Page:Larousse - Grand dictionnaire universel du XIXe siècle - Tome 8, part. 3, Frit-Gild.djvu/256

Cette page n’a pas encore été corrigée

1090

GAUT

î

turelles (Paris, 1771, in-4<>), ouvrage continué, après la mort de l’auteur. par l’abbé Rozier, mais en planches noires ; Cours complet d’anatnmie, expliqué par Jadelot {Nancy, 1773, in-fol., avec 18 pi. en couleurs).—Jean-Baptiste Gautiukr d’Agoty, frère du précédent, mort en 1786. Il s’adonna également à In gravure ; mais il n’a laissé que des ouvrages inachevés, comme la Galerie française tlei hommes et îles femmes célèbres qui ont paru en France, avec un Abrégé de leur vie (Paris, 1770, in-4o) ; Monarchie française ou Recueil chronologique des portraits en pied de tous les fois et des chefs des principales familles (Paris, 1770, in-4o), une seule livraison, qui s’arrête à Childebert.—Jean-Fabien Gauthikro’Agoty, cinquième frère des précédents, suivit la moine carrière artistique, mais ne se révéla que par quelques planches tVAnatomie, d’Histoire naturelle et des Part-nits, notamment ceux de Louis XV et du cardinal Flenry.Édouard Gauthikr d’Agoty, fils du précédent, mort à Milan eu 1784, fut encore un graveur de mérite. Il chercha à perfectionner l’art de la gravure en couleurs, qui avait fait la réputation de sa fnmille. Toutefois, les nouveaux procédés qu’il introduisit n’obtinrent que peu de succès. Cet artiste a laissé douze estampes (1780) gravées sur les tableaux de la galerie d’Orléans, et dont voici les sujets : Lëda (Paul Véronèse) ; Cvpidon (le Corrége) ; Vénus à la coquille : deux autres Vénus ; Jupiter et lo (le Titien) ; l’Amour et Psyché (le Guide) ; une Baigneuse (Lemoyne) ; Joseph et Putiphar (Alexandre Véronèse) ; Saint François (Van Dyek) ; Madeleine (Le Brun) ; Belhsabée (Bonnieu). L’ouvrage ne fut point terminé : ces gravures formaient la première livraison, qui fut seule publiée.


GAUTHIER DE BRÉCY (Charles-Edme), publiciste, né à Paris en 1753, mort en 1836. Contrôleur, puis directeur des fermes avant la Révolution, il se trouvait à Toulon lorsque cette ville se livra aux Anglais, en 1793. Gauthier de Brécy, royaliste ardent, contribua à cet acte antipatriotique, puis s échappa de la ville, se rendit en Italie et en Angleterre, rentra en France après le traité d’Amiens, et devint inspecteur des douanes à Cherbourg. Sous la Restauration, il fut nommé lecteur du roi et tomba, après 1830, dans la lus complète obscurité. On a de lui : liêoontinn royaliste de Toulon en 1793 (1S16, in-8o) ; le Vingt-quatre août. 1793 (1810) ; Mémoires véridioues et ingénus de la vie privée, morale et politique d’un homme de bien (1830, in-8o).


GAUTHIER DE BRIENNE, connétable de France. V. Brienne.


GAUTHIER GARGUILLE, auteur de farces qui vivait sous Louis XIII. V. Gaultier-Garguille.


GAUTHIER DES ORCIÈRES ou GAUTHIER DE L’AIN (A.-F.), constituant et conventionnel français, né à Bourg (Ain) en 1750, mort en 1824. Il fut député du tiers état de sa province aux états généraux, et, réélu à la Convention en 1792, il vota la mort de Louis XVI, commença, avec Dubois-Cruneé, le siège de Lyon, fut rappelé, ainsi que ce dernier, comme trop modéré, devint membre du comité de Salut public, après le 9 thermidor, puis du conseil des Anciens, remplit des fonctions dans la magistrature sous l’Empire, et, frappé en 1810 par la loi contre les régicides, mourut dans l’exil.


GAUTHIER DE LA PEYRONIE, géographe français, né vers 1740, mort à Paris en 1804. Il fut employé au ministère des affaires étrangères, puis devint correcteur à l’Imprimerie nationale. Très-versé dans la connaissance de

Plusieurs langues vivantes, il a traduit de allemand les Voyages de Pierre-Simon Pallus en différentes parties de l’empire de /lussie (Paris, 1788-1793, 5 vol. in-4o). et du danois le Voyage en Islande d’Olafsen et Povelsen (1801, 5 vol. iu-8", avec atlas). On lui doit aussi un Essai historique et politique sur l’État de Gènes (1794, in-8o).


