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Au reste, il craint fort peu les reproches qui lui pourraient être faits ; il Croit qu’il en sera quitte pour diro qu’on lui a envoyé de faux mémoires. » Cinquante ans après, en l’année 1737, Voltaire écrivait d’Amsterdam à son ami Thiériot : » Il se fait ici, parmi quelques malheureux réfugiés, un commerce de scandale et de mensonges à la main, qu’ils débitent chaque semaine dans tout le Nord pour de l’argent. On paye 200, 300, 400 florins par an à des nouvellistes obscurs de Paris qui griffonnent toutes les infamies imaginables, qui forgent des histoires auxquelles les regrattiers do Hollande ajoutent encore, et tout cela s’en va réjouir les cours de l’Allemagne et de la Russie ; ces messieurs sont une engeance à étouffer. »

S’il faut en croire La Fare et Saint-Simon, ces gazetiers si décriés auraient été cause de cette guerre de 1672, qui amena l’invasion des Provinces-Unies. " On recommença la guerre, qui n’avait d’autre but que l’abaissement do la Hollande, dont le gazetier avait été trop insolent. » Cette assertion ne doit pas faire article de foi dans l’histoire. M. Eug. îfatin, qui a compulsé toutes ces gazettes welehes, a établi la véritable cause de la guerre de 1672 ; elle n’était pas dans l’amourpropre blessé de Louis XIV, mais dans la condition des tarifs, dans la situation du commerce français, tenu en échec par la prospérité toujours croissante de la Compagne des Indes orientales de Hollande, enfin ans les droits protecteurs qui frappaient d’interdit les productions françaises. Sans doute l’orgueil de Louis XIV eut souvent à souffrir des mortifications que lui infligeaient les libelles anonymes de la presse hollandaise. En 1713, une gazette annonçait des paris ouverts à Londres sur la mort du roi de France, qui devait avoir lieu dans l’année, suivant les plus gros tenants. Déjà, en 1603, le roi écrivait à son ambassadeur k La Haye : « Enquérez-vous sous main, sans qu’il y paroisse encore, qui est un certain Italien, Génois de nation, qui demeure k Amsterdam, qui se mêle d envoyer des gazettes à Venise, écrites k la main et fabriquées avec beaucoup d’impudence, de l’état de mes affaires et de mes desseins ; et si vous en découvrez quelque chose, vous m’en donnerez avis avant que de rien faire pour réprimer l’insolence de ce galant homme. » D’autres princes ou ambassadeurs su plaignirent également de ces gazetiers qui compromettaient l’hospitalité des Provinces-Unies ; les états généraux reçurent des requêtes du prince d’Orange, du prince Kourukin, l’ambassadeur extraordinaire de Russie, du gouvernement archiépiscopal de Munster, de l’envoyé de l’empereur, et dénoncèrent des articles offensants contre la maison d’Autriche, le roi de Saxe, l’ambassadeur espagnol, le gouvernement de Pologne, le roi d’Angleterre. Aucune puissance européenne n’oublia de porter plainte. Tant de réclamations eurent pour résultat des lois restrictives, des ordonnances qui interdirent enfin aux réfugiés d’imprimer des journaux français (1694). Mais, eu dépit-de ces mesures préventives, il y eut des cas où l’habileté du gazetier échappa à la justice des états. Un jour, le gazetier avait rendu compte du mouvement militaire par lequel le prince de Vau•demont se déroba au maréchal de Villeroi, qui le serrait de près, lui et son corps d’armée. Le maréchal, dont les dispositions paraissaient habilement prises, annonça au roi par un courrier la reddition plus que probable du prince de Vaudemont ; il comptait sans le duc du Maine. La gauche de l’armée française, sous les ordres de celui-ci, devait commencer l’attaque comme étant la plus proche de l’ennemi ; niais l’indécision et la lenteur du duc firent si bien que Vaudemont s’échappa. Villeroi se borna à mander au roi que la retraite précipitée de l’ennemi avait seule déroulé ses espérances. Le roi, désagréablement affecté par ce résultat négatif, attendit des nouvelles plus détaillées. Suivant son habitude, il se lit lire toutes les gazettes de Hollande. La feuille qui parut la première annonçait une grande participation du duc du Maine dans l’affaire. Les louanges n’étaient pas épargnées au duc ; les blessures du jeune prince avaient seules arrêté le succès et sauvé M. de Vaudemont. Au courrier suivant, la gazette se rétractait ; elle s’était trompée sur le courage du duc du Maine, qui, loin d’être blessé, n avait pas fait un seul mouvement, lui et son corps d’armée. Tout cela inquiéta le roi jusqu’à ce qu’il connût la vérité, et quand il la connut, dit Saint-Simon, son dépit en fut inconcevable. Vauban avait trouvé le seul remède à opposer à cette guerre de journaux ; il voulait qu’on se défendît, à armes égales, qu’on repoussât par la plume les attaques de la plume. «■ Les ennemis de la France, dit-il dans ses Oisivetés, ont publié et publient tous les jours une infinité de libelles diffamatoires contre elle et contre la sacrée personne du roi et ses ministres. La France foisonne en bonnes plumes. Il n’y a qu’à en choisir une certaine quantité et à les employer. « Le Noble et Saudraz de Courtilz, l’écrivain des Mémoires de d’Artagnau, mirent en œuvre la tactique littéraire de Vauban. Tout l’intérêt de ces Gazettes de Hollande, dont il a été l’ait si yrand bruit, toute leur importance est dans leur rôle vis-à-vis de Louis XIV ; mais quant à leur faire honneur de la détermination réelle qui entraîna le grand roi dans une des plus longues guerres de son règne, c’est

