés conducteurs. Pour se servir de ce gouvernail, il faut retirer ie verrou, mettre la barre en place, et l’on gouverne aussitôt avec autant de précision qu’on le faisait avec le gouvernail ordinaire. En faisant une installation semblable de l’autre côté de l’étambot, on obtient deux gouvernails supplémentaires. Nous croyons qu’on pourrait alors supprimer le gouvernail de garniture.

GOUVERNANCE s. f. (gou-vèr-nan-serad. gouverner). Jurispr. Nom que l’on donnait à quelques bailliages de l’Artois et de la Flandre française, parce que les gouverneurs de ces pays en étaient les premiers juges, sous le titre de grands baillis.

GOUVERNANT, ANTE adj. (gou-vèr-nan, an-te — rad. gouverner). Qui- gouverne : Le parti gouvernant. La faction gouvernante.

— s. m. Celui qui gouverne un État : Dans le palais des gouvernants, sois de l’avis des gouvernés. (Pyihigore.)

Nos gmtvernan’s, pris an vertige, Des biens du ciel triplant le taux, Font mourir le fruit sur la tj£e. Du travail brisent les marteaux.

BÉRANOER.

— s. f. Femme du gouverneur d’une province, d’une place : Madame la gouvernante, it Femme qui a le gouvernement d’une province, d’une ville : La gouvernante des Pays-Bas.

— Femme à laquelle est confiée l’éducation d’un ou de plusieurs enfants : Souvent une mère qui passe sa vie au jeu, à la comédie et dans les conversations indécentes, se plaint d’un ton grave qu’elle ne peut pas trouver une gouvernante capable d’élever ses filles. (Kén.)

Il Femme qui a so : n du ménage, de la maison d’un homme veuf ou d’un célibataire : La gouvernante du prêtre, c’est sa vie quotidienne et vulgaire, c’est sa prose. (Mifchelet.) GOUVERNE s^ f. (gou-vèr-ne — rad. gouverner). Ce qui doit servir de règle de conduite dans une affaire : Je vous dis cela pour votre gouverne. Cette lettre vous servira de gouverne. (Ac&d.)

— Mar. Aviron de gouverne, Aviron disposé de façon à pouvoir servir de gouvernail.

GOUVERNÉ, ÉE (gou-vèr-né) part, passé du v. Gouverner. Dirigé, conduit : Barque mal gouvernée. Navire gouverné par un habite pilote. Cheval gouverné par un bon écuijer.

— Soumis à l’autorité d’un gouvernement : Un État mal gouverné. Une république gouvernée par un président. La Russie- est gouvernée par une classe d’employés subalternes. (De Custine.)

— Par ext. Soumis à l’action dirigeante de quelqu’un : Un mari gouverné par sa femme. Quelque faible que soit un prince, il n’est jamais si gouverné que l’on pense. (Christine.)

— Fig. Soumis à une influence dirigeante ; commandé, nécessité : Un homme gouverne par ses passions. Un homme vicieux est gouverné par ses appétits, un homme faible par ses affrétions ; mais le sage est gouverné par ses principes. (Closao de Blessington.)

— Granun. Régi : Cas gouverné par un verbe, par une préposition.

— Substantiv. Personne gouvernée : Plus l’autorité se concentre, moins elle pèse sur les gouvernés. (Cormen.)

GOUVERNEAU s. m. (gou-vèr-nô). Techn. Syn. de gouverneur.

GOUVERNEMENT s. m. (gou-vèr-ne-man

— rad. gouverner). Action, charge, manière de gouverner, de régir, d’administrer, de diriger : Une des parties tes plus importantes de l’administration intérieure, c’est le gouvernement des domestiques. (P. Janet.) Le gouvernement de l’homme pur l’homme, sous quelque nom qu’il se déguise, est oppression. (Proudh,)

— Direction politique d’un État ; ensemble des lois générales qui le rigissent, en déterminant les droits respectifs des gouvernants et des gouvernés : Gouvernement républicain, monarchique, tyrannique, constitutionnel. Changer La forme du gouvernement. // viendra un temps où il n’y aura qu’une vie et une sortfi de gouvernement parmi les hommes, qui n’auront plus qu’une langue entre eux et vivront heureusement. (Plutarque.) Le gouvernement est bien organisé lorsqu’il n’y a point d’hommes ni de champs inutiles. (Henri IV.)

Tout GOUVERNEMENT est «71 mal, tOUt GOUVER-NEMENT est un joug. (Chateaub.) il Gouvernants, ensemble des personnes qui régissent

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un État : Renverser le gouvernement. Demander l’appui du gouvernement. Les voies irrégulières prises par un GOUVi-RNEMENTiOJif des violences qui ne prouvent que la force et non le droit. (Henri IV.) L’hisliire des gouvernements n’est guère que cells de leurs variations. (Peyrat.)