GAUTHIER DE RIGNY (Henri), marin et homme d’État français. V. Rigny.


GAUTIER s. m. (gô-tié). Hist. Nom que l’on donna à des paysans français du xvie siècle, qui avaient pris parti pour la Ligue.

— Navig. Espèce de vanne ou d’arrêt pratiquée dans les rivières où l’on flotte à Dois perdu.

— Métall. Planches qui ramènent l’eau sous une roue hydraulique.

— Eacycl. Hist. On donne le nom de Gantiers à des paysans armés qui, de 1557 à 1589, se soulevèrent dans le Perche et dans presque toute la basse Normandie pour défendre leurs propriétés et leur liberté contre les gens de

fuerre. • Ces troupes de paysans, dit de Thou ans son Histoire universelle, étaient ainsi nommées de la Chapelle-Gautier (village du Perche). Ils avaient commencé à prendre les armes pour se défendre contre les entreprises des troupes qui couraient la province. D’abord ils n’avaient exercéaucune violence ; ensuite, leur nombre s’étant accru, ils en vinrent à attaquer des partis qui allaient au pillage, et rirent une cruelle boucherie de ces coureurs chaque fois qu’ils pouvaient les saisir. L’exemple devint bientôt contagieux et l’insurrection se répandit dans la plus grande partie de la province. Au son du tocsin, on voyait tous les gens de la campagne aban GAUT

donner leur travail, courir aux armes et se rendre au lieu qui leur était marqué par des capitaines établis dans chaque village. Quelquefois ils se trouvaient au nombre de plus de seize mille. A leur tête était tout ce qu’il y avait d’esprits brouillons en Normandie : le comte de Brissnc, récemment chassé d’Angers, de Mouy de Pierrecour, de Longchamp, le baron d’Echautfour, le baron de Tuboauf, de Roquenval, de Beaulieu, et plusieurs autres gentilshommes partisans de la Ligue, et qui assemblaient des troupes pour le parti, autour de Laîgle et d’Argentan. •

Ce fut aux environs de cette dernière ville que les Gnitihiers furent détruits, le 22 avril 1589. Étant accourus au secours de Falaise, assiégée par les troupes du roi, ils se virent attaqués, dans trois villages où ils s’étaient fortifiés, par le duc de Montpensier et ses lieutenants, liai armés pour la plupart, écrasés par l’artillerie ennemie, à laquelle ils n’avaient pas à opposer une seule pièce de canon, ils essuyèrent une défaite complète malgré leur vigoureuse résistance. Plus de trois mille restèrent sur la place. Des douze cents qui se rendirent à discrétion, quatre cents furent condamnés aux travaux publics ; on relâcha les autres après leur avoir fait jurer de ne plus.reprendre les armes ; ce qu’ils jurèrent... mais un peu tard.


GAUTIER ou VAUTIER, sire d’YVETOT, mort en 536. Il encourut la disgrâce du roi Clotaire Ier, dont il était valet de chambre, quitta la France et revint, au bout de dix années, à Soissons, espérant que le temps aurait apaisé le ressentiment de Olotaire. Gautier se présenta devant le roi avec des lettres de recommandation du pape Agapet, et implora son

pardon en se jetant a ses pieds dans l’église de Soissons. Mais Clotaire, loin de lui pardonner, lui plongea son épée dans la poitrine. D’après une tradition qui ne s’appuie sur aucun fondement sérieux, lo pape exigea du monarque, en expiation de son crime, qu’il érigeât en royauté la petite seigneurie d’Vvetot.


GAUTIER (Thomas), pasteur protestant français, né à Villaret dans le Dauphiné en 1638, mort à Marbourg en 1709. Après avoir termine ses études k Genève, Gautier fut appelé comme pasteur k Fenestrelles, où il fut accusé par le clergé catholique d’avoir tenu n des discours d’impiété, de blasphème et de sédition. » Le parlement de Grenoble le condamna à 30 livres d’amende, aux dépens et à une interdiction de six mois. Les six mois écoulés, il reprit ses fonctions ; mais les prêtres catholiques l’accusèrent bientôt d’avoir prié, en 1672, pour les Hollandais ; la parlement le condamna aux dépens, quoique l’unique témoin assigné l’eût hautement juslitié. Peu de temps après, Gautier fut nommé pastour et protesseur de théologie à Die. Il remplit ces fonctions jusqu’à la révocation de ledit du Nantes. À la révocation, il se retira il Marbourg, où il fut nommé pn.-itenr de l’Église française et professeur de théologie. Ou a de lui les deux écrits suivants : Tiuctutuï contra Faoerotanem ; Peincipia theoloijix didactics (Marbourg, 1696, in-S°).