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beaucoup trop s’aventurer. M, Etig. Hatin a démontré que c’était là une grave erreur de nos historiens.

Nous donnerons maintenant les titres des principales de ces gazettes fameuses :

Gazette d’Amsterdam (1663) ; elle paraissait une, puis deux fois par semaine, et s’est continuée jusqu’en 1677.

Gazette ordinaire d’Amsterdam (1667).

Gazette de Leyde (1680-1814).

Nouvelles extraordinaires de divers endroits (lGSO-1798) ; cette gazette se publiait k Leyde, C’est une des plus célèbres et des plus sérieuses.

Journal politique (1804-1811) ; Leyde.

Nouvelles solides et choisies (1G83-16S5), publiées probablement à Amsterdam.

Lettres sur les matières du temps (168S-1695) ; Amsterdam.

Nouveau journal universel (16SS-1792) ; Amsterdam.

Gazette de Rotterdam (1GS9) ; paraissait encore en 1716.

Gazette de La Haye (1600).

Gazette d’Ulrer.kt (1710-1787), etc.

Outre les détails contenus dans son Histoire de la presse et dans sa Bibliographie, M. Eug. Matin a publié une étude spéciale, les Gazettes de Hollande (iser>, l vol. in-Su), où l’on trouvera tous les renseignements désirables sur ce curieux sujet.

Gazelle de PensyKanic (la), journal américain auiluel le nom de Franklin, son fondateur et longtemps son éditeur, a donné un intérêt exceptionnel. Le premier numéro parut le 85 septembre 1729. Franklin résolut de donner k sa nouvelle feuille tout l’attrait possible. Il se servit de papier bien collé, bien blanc, fit choix de son plus beau caractère

— on sait qu’il était imprimeur — et soigna extrêmement l’impression ; il ne voulut pas seulement être lisible, ce qui était rare alors, mais encore être agréable k l’œil. Franklin n’ignorait pas quel puissant moyen d’influence et d’action, quel admirable instrument est un journal entre des mains fermes, prudentes et honnêtes. Aussi n’hésita-t-il pas k prendre parti dans les querelles politiques qui divisaient alors la Pensylvanie. Nous nous contenterons de rappeler succinctement la lutte entre le gouverneur Burnett et l’Assemblée, lutte dans laquelle Franklin prit parti pour l’Assemblée et émit une déclaration de principes fort libérale, qui lui donna pour abonnés tous les membres de l’Assemblée. Au reste, la Gazette de Pensylvanie en eut bientôt un si grand nombre que L’Amm’cait Mercury, son concurrent, en prit ombrage et essaya d’interrompre son succès par les moyens les moins avouables. Mais ces mauvais procédés tournèrent contre leur auteur et k l’avantage de la Gazette, dont le succès grandit encore. Franklin avait, d’ailleurs, l’esprit à la fois inventif et pratique. Aussi son journal fut-il entre ses mains un puissant instrument de progrès, une tribune toujours au service de toute amélioration et de toute pensée utile. 11 ne se bornait pas, en effet, à traiter les questions politiques, quoiqu’il fut l’âme du parti populaire ; iLétudiait avec soin les intérêts locaux. Dès que son attention était appelée sur un mal, il cherchait aussitôt le remède, faisant aussi bon accueil aux suggestions d’autrui qu’à ses inspirations propres et allant droit k l’application. C’est dans ce journal qu’il émit plusieurs de ses idées les plus utiles ; qu’il fît comprendre, par exemple, k ses concitoyens la nécessité de tenir prêts les moyens d’éteindre les incendies, très-fréquents dans une ville nouvelle, remplie de constructions en bois. Il en résulta la formation de compagnies de pompiers, munies de pompes déposées en lieu sûr et toujours prêtes à fonctionner, institution que l’Angleterre a empruntée k l’Amérique et la France k l’Angleterre. La sécurité des personnes et des propriétés n’avait d’autre garantie k Philadelphie que la surveillance imparfaite de la milice urbaine ; on dut au journal de Franklin l’institution d’une garde de nuit permanente et les moyens de subvenir k cette dépense. Ce fut encore la Gazette qui appela 1 attention des autorités provinciales et du gouvernement anglais sur la nécessité de mettre en état de défense les côtes et les frontières de la Pensylvanie. Enfin c’est au journal de Franklin qu’on est redevable du premier hôpital fondé en Amérique.

