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dans nos gouvernements modernes, est devenue une véritable puissance. Le célèbre généalogiste d’Hozicr, que ses fonctions obligeaient à entretenir une correspondance fort active, tant avec l’intérieur du royaume qu’avec les pays étrangers, en communiquait les nouvelles à son ami Théophraste Renaudot, médecin du roi, directeur d’un mont-depiété, maître général des bureaux d’adresses, commissaire général des pauvres, etc. Renauclot, de son côté, tout en visitant ses malades, les amusait de la lecture de ces lettres. Voyant le succès de ces causeries, il songea à les faire imprimer et à les vendre à ceux qui se portaient bien. Il parla de son projet à Richelieu, qui appréciait le mérite du médecin, son compatriote, et il lui demanda l’autorisation nécessaire pour le mettre à exécution. Le cardinal comprit aussitôt de quelle importance serait pour le gouvernement une feuille racontant les événements sous la dictée et dans le sens du pouvoir. II se hâta d’accorder le privilège demandé, sans prévoir, bien certainement, de quelle puissance il jetait les fondements ; bien plus, il rédigea lui-même des articles pour la Gazette, récits de capitulations, do faits militaires et de traités ; il communiqua des dépêches d’ambassadeurs ou de généraux, quand cette publicité pouvait servir sa politique. On dit même que Louis XIII envoyait au journal des morceaux de sa façon. Aussi ces gazettes sont-elles pour l’histoire du xvno siècle un recueil fort précieux. Elles paraissaient hebdomadairement en petit in-4o de S à 12 pages, en deux cahiers, dont l’un portait le titre de Gazette, l’autre celui de Nouvelles ordinaires de divers endroits. Renaudot disait dans sa préface, en s’udressantauroi :«Sire, la mémoire des hommes est trop faible pour luy fier toutes les merveilles dont V. M. va remplir le septentrion et tout le continent. Il la faut désormais soulager par des écrits qui volent comme en un instant du Nord au Midi, voire par tous les coins de la terre. C’est ce que je fais maintenant, Sire, d’autant plus hardiment que la bonté de V. M. ne dédaigne pas la lecture de ces feuilles. Aussi n’ontelles rien de petit que leur volume et mon style. C’est, au reste, le journal des roys et des puissants do la terre. Tout y est par eux et pour eux, qui en fondo capital ; les autres personnages ne leur servent que d’accessoires... J’offre à V. M., en toute humilité, ce recueil de toutes mes gazettes de cette année, laquelle je finiray par mes prières à Dieu qu autant que sa protection est assurée à cet Estât elle accompagne partout V. M. qui en est la vie et le bonheur inséparable. Ce sont les vœux et l’espérance de cinquante millions d’âmes, et entre elles, Sire, du très-humble, très-fidèle et très-obéissant serviteur et. sujet de V. M., Théophraste ûenaudot. »

Voici maintenant des extraits de la préface au public : «...La publication des gazettes est, à la vérité, nouvelle, mais en France seulement, et cette nouveauté ne leur peut acquérir que de la grâce, qu’elles se conserveront toujours aisément... Surtout serontelles maintenues pour l’utilité qu’en reçoivent le public et les particuliers : le public, pour ce qu elles empeschent plusieurs faux bruits qui servent souvent d’allumettes aux mouvements et aux méditions intestines... ; les particuliers, chacun d’eux ajustant volontiers ses alfaires au modèle du temps. Ainsi le marchand ne va plus trafiquer en une ville assiégée ou ruinée, ni le soldat chercher employ dans les pays où il n’y a point de guerre ; sans parler du soulagement qu’elles apportent à ceux qui escrivent à leurs amis, auxquels ils estoient auparavant obligez, pour contenter leur curiosité, de desorire laborieusement des nouvelles le plus souvent inventées à plaisir, et fondées sur l’incertitude d’un simple ouy-dire. Encore que le seul contentement que leur variété produit ainsi fréquemment, et qui sert d’un agréable divertissement es Compagnies, qu’elle empesche des médisances et autres, vices que l’oisiveté produit, deust suffire pour les rendre recommundables ; du moins sont-elles en ce point exemtes de blasme, qu’elles ne sont pas aucunement nuisibles à la foule du peuple, non plus que le reste de mes innocentes inventions, estant permis à un chacun de s’en passer, si bon lui semble. La difficulté que je dois rencontrer en la compilation de mes gazettes et nouvelles n’est pas icy mise en avant pour en faire plus estimer mon ouvrage..., c’est pour excuser mon stile, s’il ne respond pas toujours à la.dignité de son sujet... Les ciipitaiues y voudroient rencontrer tous les jours des batailles et des sièges levés ou des villeâ prises ; les plaideurs des arrests en pareil cas ; les personnesdévotieuses y cherchent les noms des "prédicateurs, des confesseurs de marque. Ceux qui n’entendent rien aux mystères de la cour les y voudroient trouver en grosses lettres. Tel, s’il a porté un paquet en cour sans perte d’hommes, ou payé le quart-denier do quelque médiocre office, se fasche si le roy né voit son nom dedans la gazette. D’autres y voudroient avoir ces mots do monseigneur ou de monsieur répétez à chaque personne dont je parle, , Il son trouve qui ne prisent qu’un langage fleury ; d’autres qui veulent Que mes relations ressemblent à un squelette décharné... ce qui m’a fait essayer die contenter les uns ot les autres. Se peut-il donc faire