— Charge de gouverneur : Le gouvernement d’une province, d’une vilie, d’une place forte. Il Chacune des divisions militaires de France, avant la Révolution. Il Hôtel du gouverneur : Aller porter une pétition au gouvernement.

— Relig. Gouvernement des Unes, Direction de la conscience ; autorité de ceux qui sont chargés do veiller sur les mœurs : Eh quoi.' l’art des arts, le gouvernement des â.mes demande-t-il moins de talents qie les occupations frivoles et les inutilités de la terre ? (Mass.)

— Syn. Gouvernement, administration, régime. V. ADMINISTRATION.

— Encycl. Polit. Au point le vue le plus général, les gouvernements sont les représentants et les organes actifs des intérêts généraux et collectifs. Il n’y a pas, il n’y a jamais eu, même parmi les sauvages, et il ne saurait y avoir de société sans goaoer lement.

Les rapports sociaux s’étant multipliés et compliqués ù l’infini, on conçoit que les gouvernements, qui, d’ailleurs, pracédaient souvent de principes contraires, aient revêtu des formes très-différentes. L’antiquité a connu et épuisé à elle seule to îs les systèmes politiques, depuis la monarchie la plus absolue sous les monarques asiatique» jusqu’à la liberté la plus extrême dans le» murs d’Athènes. Mais, avant de discuter les divers gouvernements, nous devons examiner une question générale très-importante, celle de savoir quel doit être l’objet d’un gouvernement quelconque et jusqu’où doit s’étendre la sphère ds son action ; quelles sont, en d’autres termes, les choses qui doivent être laissées à la spontanéité individuelle et où corunence l’action collective. Sur ce point, les publieistes sont très-divisés. Selon 1 idée qu’ils se forment des droits et des devoirs respectifs de la société et de ses membres, ils aboutissent à des conséquences diamétralement cpposées. Pour

mieux faire ressortir ces divergences, nous prendrons les extrêmes et mettrons en regard les doctrines très-arrêtées des. deux écrivains de nos jours qui représentent le mieux les deux écoles modernes, Proudhon et, Louis Blanc.

D’après le premier, tout ir. dividu porte en lui-même la plénitude de la souveraineté et doit être à lui seul son gouvernement. C’est le système de l’anarchie qui, nal compris ou exagéré à dessein par ses «•utradiéteurs, a provoqué, depuis une vingiaine d’années, d’ardentes polémiques. Le cham^ ion de la liberté à outrance ne voit dans les groupes humains qu’une juxtaposition d’individus virtuellement égaux, s’ils ne le sont de fait, ne subissant que la loi qu’ils s’imposent à eux-mêmes, débattant librement leurs in.érêts et ne recourant à un arbitrage accidentel que dans les cas de conflit. Dans ce système, toute autorité permanente devient superflue. Pas n’est besoin de magistrature m de force publique. Le penseur éminent, qui avait scruté à fond les facultés et les passions humaines, ne va pas jusqu’à prétendrai que t’hariiumie parfaite et sans discordance s établira entre les hommes par le seul jeu de la liberté. Il ne fait pas un si grand huniieu :* à notre pauvre raison et prévoit les discords ; mais pour rétablir l’ordre, s’il wentàêtre : roublé, il n’invoque que l’intervention déjuges temporaires choisis ad Aoepar les parties. Nous ne prétendons pas que, grâce aux progrès croissants de l’intelligence et de la moralit’j générale, gràco surtout à une répartition plus équitable des avantages et des charges sociales, il nepuisso arriver un temps où les conflits deviennent extrêmement rares ; mais, ei nous transportant par la pensée à cet âge d’or, ce serait encore se faire une idée très-incomplète des hautes fonctions sociales que de les borner à maintenir ou à rétablir l’ord.e entre les membres d’une même société. U.i chef de gouvernement n’est pas seulement un grand justicier, c’est aussi le protecteur naturel des faibles, le tuteur nécessaire des mineurs, des interdits et de tous les incapables ; c’est, de plus, le conservateur obligé des richesses sociales que chaque génération présente est tenue de léguer intactes, et même accrues, aux générations à venir. Ot, s’il n’y a pas de gouvernement permanent et indéfectible, qui donc se chargera d’entretenir les monuments publics, de creuser les ports, d’endiguer les neuves, de maintenir les grandes voies do communication, de prendre des mesures sanitaires et de remédier, le cas échéant, aux calamités publiques ? Des syndicats spéciaux ? Y compter serait folie, et le gouvernement d«j choses de ce monde ne peu ; être ainsi abandonné à l’incurie des uns ou à la malveillance des autres ; jamais société organisée ne consentira à courir de pareille» aventures.

La théorie antigouvernementale de Proudhon n’a pas fait école. Le paradoxe perçait sous ses raisonnements spécieux et frappait les moins clairvoyants ou plu’<5’ les moins prévoyants. Ce n’était cependant que l’exagération des doctrines de l’école dite libérale, de l’école du laissez-faire, dont il a adopté tous les principes. Nous no voyous pas pour-