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il est plus fin de dessin et de caractère ; la couleur en est claire et lumineuse. ■ La figure de saint Georges, dit M. Guizot, est celle d’un beau jeune homme blond. Son action est animée et son expression calme. Son cheval, qui se cabre et hennit, a la tète, le poitrail et toute la partie antérieure d’une beauté rare. Quoique ce joli tableau ait été endommagé par le temps, on y remarque une grâce parfaite et un tini singulièrement soigné. ■ Il a été gravé par Nicolas de Larmessin (Cabinet Crosat), pnr J.-L. Petit (Musée français), par Duplessis-Bertaux et Nicquet (Musée Filhol), etc. On pense que ce tableau est celui que Lomazzo dit avoir été peint parRaphaSl pour le duc d’Urbin, en 1504.

Au musée de l’Ermitage se trouve un autre

  • Saint Georges, que Raphaël pe.ignit aussi pour

le duc d’Urbin, en 1506, et qui fut offert par ce prince h Henri VIII, roi d’Angleterre. Le saint, monté sur un cheval blanc, enfonce sa

. lance dans la poitrine du dragon monstrueux, tandis que la princesse, à genoux, implore le secours du ciel. Entre les collines boisées du fond, on voit au loin les tours d’une ville. Sur le harnais qui entoure le poitrail du cheval, se. lit la signature de Raphaël. Le Saint porte par-dessus son armure une jarretière, allusion à l’ordre de la Jarretière ou de Saint-Georges, dont le duc d’Urbin avait été décoré par Henri VIII. Ce tableau passa successivement des mains de ce dernier dans Celles du comte de Pembroke, du roi Charles Ier, de M. de La Noue, de Crozat et enrin de Catherine II de Russie. Il a été gravé par L. Vorstermun, F. Ragot, des Granges (1628), N. de Larmessin, L. Gaultier, etc.

Georges (statub de saint), chef-d’œuvre de Donatello, à Florence. Le jeune saint est représenté en costume de chevalier du xvc siècle ; il est vêtu d’une cotte de-mailles qui dessine les contours de son corps souple, svelte et vigoureux ; il appuie une main sur son Bouclier, qui est placé ent». ses jambes ; l’autre bras descend le long du corps. Sous son cou se nouent simplement 1rs deux bouts d’un petit manteau rejeté en arrière et qui ne couvre qu’une de ses épaules. Son visage, encadré de cheveux bouclés, a toute la candeur de l’adolescence ; mais le sourcil froncé et la lèvre plissée donnent a la physionomie une expression décidée et virile.

Cette figure est placée dans une niche extérieure de l’église Or-San-Michele, dont le fond est tapissé d’une fine mosaïque et dont le soubassement est orné d’un bas-relief de Donatello qui représente Saint Georges achevai abattant le serpent. La statue, qui est en marbre, a une tournure à la fois naïve et fine qui impressionne vivement. « Je ne trouve point d’analogue à ce chef-d’œuvre dans aucune école, a dit M. Jean Rousseau. La naïveté mêlée de gaucherie des gothiques ignorait cette fermeté superbe ; l’art antique, amoureux de l’élégance a travers sa simplicité, n’eut pas cette bonhomie admirable... Donatello n a pris d’autre modèle que le type de la légende ; il n’a cherché que la ressemblance, et le vague récit a pris corps dans un marbre d’une réalité prestigieuse et qui n’emprunte sa réalité à aucun style, à aucune poétique connue. Quel chef-d’œuvre honnête et sain ! Que Donatello y est loin des partis pris, des conventions, des prétentions ordinaires, et comme sa bonne foi est supérieure à tous les systèmes ! Rien ne manque à sa statue. Le rendu en est aussi exact que si l’artiste l’avait moulée sur un personnage de chair et d’os, et, d’autre part, son style a autant de feu, autant d’élan que s’il n’avait écouté que son inspiration. Ce pâle saint Georges, si fièrement campé au fond de sa niche splendide, est une de ces visions qui ne s’effacent plus de l’esprit qui les a entrevues. Il est vrai comme la vie, naïf comme la foi, idéal comme le rêve, sincère et personnel comme lu conscience humaine. > L’œuvre de Donatello a été gravée dans 'Histoire de la sculpture italienne de Cicognara (II, pi. fi) et dans le grand ouvrage de d’Agincourc.

George* (ORDRES MILITAIRES DE Saint-).

Saint Georges est peut-être, de tous les noms qui figurent au calendrier, celui qui a été pris le plus souvent comme patron des ordres militaires. Nous allons donner une liste des principaux.