GAUTIER (Henri), ingénieur français, né a Nîmes en 1660, mort à Paris en 1737. D’abord docteur en médecine, il se lit ensuite recevoir ingénieur de la marine et devint inspecteur général des ponts et chaussées. Gautier avait des connaissances très-variées et très-etendues. Fléehier le convertit au catholicisme en 1689, mais sans lui donner, paraît il, une foi bien ardente. On a de lui plusieurs ouvrages dont les principaux sont : Traité de la construction des chemins, tant de ceux des Ilomains que des modernes (Paris, 1715, in-8o) ; Traité des ponts et chemins des Romains et d’s modernes (171S, 2 vol. in-8o) ; Bibliothèque des philosophes et des suvanls anciens et modernes avec les merveilles de la naître (Paris, 1723-1734, 3 vol. in-8o) ; Histoire de la vi le de Nimes et de ses antiquités (Paris, 1724, in-8u).


GAUTIER (Jean-Antoine), né à Genève en 1074, mort en 1729. Nommé professeur de philosophie en 1696, il occupa cotte chaire pendant vingt-sept ans. On lui doit quelques ob- ! servations astronomiques et plusieurs dissertations sur divers su ets scientifiques, notam- ’ ment une Note sur l’éclipsé du 12 mai 1706. Il a composé une volumineuse Histoire de Ge- i uèee, qdi n’a jamais été imprimée, et que l’on I conserve dans les archives de cette ville.

L’immense Histoire de Genève de Gautier est un des plus précieux répertoires que l’on puisse consulter sur cette période. Malheureusement le compilateur n est pas toujours assez sobre de phrases et de banalités. C’est le Berruyer de l’Histoire de Genèoe. Aujourd’hui son œuvre monumentale, qu’il a été souvent question d’imprimer, perd de sa va- ; leur à mesure que de nombreux fragments des registres mêmes sont publiés dans des monographies genevoises qui se multiplient de jour en jour. « Il ne l’avait point écrite, du reste, dit un ju, ’e éininent, M. Vullimin, dans l’intention de la publier. Il voulait être vrai avant tout et ne taiie la vérité pour aucune considération. Il s’exprime donc avec une grande franchise sur les relations extérieures de la république, avec quelque retenue sur ses relations intérieures, mais toujours avec l’impartialité d’un esprit judicieux, sage et modéré.

Plus tard, il prépara une nouvelle édition de l’Histoire de Genève, de Spon, celle qui

GrAUT

a paru après sa mort, en 1730, et il accompafna le texte de Spon de notes en grand noinre qui le corrigent et le complètent, sans que jamais il y ait fait mention de son propre nom. Tout ce qu’il a écrit porte le même caractère de sincérité, de piété, de désintéressement et de patriotisme. »


GAUTIER (Joseph), littérateur et physicien français, né en Lorraine, mort près de Nancy en 1776. Il entra dans la congrégation des chanoines réguliers de Nôtre-Sauveur, professa les mathématiques à Metz et à Lunéville et fut un des premiers membres de l’Académie des sciences et belles-lettres fondée à Nancy par Stanislas, en 1750. Physicien et mécanicien habile, il publia, dans les recueils de l’Académie de Nancy, des mémoires et des dissertations sur l’Aimant, sur la Manière de suppléer à l’action du vent sur les vuisseuux, au moyen d’une machine, etc., et présenta a lamente Académie le dessin et la description de plusieurs machines de son invention. Comme littérateur, Gautier débuta en remportant le prix d’éloquence proposé par l’Académie de Soissons en 1746 : Sur i inutilité de la dispute pour ramener les hommes à l’unité d’opinion. il s’efforça d’engager une controverse littéraire avec J.-J. Rousseau, qui dédaigna un si faible adversaire, publia dans le Mercure de France de 1750 la réfutation du discours du philosophe genevois sur l’utilité des sciences et des mis au point de vue des moeurs, donna, en 1752, des Observations sur la lettre de M. Jlousseau de Genèoe à M. Grimm, et lit paraître une Jtéfuiation du Celse moderne ou Objections contre le christianisme avec les réponses (Lunéville, 1757).


