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de la diète ; mais celle-ci, dominée par les ordres de la noblesse et du clergé, s’était toujours montrée résolue à maintenir le stotu quo. Enfin, le roi Charles XV, tenant absolument à sn finir, chargea son ministre de la justice de présenter un projet de réforme et de le soutenir devant les états. Le baron de Geer fit un véritable chef-d’œuvre ; son exposé de motifs prévoyait tout, répondait à tout. Aussi, malgré l’opposition acharnée d’aristocrates et de prêtres arriérés dont le

nouvel ordre de choses ruinait à jamais les privilèges, le projet sortit-il triomphant de l’urne parlementaire ; de façon qu’aujourd’hui la Suède n’a plus rien à envier, sous le rapport de sa constitution, aux autres pays constitutionnels.

Ce grand acte politique du baron de Geor ne doit point faire oublier les autres titres qui, avant sa promotion au ministère, l’avaient déjà signalé à l’attention publique. En même temps qu’homme d’État de premier ordre, le baron de Geer est aussi un écrivain distingué. Il n’avait pas encore quitté les bancs de l’université, que déjà il semait dans les journaux une foule de feuilletons remarquables par la finesse des aperçus, la spirituelle humeur de la critique et l’indépendance des idées. Plus tard, il publia des romans que les délicats de la littérature prisèrent singulièrement. Son dernier ouvrage avant d’entrer au pouvoir fut un Traité dit style juridique, regardé en Suède comme classique. Aussi, le baron de Geer est à la fois, par ses écrits et par ses accès, un des personnages les plus considérables de la Suède contemporaine.

GEERAERDSBERGEK, nom flamand de

Gbammont.

GÉÉrie s. f. Cé-é-rl — de de Geer, savant allem.). Bot. Syn. d’uuRYE.

GKES, nom donné autrefois à l’Abyssinie.

GEESTRAC1IT, village du territoire do Hambourg. V. Burgedorl’.

GEFFRARD (Fadre), président de la république d’Haïti, né à l’Anse-à-Veau, l’une des communes de cette lie, en 1806. Son père était ce général Nicolas Geffrard, qui fut, avec Pétion, le promoteur de la constitution de 180G. Orphelin en bas âge, Geffrard fut adopté par le colonel Fabre, dont il ajouta le nom au sien, et s’engagea dès l’âge de quinze ans dans le régiment de son père adoptif. Ce n’est qu’au bout de vingt-deux ans, à la veille même de la chute de Boyer, qu’il parvint au grade de capitaine. Il prit parti, avec toute la nouvelle génération mulâtre, pour la révolution de 1843. Le capitaine Gefi’rard rallia à la cause de l’indépendance un régiment au front duquel il s’était présenté, suivi seulement de deux guides, et réussit bientôt à entraîner le chef du mouvement lui-même, Herard-Rivière, qui un moment hésitait. Promu

par le Comité populaire au commandement de l’avant-garde insurrectionnelle, avec le grade de colonel, l’habileté de ses manœuvres trompa les généraux de Boyer sur la force réelle de sa petite troupe, et lui donna mieux encore le change sur les ressources de l’insurrection. Bien que dépourvu lui-même de

vivres, il en faisait passer une certaine quantité à l’armée gouvernementale, qui mourait de faim ; par Ce trait ’d’humanité et d’esprit, il n’eut pas de peine à détacher de Boyer la tourbe des indécis, généralement prédisposés à admettre que le véritable gouverneimint est le gouvernement où l’on dîne. Quand la révolution haïtienne eut abouti, en attendant Soulouque, à l’insurrection communiste d’Acaau, Geffrard fut des plus empressés à éteindre le feu qu’il avait, dans de très-bonnes intentions, contribué à allumer, et qui tournait décidément à l’incendie. Il battit Acaau et ses piquets, et, en même temps qu’il sauvait la bourgeoisie haïtienne, il se désigna a la reconnaissance des piquets eux-mêmes en arrachant à la mort deux d’entre eux, qui avaient été faits prisonniers, et que la garde nationale voulait, au premier moment, massacrer sans merci. Geffrard, déjà général de brigade, fut nommé général de division par le président Guerrier. Riche, successeur de Guerrier, avait été pris par Geffrard dans la guerre civile de 1S43. Il lui gardait rancune et saisit, ou plutôt provoqua l’occasion d’une dénonciation en l’air pour déférer Geffrard à un conseil de guerre, sous prétexte de conspiration. Geffrard fut acquitté. Ce conseil de guerre était présidé par le général Soulouque, et lorsque celui-ci devint empereur, sous le nom de Faustin l", non-seulement il protégea Geffrard, mais encore il en fit un duc, duc de la Table, titre qui, par parenthèse, l’agaçait un peu. Geffrard, que la bourgeoisie vaincue regardait comme la tradition vivante des idées de fusion et de liberté, était celui vers lequel semblaient de préférence converger les sympathies de la classe inférieure, à mesure qu elles s’éloignaient du terrible empereur. Bans l’expédition de 1849, où il futblessé à la tète de sa division, Geffrard, déjà aimé pour son humanité, son entrain et sa bravoure, avait achevé de se rendre populaire par sa constante préoccupation des besoins du soldat. La campagne, ou plutôt la débâcle de 1855-1856 ne lit qu’augmenter sa popularité. Alors qu’officiers et soldats n’avaient plus entre eux d’autre lien qu’une commune préméditation de désertion ou de révolte, la voix de Geffrard, soit qu’elle ordonnât, soit