îo Saint-Georges d’Alfama (Espagne). Cet ordre fut institué par le roi d’Aragon Pierre II, en 1201, pour défendre la religion catholique et l’Espagne contre les Maures. Le roi donna aux chevaliers, membres de l’ordre, la ville d’Alfama, d’où ils prirent leur nom. Benoit XIII, l’antipape, approuva l’ordre, qui en 1399, fut réuni à celui de Montesa.

Saint-Georges de Bourgogne. Philippe ou Philibert de Miolans institua cet ordre en 1390.

Les chevaliers ne formèrent d’abord qu’une confrérie ; mais en 1485 le pape Innocent VIII leur donna des statuts et en fit un ordre religieux et militaire. Pour être admis dans l’ordre, il fallait faire preuve de seize quartiers de noblesse. Le 18 avril 1824, il fut définitivement aboli par décision royale.

Saint-Georges d’Autriche et de Carintkie. Ordre religieux et militaire fondé, en 1470, par Frédéric III, empereur d’Allemugne, pour défendre les frontières de la Bohême et de la Hongrie, Il avait pour chef-lieu le couvent de Millestadt, dans le pays de Saltz GEOR

bourg. Les guerres religieuses du xvi* sièclî le firent disparaître.

Saint-Georges de Gênes. Ordre créé en 1472, par l’empereur d’Allemagne Frédéric III, pour remercier la république génoise de l’accueil qu’il avait reçu dans cette ville lors du voyage qu’il fit à Rome à l’occasion de son couronnement. La décoration était une croix d’or, formée en trèfle, chargée au centre d’une couronne, et suspendue à un ruban d’or. Le doga fut nommé grand maître de cet ordre, qui disparut bientôt après sa fondation.

Saint-Georges de Bavière. Cet ordre, qui fut renouvelé en 1729 par Charles-Albert, duc de Bavière, plus tard l’empereur Charles VII, existait déjà du temps des croisades. Le pape Benoit III l’approuva par une bulle. L’électeur Charles-Théodore lui donna, en 1778, de nouveaux statuts. Pour y être admis, il fallait faire preuve d’une ancienne noblesse, jurer de défendre la religion catholique, l’immaculée conception, et de prendre les armes nu commandement du grand maître. Les statuts ont été revisés de nouveau, le 25 février 1827, par le roi Louis. Le roi est grand maître, le prince royal premier grand prieur ; tous les autres princes do la famille royale sont prieurs. L’ordre se divise en deux langues ou classes, la langue allemande et la langue étrangère. Les membres forment trois classes : grands commandeurs, commandeurs, chevaliers. Le nombre des premiers est fixé à 6, celui des seconds à 12. Le grand maître a en outre le droit de nommer des grands commandeurs et des commandeurs honoraires parmi les chevaliers. L’ordre a aussi, depuis 1741, une classe de membres ecclésiastiques, qui consiste en l évêque, 1 prévôt et 4 doyens et chapelains. La fête de l’ordre est célébrée deux fois par an, le jour de Saint-Georges (24 avril), et le jour de la Conception (8 décembre). Les membres doivent y assister en costume de cérémonie.

Saint-Georges de Russie. Fondé, en 1769, par l’impératrice Catherine II, cet ordre était composé de quatre classes de chevaliers ; une cinquième fut créée depuis en 1807. Pour être admis dans la première classe, il faut avoir, comme général en chef, gagné une grande bataille, compter vingt-cinq ans de service eifectif ou dix-huit campagnes sur mer. Pour être reçu dans une des trois classes suivantes, il faut avoir pris un vaisseau, une batterie ou quelque poste occupé par l’ennemi, avoir soutenu un siège sans se rendre, s’être offert pour une entreprise périlleuse, être monté le premier à l’assaut, etc. Cet ordre n’a pas de grand maître. Deux commissions, choisies dans l’armée de terre et de mer, dressent, a la fin de chaque campagne, la liste des officiers qui ont droit à 1 ordre. L’empereur Alexandre lui-même n’en fut déeorè qu’après la campagne de 1805. La cinquième classe se compose des sous-officiers et soldats qui se distinguent par quelque action d’éclat.

Saint-Georges de Hanovre. Cet ordre a été fondé par le roi Ernest-Auguste, au commencement de ce siècle. Les membres de

l’ordre, dont le roi était grand maître, ne formaient qu’une seule classe et prenaient le titre de chevalier de Saint-Georges. Depuis l’annexion récente du royaume de Hanovre a la Prusse, l’ordre ne se confère plus.