GAUTIER (Isidore-Marie Brignolles), dit Gautier du Var, homme politique et écrivain français, né à lirignolles (Provence) en 1769, mortà Paris en 1824. Après le coup d’État du 8 fructidor, il fut élu dans le Var membre du conseil des Cinq-Cents, parut peu k la tribune, vécut dans la retraite pendant l’Empire et devint écrivain ministériel sous le gouvernement de la Restauration. Gautier a publié un assez grand nombre d’écrits, parmi lesquels nous citerons : Réfutation de l’exposé de la conduite politique de M. Curnot (Paris, 1S15) ; Annales des sessions du Corps législatif de 1814 a 1823 (Paris, 1816-1823, 9 vol. in-8<>) ; Coup d’ail sur ta véritable position des partis en l<¥um : e (1822) ; Conduite de Donapurt" ; relativement aux assassinats de monseigneur le duc dEughien et du marquis de Frotté (1823), etc.


GAUTIER (Ambroise-Georges-Joseph), jurisconsulte français, né k Cbevreuse près da Versailles en 1776, mort en 1829. Son père, procureur fiscal de Chevrense. ayant été arrêté en 1794 comme aristocrate, lejeune Gautier, alors âgé de dix-huit ans, se rendit au Comité de surelé générale et obtint, par son éloquence, la liberté du détenu. Cette circonstance le décida à suivre la carrière du barreau. Il travailla quelque temps sous les auspices de Berryer père, devint un avocat distingué et fut, k l’é|ioque de la conspiration de Cadoudal, le défenseur de Ooster de Saint-Victor. On a dis lui : Études de jurisprudence commerciale (Paris, 1829, in-8o), ouvrage estimé.


GAUTIER (Pierre-François-Théodore), historien dauphinois, né à La Saulce (Hautes-Alpes) en 1780, mort à Gap en 1846. Il était fils du notaire du village de La Saulce. Il fut nommé, en 1814, membre du comité d’instruction publique de Gap. La Restauration, dont probablement il était partisan, lui confia là.tâche difficile de poursuivre la liquidation des dépenses extraordinaires support es par les communes des Hautes-Alpes durant l’occupation étrangère (1814-1815). Il lit, à la même époque, un travail relatif à la perception de I impôt dans ce département, et il eu fut récompensé, en 1827, par la croix de la Légion d’honneur. Nommé conseiller de préfecture, il fit souvent l’intérim des préfets. Comme son préuéeesseur et compatriote, le chroniqueur Raymond de Juvénis, Gautier passa sa vie à compulser avec soin les archives de son pays natal. Il résolut de composer, sur une vaste échelle, un ouvrage dont il donna, dans la Hevue du Dauphiné, quelques extraits qui furent ensuite tirés à part (Lettres sur l’histoire de la ville de Gap) ; mais il renonça prudemment à son plan primitif et se contenta de publier un Précis de l’histoire de la ville de Gap, suivi de notes et éclaircissements et de notices biographiques sur les évêques de cetli’ ville (Gap, 1844, in-8o). • C’est, dit M, Adolphe Rochar, l’œuvre d’un homme laborieux, instruit et intelligent, qui, sans chercher k flatter l’amour-propre national de ses compatriotes,

apprécie avec une grande indépendance les événements qu’il raconte. Malheureusement ii s’abandonne trop volontiers à son esprit caustique et railleur, en sorte qu’on ne sait trop souvent s’il faut prendre son récit au sérieux. S’étant permis de dire, en tète de ses notices biographiques des Gapençais illustres : à J’en forme deux catégories, les grands et les petits, quoique le mérite des uns et « des autres fut peut-être d’égale valeur, » cette phrase excita la susceptibilité d’un magistrat des Hantes-Alpes (M. Jules Chérias), qui lança contre le Précis une critique des plus vives, portant aussi sur le style. Il est à regretter que, par un sentiment de délicatesse sans doute, M. Chérias n’ait pas publié

GAUT

sa critique du vivant de Gautier qui, probablement, n’aurait pas manqué de défendre son livre et de justifier la pureté de ses intentions. »


GAUTIER (Jean-Élie), financier français, né à Bordeaux en 1781, mort à Paris en 1838. Associé fort jeune k la maison de commerce de son père, il acquit l’estime de ses concitoyens, qui l’élurent membre du conseil général, puis député en 1823. Les questions de finances, de commerce et de douanes occupèrent surtout M. Gautier, qui, à partir de 1827, cessa de voter avec le ministère, et fut, en 1830, un des rédacteurs de l’adresse des 221. Après la révolution de Juillet, il fut successivement nommé pair de France (1S32),

sous-gouverneur de la Banque (1833) et ministre des finances, poste qu’il occupa du 31 mars au 21 mai 1839. La révolution de Février le fit rentrer dans la vie privée ; mais, en 1852, il fut nommé sénateur. On a de lui : Des banques et des institutions d crédit en Amérique et en Europe (1839) ; De l’ordre, df s causes qui le troublent et des moyens d’y remédier (1851).