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qu’elle encourageât, eut le privilège d’être écoutée. Laissé, lors de la retraite définitive des Haïtiens, à l’arrière-garde, avec mission de ramener l’artillerie à travers un territoire à peine praticable pour les piétons, et où la route était jalonnée par les fusils, les gibernes, les sacs de cartouches et même de biscuits que l’infanterie, irritée ou épuisée, semait au passage pour alléger sa marche, Geffrard put arriver au quartier gênéx’al de Banica, distant de 30 lieues, sans avoir perdu un canon ni un caisson.

Aux approches de 1839, une sourde agitation commença de régner dans l’armée haïtienne, peu disposée à aller de nouveau, selon les fantaisies belliqueuses de Soulouque, guerroyer contre la république dominicaine. Des comités d’insurrection avaient été créés sur divers points de l’île, attendant pour agir 1 aide du général Geffrard. Grâce au dévouement de ÎI. Jeanbart, créole de la Guadeloupe, Geffrard parvint à sortir de Port-au-Prince et à se rendre aux Gonaïves. Là, secondé par le capitaine Legros, qui battit lui-même la générale, il se mit à la tête de 73 jeunes gens, presque tous mulâtres, puis il s’empara de l’importante place de Saintr Marc, y proclama la déchéance de l’empereur Faustin et rallia les régiments qui composaient la garnison. Soulouque, après avoir fait jeter en prison les familles des insurgés et des fugitifs, à commencer par Mme Geffrard et ses filles, se mit en marche contre les rebelles, le 26 décembre 1S5S, à la tête de 3 ou 4,000 hommes. Les deux armées se trouvèrent en présence le 5 janvier, à la Gorge-Marie, à deux ou trois lieues de Saint-Marc. Mais de fausses nouvelles, répandues à dessein, décidèrent Soulouque à revenir sur ses pas. Cependant, vers trois heures du matin, Geffrard, à la tête de l’armée insurrectionnelle, pénétrait dans la capitale, et ne rencontrait sur son passage que des acclamations sympathiques. L’empire odieux et grotesque de Soulouque s’était évanoui en quelques heures. Geffrard fit protéger la personne du monarque déchu, se bornant à exiger son abdication. À la nouvelle des événements de Portau-Prince, dans les campagnes comme dans

les villes, ce ne fut qu’un cri en faveur de Geffrard. Ses anciens adversaires se montraient plus enthousiastes encore que ses partisans. Le nouveau président croyait-il à la sincérité des nouveaux convertis ? La vérité, c’est qu’il ne les craignait pas. Il sentait sa popularité assez forte pour contre-balancer au besoin dans les masses l’influence d’ailleurs usée des anciens meneurs du parti impérialiste. En admettant ceux-ci au partage