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(mon lecteur) que vous ne m’en plaigniez pas en toutes ces rencontres ? et que vous n’excusiez point ma plume, si elle ne peut plaire à tout le monde en quelque posture qu’elle se mette ? non plus que ce paysan et son fils, quoiqu’ils se missent premièrement seuls et puis ensemble, tantost à pied et tantost sur leur asne. Et si la crainte de desplaire à leur siècle a empesché plusieurs bons autheurs de toucher a l’histoire de leur âge, quelle doit être la difficulté d’escrire celle de la semaine, voire du jour mesme où elle est publiée ! Joignez-y la brièveté du temps que l’impatience de nostre humeur me donne, et je suis bien trompé si les plus rudes censeurs ne trouvent digne de quelque excuse un ouvrage qui se doit faire en quatre heures du jour, que la venue des courriers me laisse toutes les semaines pour assembler, ajuster et imprimer ces lignes... En une seule chose ne céderay-je point à personne, en la recherche de la vérité, de laquelle néantmoins je ne me fay pas garand, etc. »

Rien ne manqua, d’ailleurs, à la vogue du journal. Une estampe du temps, aujourd’hui conservée à la Bibliothèque nationale, représente allégoriquement la Gazette assise entre le Mensonge et la Vérité, Renaudot écrivant, tandis qu’un quatrain, gravé en marge, lui prête ces paroles :

Mille peuples divers parlent de mon mérite ; Je cours dans tous les lieux de ce vaste univers ; Mon sceptre fait régner et la prose et les vers, Et pour mon trône seul la terre est trop petite ;

les cadets de la faveur lisant à l’oreille du fondateur de la Presse, qui les écoute à peine :

Vous aurez de notre or en nous faisant faveur, Dites que nos grands coups fontdesMars disparaître ;

enfin les diverses nations, Castillans, Indiens, Italiens, cavaliers, piétons, etc., apportant des nouvelles et remettant des lettres a la nouvelle déesse.

Comme Renaudot jouit de la faveur de Mazarin au moins autant qu’il avait joui de celle de Richelieu, les pamphlets de la Fronde n’épargnèrent pas le gazetier, décoré en cette qualité du titre d’historiographe de France, iieaucoup d’autres avant lui avaient été nommés à cette grave fonction, sans s’être crus obligés de laisser à la postérité ’a moindre œuvre historique. N’était-ce pas un travail méritoire d’enregistrer chaque semaine Les morts, les’mariages,

L’histoire du moment, les spectacles du soir, Les leçons de physique et le prix des fourrages.

Et des livres et deB fromages,

Le temps qu’il fit la veille, un poème nouveau,

Les querelles sur la musique,

Et la réponse et la réplique.

Et la science académique, .

Et puis le combat du taureau,

La satire et l’épithalame,

Un trait de bienfaisance auprès d’une épigrnmmo, Et le cours des effets, et la chute d’un drame, Le change, le marché, la coulisse, les arts, Scellés, mutations, domiciles, remparts, Les sciences, les prix, les vents et les orages, Le beurre et les œufs frais, te tout en quatre pages ?

(La Harpe, Molière à la nouvelle salle.)