8" Saint-Georges de Naples ou de la Réunion. Le roi Ferdinand IV fonda cet ordre le 1er janvier 1819, et fil ordonner aux chevaliers de 1 ordre des Deux-Siciles de remplacer leur décoration par celle de l’ordre de la Réunion. Cet ordre comprenait quatre classes : les grands-croix, les commandants, les chevaliers di diritto, les chevaliers di grazia. Le roi était grand maître et le duc de Calabre grand connétable. Depuis la conquête du royaume de Naples par Victor-Emmanuel, cette décoration ne s accorde plus, et tend, par conséquent, tous les jours à disparaître.

Sdinl-Georges ou du Mérite militaire. L’infant d’Espagne, don Charles-Louis de Bourbon, duc de Lucques, fonda cet ordre le 1er juin 1833. Les statuts définitifs ne furent publiés qu’en 1841. Cet ordre est exclusivement militaire. Le duc est grand maître de l’ordre.

GEORGES (saint), surnommé Mthatamintiei, abbé de Mtha-Tsminda, né en Géorgie vers 1014, mort vers 1072. Fait prisonnier par les Grecs, il fut conduit à Constantinople (1021), revint dans sa patrie au bout de couze ans, embrassa l’état monastique, lit le pèlerinage de Jérusalem, puis se rendit au couvent du mont Athos, où il composa des traités théologiques et liturgiques et traduisit plusieurs ouvrages des Pères grecs. En 1051, Georges devint abbé du monastère Mtha-Tsminda, au mont Athos, poste qu’il abandonna par la suite pour se retirer au monastère de la Montagne-Noire, dans les monts Taurus. Il refusa l’évêché de Dchgon-Did, en Mingiélie, que lui offrit le roi Bagrat IV, mais il consentit à diriger l’éducation de son fils Georges II, On a de lui vingt-trois ouvrages qui étaient fort estimés de son temps. Sa fête se célèbre le 30 juin.

GEORGES (saint), évêque de Suelli, dans l’île de Sardaigne, né à Cagliari en 1080, mort à Suelli en 1117. Il se livra avec une telle ardeur aux études théologiques, qu’à. l’âge de dix-sept ans il protfonça un sermon qui frappa l’archevêque de Cagliari, Gual GEOR

fredo, an point que celui-ci crut pouvoir l’ordonner prêtre. Deux ans après, le siège de Suelli étant devenu vacant, Georges fut appelé à l’occuper. Il ne quitta plus son nouveau troupeau jusqu’au moment de sa mort. Les auteurs chrétiens qui ont raconté sa vie lui attribuent le don des miracles ; ils citent, entre autres exemples, une résurrection accomplie à Lozorai, la vue rendue à un aveugle d’Ursula ; enfin il délivra, par la protection de Dieu, la paroisse de Santo-Andrea, dépendance de son diocèse, d’un énorme dragon qui ravageait la campagne et dévorait les habitants. Sa fête se célèbre le 25 avril.

GEORGES (le P. François), théologien italien, né k Venise en 1460, mort en 1540. Il appartenait à la famille vénitienne des Giorgi, entra dans l’ordre des cordeliers et se fit remarquer par son savoir comme théologien en même temps que par son éloquence comme prédicateur. Ses principaux ouvrages sont : De harmonia mundi totius cantica tria (Venise, 1525, in-fol.), où il chercha à concilier le texte des livres saints avec les principes du platonisme et les rêveries des rabbins ; In sacram Scripturam problemata (Venise, 1536, in-4»), traité qui fut mis à l’index comme le précédent.

GEORGES (Marguerite-Joséphine Wemmeh, et non Wkymer, comme on l’a écrit, dite M’le), célèbre actrice française, née à Bayeux le 23 février 1787, morte à Passy le 12 janvier 1867. Elle était fille d’un maître taiileur du régiment de Lorraine, qui devint plus tard directeur de spectacle en province, parcourut en cette qualité plusieurs villes et demeura longtemps à Amiens. C’est sur le théâtre de cette ville que Mlle Georges, encore enfant, débuts dans les Deux petits Savoyards, le Jugement de Paris, Paul et Virginie, etc. On la destinait à l’Opéra. Une circonstance assez singulière vint changer les dispositions de la famille à cet égard. Mlle Raucourt, en tournée de représentations, vint jouer à Amiens ; un soir, elle remarqua la petite Georges qui, déjà modèle de beauté, de perfection du visage féminin, debout dans les coulisses, suivait tous ses mouvements, reflétait toutes ses impressions, reproduisait ses gestes et sa pantomime. Pressentant son brillant avenir, elle s’écria : « Quelle belle Sémiramis 1 à Le soir même, après le spectacle, retenue à souper chez Wemmer, elle était occupée à convaincre celui-ci qu’il y avait en sa fille une grande tragédienne, lorsque des cris partis d’une chambre voisine attiré rentl’attenlion des convives. On s’empressa de courir ; mais bientôt on reconnut que ces cris étaient ceux de la jeune Georges, occupée à déclamer des vers et a prendre les inflexions de M11" Raucourt. On fit silence, et Mlle Raucourt, embrassant l’enfant précoce, applaudit avec enthousiasme à ses premiers efforts. Elle obtint de son père qu’il S’envoyât à Paris. Wemmer tint parole, et sa fille eut en M"« Raucourt une protectrice zélée et un professeur qui se plut à guider son jeune talent.