de l’action officielle, il ne voulait en réalité que les enchaîner. Cette clémence dédaigneuse n’était pourtant pas sans danger. Les anciens chefs de file, piquets etjiirgïins, que Geffrard avait mis ou laissés en place se seraient très-probablement contentés, au lendemain de la révolution, du modeste rôle de graciés ; mais, en se voyant traités en favoris, les uns se jugèrent craints, c’est-à-dire en bonne passe pour tout exiger, et les autres voulurent tout simplement avoir le bénéfice de leur position, c’est-à-dire le droit de piller le Trésor comme au beau temps. Ces prétentions et ces espérances trouvèrent un prompt et complet mécompte dans le ferme parti pris de Geffrard de régulariser les finances par la réduction des cadres de l’armée et par la répression des détournements de toute sorte. Inde iras. L’irritation fut surtout vive parmi les membres de l’état-major. Seize aides de camp formèrent le noyau d’une conspiration à laquelle se rallièrent de droite et de gauche les nombreuses ambitions déçues. Cette conspiration empruntait une gravité exceptionnelle à la complicité d’un des propres ministres de Geffrard, le général Guerrier-Prophète. Des avertissements réitérés,

auxquels il avait d’abord refusé de croire, mais qui furent bientôt appuyés de preuves formelles, avaient mis depuis deux mois le président sur la piste des faits et gestes de son étrange ministre de l’intérieur, quand enfin, le 3 septembre 1859, il se décida, non à punir celui-ci, mais à le soustraire à la rigueur de la loi en l’autorisant, de concert avec le conseil des ministres, à s’embarquer immédiatement. Trois ou quatre heures après, les complices de Guerrier-Prophète, rassemblés dans un lieu écarté, se dirigeaient en groupes armés vers les abords du palais présidentiel. Fort affairé et fort entouré ce jourlà, Geffrard ne sortit pas comme il en avait l’habitude. Il s’agissait donc de l’attirer au dehors. Près de là demeurait une des filles du président, récemment mariée, Mme Manncville-Blanfort, qui, dans ce moment, était

occupée à lire dans une des pièces du rez-dechaussée, et dont la tète, éclairée en plein, se dessinait dans l’embrasure d’une fenêtre.-Le moyen de faire accourir Geffrard était trouvé. L’un des conjurés décharge son tromblon sur Mmc Blanfort et lui fracasse la tête. L’appeau qui devait attirer le père sous le plomb des assassins, c’était, en un mot, le cadavre de la fille. Retenu par ses amis, qui accouraient en foule au palais et lui barraient littéralement le passage, Geffrard ne put arriver à temps au rendez-vous des assassins, et ceux-ci, effrayés eux-mêmes des clameurs d’épouvante et de colère qui s’élevaient de toutes les parties de la ville, se dispersèrent sans bruit dans différentes directions. Cette fois, Geffrard lui-même eût

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été impuissant à sauver les coupables. Le pays se leva en masse pour demander justice. Les conjurés furent arrêtés, et ils comparaissaient le 29 septembre 1859 devant une

cour martiale, qui condamna vingt accusés sur trente-cinq à la peine de mort, et trois à la réclusion temporaire. Seize des condamnés à mort furent fusillés le jour même ; un autre fut gracié ; les trois derniers, et de ce nombre Guerrier-Prophète, étaient contumax. Au mois de mai 1861, l’Espagne s’étant annexé la république dominicaine, le général Geffrard se contentait de protester vivement par un manifeste adressé à toutes les puissances. L’Espagne exigea de plus, du gouvernement haïtien, une indemnité pour des

déprédations qui auraient été commises sur le territoire dominicain, par des individus venus d’Haïti. Le général Geffrard accepta de payer cette indemnité, qui fut fixée par une commission mixte. Cette docilité du président de la république noire à acquiescer eux exigences de l’Espagne, la grande négrière, attrista les sincères patriotes. Us ressentaient d’autant plus amèrement l’affront que subissait leur patrie, qu’ils étaient convaincus, et avec raison, qu’elle eût pu, et sans grand effort, faire tête à l’orage et punir peut-être l’Espagne de ses arrogances. Au mois d’août 1SG1, avant de faire dans le Sud un voyage qu’il croyait nécessaire pour le maintien de la tranquillité publique, le président Geffrard changeait les secrétaires d’État, et formait une sorte de cabinet provisoire où entrait, comme ministre de l’intérieur, le général Aimé Legros. Le voyage de Geffrard terminé, les Chambres s’ouvrirent, et, à ne se fier qu’au discours d’inauguration du président, on n’aurait pu voir un État plus heureux, plus prospère que la république d’Haïti. Pourtant, à regarder de plus près, il y aurait eu plus d’une ombre au tableau ; la réalité n’était pas tout à fait telle que la dépeignait le président, l’opinion n’était pas aussi absolument satisfaite qu’il le disait. Le gouvernement avait des ennemis toujours en éveil, et la preuve, c’est que, dans un court espace de temps, au mois de novembre 18G1 et au mois de mai 1S62, deux complots assez graves avaient éclaté : le premier, celui des Gonaïves, parut assez sérieux pour qu’on sévît vigoureusement. Le général Léon Legros, père du ministre de 1 intérieur, fut arrêté ; son fils, ancien ministre de la police, reçut des passe-ports, avec ordre de quitter la république. Ces divers personnages étaient