Peu touchés de la difficulté et de l’importance de la mission que Renaudot s’était imposée, les médecins jaloux l’accusèrent de trafic et d’usure, et surent le réduire à l’exploitation du privilège de son journal. Après sa mort, la Gazette, toujours fidèle à son mode de publication, appartint à son fils Isaao, premier médecin du Dauphin, mort en 1679 ; ensuite au non moins célèbre Eusèbe Renaudot, mort en 1729. Après avoir été pendant longtemps l’organe officieux du gouvernement, comme on dirait aujourd’hui, elle en devint Ouvertement l’organe officiel à partir du 1er janvier 1762 et prit le titre de Gazette de France. Elle parut dès lors deux fois par semaine.

En 1787,1e ministère en donna le privilège à bail au célèbre Panckouclte. Le gouvernement en nommait les rédacteurs. Parmi ceux-ci les plus remarquables furent Suardet Arnaud, protégés par le ministre Choiseul, et qui tombèrent avec lui. Vint.ensuite le sieur Marin, l’adversaire malheureux de Beaumarchais, qui ne sortit que tout meurtri des griffes du terrible pamphlétaire. Marin n’était pas un incapable, tant s’en faut : on lui doit la création du bureau de l’esprit public, espèce de fabrique de nouvelles pour la province qu’on n’a que trop perfectionnée jusqu’à nous. Nommons pour la forme deux autres rédacteurs, Bret et l’abbé Aubert, puis arrivons vite au 1er mai 1792, date de l’abolition du privilège de la Gazette, qui entra depuis dans le régime commun de la libre concurrence, où elle est encore.

Les prix avaient varié depuis 12, 15, 25, jusqu’à 3G livres. C’est à ce prix que la Gazette devint journal quotidien. Les annonces étaient déjà inventées. Six lignes d’annonces dites anglaises se payaient 30 sous. Le cours des fonds publics y fut donné depuis l’an 17G5, et les spectacles depuis 1792.

Dans les premiers temps de la Révolution, elle se bornait à enregistrer les actes du gouvernement sans même mentionner les grands faits révolutionnaires, pas même la prise do la Bastille. Après le 10 août, elle prit le titre de Gazette nationale de France, devint quoti GAZE

dienne et suivit d’un pied boiteux le mouvement révolutionnaire. Le 22 janvier 1793, elle annonça même l’exécution de Louis XVI par un article qui débutait ainsi : Le tyran 11 est plus ! Pour cet organe fidèle de l’ancien régime, un tel entraînement est piquant et caractéristique.

Sous l’Empire, la Gazette de France (elle avait repris ce titre) ne fit pas beaucoup parler d’elle, subissant d’ailleurs ta servitude imposée à tous les journaux.

La Restauration la replaça au rang des principaux organes royalistes ; elle eut alors d’illustres rédacteurs. Il suffit de citer Joseph de Maistre et M. de Donald. Mais, à cette époque de luttes passionnées, la voix de ces graves écrivains se perdait dans les tempêtes que soulevaient des feuilles ultra-royalistes, telles que la Quotidienne et le Drapeau blanc. Dans les temps violents, les esprits se portent de préférence aux extrêmes. La Gazette de France était peu suivie. En 1S24, elle ne comptait pas plus de 2,400 abonnés, quand le Journal de Paris, organe plus ardent du parti, en avait plus de 4,000 et le Constitutionnel plus de 20,000. Le vent était à l’opposition. Trois journaux dévoués à l’ancien régime, la Gazette de France, l’Étoile et le Journal de Paris, furent obligés, pour vivre, de se fondre en un seul, qui garda le titre le plus ancien et put à peine subsister à l’aide des ressources communes. La révolution de Juillet aurait même entraîné la ruine de la Gazette de France, si l’opposition légitimiste n’avait eu besoin d’un organe pour être représentée devant l’opinion publique.