GAUTIER (Théophile), poète et littérateur français, né à Tarbes (Hautes-Pyrénées) le 31 août 1811. Il ébaucha ses études au collège de sa ville natale et vint à Paris, en 1822, achever son éducation. Au collège Charlemagne, où il entra, il connut Gérard de Nerval, et il se lia avec lui d’une étroite amitié. Théophile Gautier se croyait une vocation décidée pour la peinture ; aussi entra-t-il dans un atelier, celui de Rioult, où il travailla pendant deux ans. De ces études premières, et du goût qui l’y portait, il lui resta toujours un grand amour pour l’art, le sentiment de l’expression plastique, la recherche du pittoresque et de ce qui frappe ou arrête le regard ; au lieu de transporter ses impressions sur la toile, il les a décrites avec une patience de styliste souvent merveilleuse ; il s’est fait peintre de portraits et de paysages dans des livres.

Ses essais dans le domaine de la peinture ne l’ayant pas satisfait, il se tourna d’abord vers la poésie, mais avec les aptitudes spéciales d’un homme qui a plus fréquenté les musées que les bibliothèques, et avec une dose d’originalilé assez rare. Il ne connaissait guère, en littérature, que les poètes du XVIe siècle, mis à la mode par Sainte-Beuve, et il y puisa certainement le goût des rhythmes harmonieux, des rimes riches, des tours de pensée recherchés et précieux, en même temps que l’amour de l’archaïsme, qui lui est définitivement resté. Ses tendances matérialistes le portant à se préoccuper surtout de la forme et du contour, il se mit à rechercher les mots qui lui semblaient le mieux faits pour peindre les objets extérieurs. Il étudia profondément le dictionnaire, meubla sa mémoire d’une foule d’expressions neuves, de tours archaïques, fit la chasse aux adjectifs de toute espèce, et fabriqua pour son usage un glossaire opulent, au moyen duquel il put donner à son style l’originalité qu’il ambitionnait. La connaissance du vocabulaire, la science de la forme et du mot ont toujours été sa grande préoccupation. « Pour le poète, dit-il quelque part, les mots ont en eux-mêmes et en dehors du sens qu’ils expriment une beauté et une valeur propres, connue des pierres précieuses qui ne sont pas encore taillées et montées en bracelets, en colliers et en bagues ; ils charment le connaisseur, qui les regarde et les tire du doigt dans la petite coupe où ils sont mis en réserve, comme ferait un orfèvre méditant un bijou. Il y a des mots diamant, saphir, rubis, émeraude, d’autres qui luisent comme du phosphore quand on les frotte, et ce n’est pas un mince travail de les choisir. » Cette poétique singulière surprendra ceux qui n’ont pas au plus haut degré le culte exclusif du style et de la forme ; mais elle est celle de Théophile Gautier, et elle était certainement aussi celle de Charles Baudelaire. Une fois son arsenal bien fourni, Théophile Gautier se mit à l’œuvre. Au mois de juin 1828, il se présenta chez M. Sainte-Beuve, et lui demanda la permission de lui lire une pièce de vers intitulée : la Tête de mort. « Oh ! oh ! murmura le critique, un titre bien sombre ! Enfin, n’importe ; voyons cela. » Dès la troisième strophe, dit M. de Mirecourt, Sainte-Beuve arrêta Gautier : « Quelles ont été vos lectures ? demanda-t-il au poète. Ce n’est pas en étudiant le rhythme de Lamartine que vous êtes parvenu à écrire de pareils vers. Vous avez dû lire Clément Marot, Saint-Gelais et Ronsard. — Oui, répondit Gautier. Nous ajouterons, si vous le voulez bien, Baïf, Desportes, Passerat, Bertaut, Duperron et Malherbe. — Toute la Pléiade ! À merveille, jeune homme ! Vous êtes dans les saines traditions. Je m’explique pourquoi vous avez l’hémistiche si net, le tour si exact, la rime si châtiée et si scrupuleuse. Achevez, je vous prie. » Quand la poésie fut lue, Sainte-Beuve se leva de son fauteuil, embrassa Théophile et s’écria : « Bien, très-bien !... Courage !... Voilà de la poésie substantielle. Je trouve un homme qui sculpte dans le granit, et non dans la fumée. Demain je vous présente chez Victor Hugo. » Théophile ne se sentait plus de joie : « Hugo, dit-il (dans une Notice autobiographique publiée par l’Illustration ), était alors dans toute sa gloire et son triomphe. Admis devant le Jupiter romantique, je ne sus pas même dire, comme Henri Heine