soupçonnés de n’être pas étrangers à la conspiration. Le second complot, plus sérieux

encore que le premier, éclata le l»p mai IS62, dans la plaine des Cayes. Cette fois, c’était comme une tentative d’insurrection où se trouvaient mêlés le général Salomon aîné, le général Apollon, le général Cajeau et d’autres. Elle avait été précédée, peut-être préparée, par une brochure que le général Salomon jeune, ex-ministre de Soulouque, et maintenant exilé, publiait sous ce titre : Une défense. Le mouvement fut bien vite réprimé. Il en résulta un procès enveloppant un grand nombre d’accusés, et à la suite duquel le général Salomon aîné fut exécuté avec treize de ses compagnons. Tandis qu’une partie de l’Ile, réincorporée à l’Espagne, était le théâtre d’une insurrection sanglante, le pouvoir du général Geffrard se maintenait, non toutefois sans avoir à réprimer des révoltes tantôt sur un point, tantôt sur un autre, et sans avoir à vaincre bien des obstacles accumulés par une longue habitude de désordre, des abus administratifs, de l’arbitraire et de l’anarchie. Le 23 avril 1863, à l’ouverture des Chambres, le président Geffrard parlait d’un ton d’autorité assez menaçant pour l’opposition, dont son gouvernement redoutait les attaques. Il faisait de significatives allusions à la dictature qu’il avait refusée à la chute de Soulouque, en laissant entendre qu’il saurait la prendre, si ou l’y forçait. Du reste, le président Geffrard parlait des réformes à réaliser dans un sens assez libéral, et il soulevait notamment la question du droit de propriété, que la loi réservait aux seuls descendants de la race africaine." Cette question, dont la solution appartient à l’avenir, disait-il, mais à un avenir qui peut être prochain, mérite dès à présent une sérieuse attention de la part des rc résentants du pays : nous devons noug préparer à la résoudre. »

Le 3 juin, Geffrard dissolvait la Chambre, deux mois après le commencement de ses travaux. Pendant cette session même, une nouvelle insurrection avait éclaté. Cette fois, elle avait pris naissance dans le département d’Artibonite, et le chef du mouvement était le général Aimé Legros. Le i mai, il avait donné lo signal de la levée de boucliers en s’emparant de la citadelle de Dessalines. Il avait paru un instant réussir ; mais son succès fut de courte durée. Le mouvement fut rapidement comprimé. Les principaux auteurs et complices de l’insurrection furent pris, mis en jugement, et, le 10 juin, le général Aimé Legros, qui avait été le principal auxiliaire de Geffrard dans son triomphe contre Soulouque, fut passé par les armes, ainsi que son frère et six de ses compagnons.

Ces exécutions impitoyables ne mirent point fin au malaise et amx agitations. L’année 1864, comme les précédentes, fut signalée par des insurrections nouvelles qui, encore une fois, firent réprimées. Dans la nuit du

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24 au 25 avril, une tentative de révolution eut lieu à Port-au-Prince même. Lamy-Duval, le chef du complot, et ses complices furent arrêtés, mis en jugement, condamnés, quelques-uns à mort. Pour ceux-ci, le général Geffrard consentit à commuer la peine capitale en celle de quelques années de détention. Le 16 juin, une révolte éclatait dans les provinces du nord. Elle avait pour chefs le général Ogé Longuepasse et le général Adoubi ; mais quelques soldats en eurent promptement raison, du moins en apparence. Diverses causes contribuaient à entretenir les désordres. Les dernières récoltes avaient manqué ; la population en souffrait et s’en prenait au président, dont la popularité avait diminué. Une autre raison favorisait dans les provinces du nord le fréquent retour des insurrections. La ville du Cap ne pouvait voir sans jalousie sa rivale, Port-au-Prince, jouir du titre et des avantages de ville capitale. Elle n’oubliait pas que, sous Christophe le département dont elle est le chef-lieu formait un État souverain, et elle était disposée à acecueillir comme un libérateur quiconque, en la déclarant séparée du reste de la république, lui rendrait l’indépendance. C’est ce que tenta le chef d’escadron Salnave. Coinpromis dans la révolte du général Longuepasse, et mis hors la loi par un décret du président, il avait réussi à s’enfuir sur le territoire dominicain. Il y recruta quelques soldats et, lo 7 mai 1865, repassant à leur tète la frontière haïtienne, il marcha droit sur la Cap, s’en empara sans coup férir et y installa un gouvernement provisoire dont le premier soin fut de prononcer l’abolition de la peine de mort, la déchéance du président Geffrard et l’indépendance absolue de l’arrondissement du Cap, Heureusement pour