Sous le gouvernement de Juillet, la Gazette de France se maintint dans une ligne d’opposition relativement modérée. Les légitimistes fougueux, qui appelaient de toutes leurs forces la guerre civile, s’abonnaient de préférenceàla Quotidienne. Plus grave et plus sensée, sous la direction d’un homme très-remarquable, l’abbé de Genoude, la Gazette n’en appelait qu’au peuple. Esprit délié, hardi et fertile en ressources, M. de Genoude mena fort habilement, de concert avec l’opposition radicale, la guerre de dix-huit ans qui se termina par la révolution du 24 février 1848. Plus d’une fois, ses nobles abonnés durent être surpris en lisant dans leur journal favori des articles d’un franc libéralisme que n’aurait pas désavoués le Constitutionnel de 1825. Mais, comme tous les hommes convaincus, M. de Genoude ne souffrait aucune observation. Il s’allia avec l’extrême gauche, et, Contre le régime étroit du cens, il réclama plus haut que personne le suffrage universel. C’était, en effet, par ce suffrage que la Gazette prétendait restaurer le descendant des vieux rois. Il est presque inutile de rappeler qu’elle était sur ce point particulier désavouée par la masse de son parti. Néanmoins, elle a conservé ce caractère, et aujourd’hui encore elle s’intitule le Journal de L’appel au peuple. La révolution de Février aurait dû combler ses vœux ; mais le sagace abbé n’avait pas prévu que le sentiment national, plus révolutionnaire qu’on ne pense dans les châteaux de la vieille France, se porterait vers l’avenir plutôt que de rétrograder vers le passé. En appuyant toutes les mesures de réaction prises contre la république, la Gazette est rentrée dans son véritable rôle, d’où elle n’a pas dévié depuis lors. Elle sourit au coup d’État du 2 décembre, qui n’atteignait que ses adversaires, et ne balbutia plus le mot de liberté. Plus religieuse que politique, elle s’inspira des sacristies, et si elle faisait une opposition sourde au gouvernement impérial, c’était pour lui reprocher de ne pas sacrifier tout k fait les générations futures au parti clérical, à qui des imprudences répétées ont déjà livré le présent, non sans compromettre l’avenir. Enlin, depuis les derniers événements, la guerre avec la Prusse, la chute de l’empire et l’établissement de la République, elle est un des principaux organes de la réaction cléricale et monarchique.

La Gazette de France est le doyen, le patriarche des journaux français.

Dés les premiers temps de la Gazette de Renaudot, la concurrence n’avait pas tardé à lancer dans ie public un assez grand nombre de feuilles : tel fut ie Mercure yalant, entrepris par de Visé en 1672, et qui donna naissance lui-même au Mercure de France, publié depuis 1721, et au Mercure français de 1792. un autre Mercure, peu galant, mais historique et politique, naquit en 1G8G, avec lu collaboration de Sandraz de Courtilz, de Bayle, etc., et ne mourut qu’en 1782, léguant son titre à une foule de journaux. La censure sévère à laquelle était soumise la feuille des Renaudot avait même fait imaginer, dès le règne de Louis XIV, lus gazettes à ta main, qui s’expédiaient de Paris dans les provinces, et se trouvaient, dit Ménage, remplies de faussetés. On sait que, dans le xvnrs siècle, la société de Mme Doublet continua et perfectionna l’usage de ces nouvelles ou feuilles manuscrites, grand sujet d’inquiétude pour le gouvernement. N’oublions pas de mentionner une espèce de gazette manuscrite assez originale, qui commença à se répandre le 4 mai }fi50 : ce sont les Lettres en vers à iVi’e de Longueville. Le directeur de cette gazette était le poëte-courtisan Loret. Celui-ci recueillait et narrait en vers chaque semaine

Les bruits qui courent quelquefois Parmi la cour et les bourgeois.

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En outre, il profitait

Des billets divers

Que, pour discourir dans ses vers, De sages gens prenaient la peine De lui fournir chaque semaine. Tous ces on-dit et nouvelles, affublés de rimes et mis en forme de lettres, il les décorait d’un titre plus ou moins bizarre, tel que la Séduisante, la Sévère, la Longuette, Vintempérante, etc., et il en amusait sa bienfaitrice et le cercle fort rétréci de l’hôtel de Longueville. Mais quelques indiscrets ayant fait faire d’autres copies de ces vers, l’auteur volé résolut de les imprimer et d’en tirer profit en les envoyant à un certain nombre de seigneurs. Ainsi, après deux ans d’existence, la Gazette burlesque de Loret parut imprimée pour la première fois le 29 décembre 1652. Le tirage était loin de l’immense développement qu’a pris celui de notre presse quotidienne ; car l’imprimeur, l’auteur nous le dit, Devait observer cette loi

De n’en tirer chaque semaine

Qu’une unique et seule douzaine, Tant pour mes amis que pour moi. Après cela point de copie,

En dût-on avoir la pépie.