Franklin savait, en outre, accompagner ses nouvelles locales ou extérieures, ses propositions utiles, d’essais de morale tirés du spectateur ou même de son propre fonds ; dans ces petits essais, Franklin emprunte la manière, le ton et jusqu’à la mise en scène de l’écrivain anglais. On trouve parmi ces articles deux portraits k la façon de La Bruyère et finement esquissés ; mais le cadre que Franklin affectionne est celui d’une lettre, et il prend à ravir le ton du badinage et celui d’une malicieuse bonhomie. Il s’est adressé k lui-même, sur des points de morale pratique et sur l’économie domestique, une i’oule de lettres humoristiques dont la plus grande partie a été réunie dans ses œuvres complètes et traduite dans toutes les langues de l’Europe. L’âge et l’expérience avaient corrigé chez Franklin ce penchant à ia satire et a la malignité qu’il s’accuse d’avoir trop écouté dans Sa jeunesse ; aussi la Gazette ne lui attirât-elle aucun des désagréments que le Courrier avait valus à son frère et à lui. Il publia

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même dans son journal, en 1757, sur la liberté de la presse et de la parole, un article dont les doctrines étonneraient bien ses successeurs de la presse américaine ; il admet, dans cet article, comme corollaire de la liberté de la presse, la liberté du bâton contre les journalistes. Lorsque Franklin se vit, par les fonctions publiques qui lui furent confiées, obligé de négliger la Gazette, il prit pour associé un Écossais du nom de David Hall. Cette association, qui commença en 1748, dura dix-huit ans, au bout desquels la Gazette tomba tout à fait aux mains de David Hall, qui demeura seul maître de l’imprimerie de Franklin et du journal qui en était une dépendance. Mais, même après cette séparation, Franklin ne rompit pas complètement avec la Gazette de Pensylvanie ; il y publia de loin en loin quelques lettres et quelques articles, lorsqu’il voulut donner son avis, ou lorsqu’il eut besoin d’intervenir dans les affaires intérieures de la province. David Hall continua de diriger le journal avec prudence et habileté.

Gazette littéraire de l’Europe, journal dirigé pendant deux ans (1764-1766) par l’abbé Arnaud et Suard. Il compta parmi ses rédacteurs Voltaire et Diderot. Ce n’était, k vrai dire, qu’un dédoublement de la Gazette de France, rédigée alors par les mêmes écrivains, dans le but de tenir les gens de lettres et les savants au courant des nouvelles littéraires des autres nations. Quelques années auparavant, Suard et son inséparable ami, l’abbé Arnaud, avaient fondé le Journal étranger, dont l’existence éphémère suffit pour donner à leurs auteurs une réputation d écrivains et de gens de goût ; forcés d’interrompre leur publication, faute d’argent, ils implorèrent 1 appui du ministère. En 1763, le ministre des affaires étrangères, M, de Praslio, décida que le Journal officiel serait divisé en deux feuilles périodiques, dont l’une, la Gazette littéraire, serait consacrée k la littérature, tandis que l’autre, la Gazette de France, s’occuperait exclusivement de politique. Le prix était de 24 livres par an ; le premier numéro parut en mars 1704,