lui, le président Geffrard s’attachait depuis longtemps à organiser l’armée. Il avait formé une garde et un corps de tirailleurs assez bien équipés et instruits pur des Européens. Les premiers assauts contre le Cap furent répoussés. Dans l’espoir que sa présence hâterait les opérations, M. Geffrard résolut de se mettre à la tête de l’armée et quitta Port-au-Prince le 25 août 1865 ; mais, comme cette ville était presque entièrement dégarnie de troupes, et que, malgré le soin qu’il avait pris d’emmener à sa suite les personnages les plus importants, il n’osait trop s’éloigner par crainte de quelque mouvement insurrectionnel dans la capitale même, il restait aux Gonaïves dans une inaction que ses ennemis représentaient volontiers sous des couleurs fâcheuses. Dans les premiers jours d’octobre, le président Geffrard se décida enfin à se rendre de sa personne devant le Cap ; la lutte néanmoins aurait encore pu durer longtemps si des événements imprévus n’étaient venus en aider le dénoûment. A la suite d’un conflit entre le chargé d’all’aires d’Angleterre et les membres du comité révolutionnaire du Cap, la frégate anglaise Oalatée et l’aviso Lilly vinrent s’embosser dans le port intérieur et commencèrent, le 3 novembre, lo feu contre la ville. M. Geffrard, prévenu de l’attaque, fit occuper les forts par ses troupes à mesure qu’ils étaient abandonnés par les insurgés, écrasés sous les boulets anglais. Salnave et les siens, hors d’état de résister, se réfugièrent à bord du navire américain Da Soto. Avant de partir, ils avaient eu le temps d’ordonner qu’on mît le feu à la ville. Quand les troupes présidentielles l’occupèrent, dans la matinée du 16 novembre, la moitié du Cap se trouvait déjà en cendres. L’insurrection était terminée. M. Geffrard ne pouvait nier qu’il dut ce succès aux Anglais, bien que cette coopération eût été tout à fait fortuite. Aussi sa rentrée au Portau-Prince fut-elle accueillie sans grand enthousiasme. Pour une partie du peuple, il

était devenu l’allié de l’étranger.

Le 5 juillet 18G6, la rébellion éclatait une première fois aux Gonaïves, à l’instigation du parti à la tête duquel s’était mis Salnao, qui avait fomenté 1 insurrection du nord. Le 11 juillet, la ville était reprise par le général Philippeaux, et voici ce que, le lendemain, disait des troubles une proclamation du président Geffrard : • Dans ce succès, obtenu en moins de six jours, ce qu’il y a de plus heureux et ce qui me fait éprouver le plus de satisfaction, c’est que pas une goutte de sang n’a été versée pour l’obtenir. » Quelques jours plus tard, à peine, avant que les cendres laissées par le feu, qui avait joué sou rôle dans les troubles précédents, eussent eu le temps de se refroidir, on recevait dans la capitale l’avis sinistre qu’une nouvelle agitation s’était produite aux Gonaïves, aux cris de : « Vive Salnave ! » et qu’un incendie allumé par la politique venait encore d’y détruire trente-cinq des plus belles maisons. Quant aux griefs des révolutionnaires, ils reprochaient au gouvernement du 22 décembre de n’avoir pas rempli ses engagements, d’être un pouvoir absolu. Les partisans de Geffrard, même ses organes officieux, tels que le Sien public, tout en prenant chaleureusement sa défeuse, avouaient qu’il avait peut-être méconnu certaines libertés, certains droits. Pour apaiser les esprits et leur donner satisfaction, Geffrard abolit, en 1866, la peine de mort en matière politique, et réforma plusieurs lois ayant trait à la constitution. Au commencement de l’année suivante, le parti des mécontents, qui s’était considérablement accru, s’insurgea de nou-