Depuis cette époque, les feuilles de Loret parurent régulièrement tous les samedis. En 1GG3, la première année de son recueil fut réunie sous le titre prétentieux de il/use historique. Les quinze années de sa publication forment trois gros volumes devenus assez rares. Quoique fort bizarre sous le rapport du style, la Gazette de Loret est précieuse à consulter pour une foule de faits particuliers, d’usages, de nouvelles de ville, de cour, d’événements étrangers, d’anecdotes comiques ou scandaleuses. La politique même se glissait dansées feuilles légères ; car le parlement, oui s’oiïensait peut-être do la façon triviale" dont le poëte interprétait ses actes, lui défendit

D’écrire politiquement,

ce dont il fit ses doléances à MHe deLoDgueville en lui disant :

Désormais mes gazettes

Ne seront plus que des sornettes.

L’exemple de Loret ne resta pas sans imitateurs, et son journal fut continué par Dulaurens et Hauteville.

Le titre de Gazette s’est maintenu dans la presse depuis l’année 1G31 jusqu’à nos jours. Il a été donné à des publications d’une importance diverse que nous allons passer en revue. Nous donnerons l’analyse des principales ; nous n’attribuerons aux autres qu’une simple mention, à leur ordre chronologique.

GuzeMea do. Hollnnde (LES), journaux OU

pamphlets publiés par des réfugiés français, à Amsterdam et à Leyde, pendant le xvnc et le xvme siècle. Les historiens n’ont pas passé sous silence ces gazettes qui troublèrent plus d’une fois le sommeil de Louis XIV et la quiétude des autres potentats de l’Europe ; mais leur imagination s’est exercée en cette matière beaucoup plus que leur érudition. Ces journalistes, ces gazetiers vivaient trop souvent de médisance et de calomnie, trafiquaient de la curiosité et du scandale, s’embusquaient derrière les buissons de la politique pour attaquer toutes les réputations, livrer au ridicule ou à la malignité tous les noms et toutes.les existences qui venaient à intéresser un moment les conversations des oisifs. Ces feuilles agressives et indiscrètes n’étaient pas écrites toujours en excellent français ; exemple : « L’on bruit que le roi de France doit entrer l’été prochain en campagne... L’on bruit que le nonce du pape insiste par devers le roi de France et autres potentats pour une cessation d’armes. » Ce mauvais style exaspérait M"" de Sévigné ; elle en veut fortement au gazetier de Hollande. Le bon goût de Racine protesta comme la délicatesse de Mm<> de Sévigné ; une fois, cependant, le gazetier eut raison contre l’auteur d’A(Au/i’e. ■ Mon cher fils, dit Racine, vous me faites plaisir de me donner des nouvelles ; mais prenez garde de ne pas les prendre dans les Gazettes de Hollande, car, outre que nous les avons comme vous, vous pourriez apprendre certains termes qui ne valent rien, comme celui de recruter, dont vous vous servez, au lieu de quoi il faut dire faire àes recrues. » En Hollande même, les gazetiers, réfugiés français pour la plupart, ne jouissaient pas d’une plus grande considération qu’à l’étranger. Bayle dit que de leurs gazettes on ne faisait aucun cas, et que ces gens, pour avoir du pain, glosaient et médisaient avec la dernière indiscrétion ; l’impartialité et l’exactitude n’entraient pas dans leur système. ■ Le gazetier de Hollande, dit encore Bayle, ne se met guère en peine de sa réputation de bonne foi ; c’est un gaillard qui tombe sur tout le monde et qui publie généralement tout ce qu’on lui écrit. De là vient qu’il fait si souvent changer le caractère de 1 impression dans u, ne même gazette, afin d’avoir place pour mettre tout. Sa gazette est le véhicule des médisances de l’Europe ; car, quand on veut se venger de quelqu’un, on n’a qu’à forger un conte malicieux ou ridicule do lui et l’envoyer à Amsterdam. Vous le verrez on beaux draps blancs par le premier ordinaire. C’est ainsi que les ennemis de Baptiste lui ont fait pièce deux ou trois fois, et c’est une menace qu’on se fait ordinairement : Je te ferai coucher sur la Cazetle de Hollande.