Agée seulement de quatorze ans, M’ie Georges débuta à la Comédie-Française le 8 frimaire an XI (29 nov. 1802), par le rôle de Clytemnestre à’Iphigénie en Aulide, et fut admise pensionnaire en 1803. Son apparition fut un événement. On se porta en foule au Théâtre-Français pour la voir et l’applaudir ; sa beauté majestueuse, jointe à un talent naturel et passionné, excita le plus vif enthousiasme. Cependant il y avait, à la même époque et au même théâtre, une femme qui régnait dans la tragédie. Mlle Duchesnois, à force de talent, était parvenue à faire oublier son physique peu avantageux ; elle avait débuté, en juillet 1802, avec un très-grand succès, et, le 18 novembre de la même année, malgré l’opposition jalouse de la plupart de ses camarades, elle avait été couronnée sur la scène. Parmi les adversaires de cette touchante actrice Se trouvait le eritique Geoffroy, qui bientôt, devenu le chef de la cabale organisée contre elle, se mit à prodiguer les adulations les plus outrées à Mlle Georges et accabla M’e Duchesnois de ridicule et d’humiliations. Le public se partagea alors en deux camps et la salle du Théâtre-Français devint une arène où furent livrés de vrais combats. Les amis de M’Io Georges la poussèrent à se montrer dans les rôles où excellait Mllu Duchesnois, et même dans celui de Phèdre, qui était le triomphe de celle-ci. Cette prétention de se poser en rivale d’une actrice qui s’était placée au rang des plus grandes souleva des tempêtes. L’admirable talent de M’e Duchesnois eût certainement été forcé de s’effacer devant la beauté imposante de MUe Georges, sans l’intervention de Chaptal ; ce ministre fit admettre les deux rivales, comme sociétaires, avec des attribu- | tions nettement définies, dans la troupe du Théâtre-Français (1804).

La paix se trouva ainsi faite, en apparence du moins. Mlle Georges, par sa fuite imprévue à Vienne, puis en Russie, ne devait pas tarder à laisser le champ libre à celle qui,

fiar la chaleur, la tendresse et l’expression, ui était supérieure. En effet, le il mai 1808, le soir même où elle venait de jouer pour la première fois le rôle de Mandane dans Artaxerce, elle quitta secrètement Paris, et l’on remarqua que cette fugue coïncidait avec la subite disparition du danseur Duport, de l’Opéra, ce qui donna carrière aux commen GEOR

taires. Ses amis prétendirent, il est vrai, qu’une discussion très-vive avec l’intendant des théâtres, partisan très-déclaré de M11 B Duchesnois, avait motivé ce départ précipité. M1’» Georges joua successivement aux théâtres impériaux de Moscou et de Saint-Pétersbourg ; inimitable dans le rôle de Sémiramis, qui convenait merveilleusement à sa prestance royale et. À ses moyens, elle se surpassa encore dans Mérope. Cependant, la guerre ayant éclaté entre la France et la Russie, l’actrice insista pour revenir dans sa patrie. Alexandre n’y voulut consentir à aucun prix. « Madame, lui dit-il galamment, je soutiendrais la guerre contre Napoléon pour vous garder.— Mais, sire, ma place n’est plus ici, disait Mlle Georges ; elle est en France.-Laissez prendre les devants à mon armée, disait le czar, et je vous y conduirai moi-même.