La Gazette littéraire obtint parmi les savants et les gens de goût un grand et rapide succès. Arnaud et Suard, qui fréquentaient les encyclopédistes et comptaient d’illustres personnages parmi leurs amis, les mirent k contribution et obtinrent la collaboration de plusieurs d’entre eux. Diderot, Saint-Lambert, Grimm envoyèrent des articles à la Gazette littéraire ; Delille y donna ses premières traductions d’Young ; Leroy y inséra ses Lettres sur les animaux et sur l’homme, et excita par le pseudonyme qu’il prit la curiosité de toute la presse ; La Harpe y soutint de ces violentes polémiques qu’il aimait à soulever ; en un mot, cette feuille devint le plus important recueil littéraire de l’époque. Mais la subvention qui avait été accordée à Suard par l’influence d’un de ses protecteurs ne tarda pas k être supprimée. Le journal, n’étant pas acheté par le vulgaire, qui se souciait peu des productions littéraires de l’étranger, ne put bientôt plus se soutenir et, après avoir langui pendant plusieurs mois, cessa définitivement de paraître à la fin de 1766.

Grimm en a parlé dans les termes suivants : « Arnaud et Suard rédigeaient ensemble le journal des étrangers et la Gazette littéraire d’Europe. Ni l’un ni l’autre de ces écrits périodiques n’ont pu se soutenir ; il y régnait cependant un excellent esprit. Mais nos oisifs de Paris ne veulent pas s’instruire, ils ne veulent qu’être au fait de la brochure du jour ; ils veulent aussi voir déchirer de temps en temps quelque homme célèbre, pour l’amusement de leur malignité. Les deux journalistes dont je parle ne leur donnaient ni l’un ni l’autre de ces amusements ; le moyen de réussir ? ... » Quelques années après la chute du journal qui leur avait coûté tant de peine k fonder, Arnaud et Suard réunirent les morceaux les plus intéressants qui y étaient dispersés et les publièrent sous ce titre : Variétés littéraires ou Recueil de pièces tant originales que traduites, concernant la philosophie, la littérature et les arts. Ce livre obtint un très-grand succès. On y trouve de nombreux fragments de poésie erse, des traductions bien faites de quelques auteurs allemands, anglais, espagnols et italiens, et des articles de la plupart des grands écrivains de cette époque.

Gazette tiuiveraelle do littérature (1770 et suiv.), recueil important rédigé par DuboisFontanelle.

Gazette Je Purin, par de Rozoi (1er octobre 1789-10 août 179 ?), feuille royaliste extrêmement violente ; curieuse à consulter.

Guzefte nationale OU Moniteur uiiivcmel.

V. MONITEUR.

Guzctlo universelle (1789-1792), journal

royaliste constitutionnel dont le principal rédacteur était Cerisier.

Gazette révolutionnaire, fondée k Liège au moment de laeûiiquètefrançaise, (1794) ; ehangeant ensuite son titre, elle devint la Gazette de Liège, et vécut jusqu’en 1824.

Gazette du village, par Paul-Louis Courier (1823). « Ce journal, écrivait l’auteur, n’est ni littéraire ni scientiiique, mais rustique. À ce titre, il doit intéresser tous ceux que la terre fait vivre. » Les rédacteurs sont censés être des paysans dont Paul-Louis Courier re GAZE

cueille les dires, « sans rien ajouter du sien, sans rien sous-entendre. Il ne faut pas chercher ici tant de finesses. Nous nommons par leur nom les choses et les gens. Quand nous disons un chou, des citrouilles, un concombre, ce n’est point de la cour ni des grands que nous parlons. » Dans le même chapitre de ces Provinciales politiques, l’auteur parle effectivement des champs, des moissons, des petits événements du clocher ; mais, pour ceux qui savent lire entre les lignes, que de coups de patte contre la Restauration, la conscription, l’intolérance religieuse et la guerre d’Espagne ! « M. le maire est le télégraphe de notre Commune ; en le voyant, on sait tous les événements. Lorsqu’il nous salue, c’est que l’armée de la Foi a reçu quelque échec ; Bonjour de lui veut dire une défaite là-bas. Passe-t-il droit et fier, la bataille est gagnée, il marche sur Madrid, enfonce son chapeau pour entrer dans la ville capitale des Espagnes. Que demain on l’en chasse, il nous embrassera, touchera dans la main, amis comme devant. D’un jour k l’autre il change, et du soir au matin il est affable ou.brutal. Cela ne peut durer ; on attend des nouvelles, et, selon la tournure que prendront les affaires, on élargira la prison ou les prisonniers. » Cette citation suffit pour donner une idée de ce pamphlet, qui se termine par une prétendue lettre d’un paysan se plaignant d être obligé de quitter le pays après avoir perdu cinq procès contre monsieur le maire, qui, chassant avec ses amis, avait dévasté tout son petit domaine. Courier ajoute cette réflexion d’un à-propos qui sera le même dans tous les temps : « Tout le monde s’imagine qu’aux champs on vit heureux du lait de ses brebis, en les menant paître sous la garde, non des chiens seulement, mais des lois. Par malheur, il n’y a de lois qu’à Paris. Il vaut mieux être là ennemi déclaré des ministres, des grands, qu’ici ne pas plaire à M. le maire. » Nous n’insisterons ni sur l’esprit ni sur le style de Paul-Louis Courier ; on les connaît, et le mot de Provinciales politiques, que nous avons employé, caractérise assez la Gazette du village.