— En ce cas, sire, j’aime mieux attendre que les Français soient à Moscou, j’attendrai moins longtemps, • répondit Mlle Georges avec fierté. Elle donna ensuite à Dresde et à Erfurt, devant Napoléon et Alexandre, des représentations fort suivies. Elle était alors dans tout l’éclat de sa souveraine beauté. La protection et le tendre intérêt de Napoléon la firent rentrer au Théâtre-Français ; elle y reparut le 20 septembre 1813, et ses six années d’absence lui furent, par ordre de l’empereur, comptées comme service, ce qui ne laissait pas que d’être fort arbitraire. Les bons avis de Talma, qu’elle sut écouter, profitèrent à son talent, et elle reprit son répertoire avec un succès sans pareil. Une nouvelle disparition, en 1816, après un congé de deux mois, motiva son exclusion de la liste des sociétaires de la Comédie-Française, à compter du 8 mai 1817. Après un voyage à Londres et une excursion dans les départements avec une troupe nomade dont elle était la directrice, elle entra à l’Odéon en 1821, joua les grands rôles de reines de la tragédie classique, et créa les principaux caractères dans les pièces de Jeanne Darc, la Maréchale d’Ancre, Catherine de Médicis, Christine à Fontainebleau, Agrippine, dans Une fêle de Néron. Ce fut pendant son séjour à ce théâtre qu’elle assigna la Comédie-Française en restitution de 12,000 fr. de retenues (1821). En 1828, elle composa une troupe volante avec Harel, qui prit bientôt la direction de l’Odéon, où elle opéra sa rentrée le 2 septembre 1829. Puis, Harel ayant quitté ce théâtre pour se mettre à la tète de la Porte-Saint-Martin, le 3 décembre 1331, Mlle Georges te suivit, et dès lors s’ouvrit pour elle une nouvelle carrière. Pendant neuf ans, elle se montra la principale interprète du drame moderne, et se fit applaudir tour à tour dans Lucrèce Borgia, Marie Tudor, la Tour de Nezle, Périnet Leclerc, la Chambre ardente, 4e Manoir de Montlouvier, etc. De loin en loin, on la vit reparaître dans le répertoire classique, et, en dépit d’une obésité croissante, s’y montrer superbe encore. Après la faillite d’Harel (26 mars 1840), elle visita le midi de la Russie et joua de temps à autre à la Gaîté et à l’Odéon, ou même en province. En 1847, elle essaya de fonder une classe à Paris et donna, le 27 mai 1849, à la salle des Italiens, sa représentation de retraite. Cependant elle reparut encore à la scène, notamment en juillet 1855 ; mais, à la fin, Ml|c Georges n’était plus, comme artiste, qu’un écho étrangement affaibli de ses années de triomphe. Un embonpoint excessif lui rendait, d’ailleurs, impossibles ces grands effets que l’on avait autrefois admirés chez elle ; en 1846, elle rappelait par sa corpulence, à un critique, la Melpomène colossale des salles basses du Louvre ; mais dix ans plus tard 1... on osait la comparera M’ie Flore, l’opulente Attaledes Saltimbanques.

o Jamais carrière dramatique ne fut mieux remplie que celle de M"" Georges, disait, en 1849, M. Théophile Gautier : douée d’une beauté qui semble appartenir à une race disparue et avoir transporté la durée du marbre dans une chose ordinairement si fragile et si fugitive, que sa comparaison naturelle est une fleur, M’o Georges a rendu des services égaux aux deux écoTes ; personne n’a mieux joué le drame ; les classiques et les romantiques la réclament exclusivement. « Quelle Clytemnestre I » s’écrient les uns. — « Quelle Lucrèce Borgia 1 » s’écrient les autres. Racine et Hugo 1 avouent pour prêtresse et lui confient leurs plus grands rôles. Par la pureté sculpturale de ses lignes, par cette majesté naturelle qui l’a sacrée reine du théâtre à l’âge des ingénues, par cet imposant aspect dont la Melpomène de Velletri donne l’idée, elle était la réalisation la plus complète du rêve de la muse tragique, comme par sa voix sonore et profonde, son air impérieux, son geste naturel et fier, son regard plein de noires menaces ou de séductions enivrantes, par quelque chose de violent et de hardi, de l’ami lièrement hautain et de simplement terrible, elle eût paru à Shakspeare l’héroïne forméo exprès pour ses vastes drames. De longtemps on ne verra une pareille Agrippine, une semblable Clytemnestre ; ni Lucrèce Borgia ni Marie Tudor ne trouveront une interprète de cette force : le souvenir de Ml|e Georges se mêlera toujours à ces deux formidables rôles, où elle a vraiment collaboré avec le poète, et ceux qui n’auront pas vu les deux pièces jouées par la "grande actrice n’en comprendront pas aussi bien l’effet irrésistible, immense. » À cette citation, il est curieux d’en