Gazette des tribuunux (lS2û), journal de

jurisprudence et de débats judiciaires. Ce titre a déjà servi k plusieurs recueils du même genre, notamment à deux journaux fondés l’un en 1774, l’autre en 1793. Il existait sous l’ancien parlement une Gazette des tribunaux rédigée par Breton, qui fut depuis bibliothécaire k la cour de cassation, et Darmaing père avait travaillé aussi à ses derniers numéros. Mais le plan des deux publications n’est pas le même. Ce fut, Dannaing le fils qui eut le premier l’heureuse idée de la fusion, regardée longtemps comme impossible, des dissertations graves et abstraites de la jurisprudence avec les sombres récits des cours d’assises et les comptes rendus sémillants, parfois grivois et burlesques, de la police correctionnelle, La Gazette eut, dès ses premiers numéros, le succès le plus complet. Ses actions, dont le capital ne fut même pas versé en entier, valaient chacune, au bout de quelques années, une trentaine de mille francs, et elles ont monté plus haut encore. La plupart des actionnaires y firent leur fortune.

La Nouvelle Gazette eut pour rédacteur en chef, k son origine et jusqu’en 1S35, Darmaing, le fondateur du Surveillant, petit journal politique de la Restauration qui fut condamné à disparaître sur un réquisitoire foudroyant du procureur général, de Marchangy. Les autres fondateurs étaient : Fossé, Mermilliod, avocat de talent, Charles Ledru, Cormenin, Dupin aîné, Breton, Raisson, Wollis, les frères Baudoin. En 1835, Darmaing étant mort, ce fut Paillard de Villeneuve qui prit la rédaction en chef. Renfermé dans un cercle d’études spéciales, ce journal, quoique politique depuis sa fondation, a été peu mêlé aux luttes de la presse, pendant la longue période qu’il a déjà traversée, et, quoique un des plus considérables par son tirage et le nombre de ses abonnés, il est, pour ainsi dire, en dehors de la mêlée. Il s est, dans ces derniers temps, départi quelquefois de cette réserve, pour soutenir des causes absolument réactionnaires. Sa partie politique se réduit à la reproduction des documents officiels, et il lui faut des événements bien extraordinaires, une émeute, une révolution,

une bataille gagnée, pour qu’il en donne le récit k côté de ses comptes rendus ordinaires de jurisprudence et de ses débats de cour d’assises. Cependant il a longtemps apprécié, tant que la loi te lui permit, tes séances de la Chambre et ses travaux législatifs. Ce fut, à l’origine, M. Guillémard, et depuis, sous le voile de l’anonyme, M. Ulysse Ladot, qui se chargèrent de ces délicates fonctions. Les lois restrictives qui défendirent tout compte rendu autre que la sténographie du Moniteur, puis du Journal officiel, empêchèrent la Gazette des tribunaux de continuer plus longtemps ces appréciations.

■ Depuis sa fondation, des jurisconsultes de talent se sont fait honneur de collaborer k ce journal pour sa partie juridique. Le vicomte de Cormenin y a fait insérer un grand nombre de travaux ; M. Raisson y a écrit, sous le titre de Variétés, des articles fort intéressants, de véritables études historiques, entre autres l’Histoire des prévôts de Paris et l’Histoire des prisons ; M. Berriat Saint-Prix, de curieuses études sur le Tribunal révolutionnaire ; tous les juristes de quelque valeur y