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Talon, on lit cette phrase qui caractérise les inébranlables prétentions du parlement : « Autrefois les volontés de nos rois n’étaient point exécutées dans les peuples qu’elles ne fussent souscrites en original de tous les grands du royaume. À présent cette juridiction est dévolue dans les parlements ; nous jouissons de cette puissance seconde que la prescription des temps autorise. »

Mazarin répondit par un coup d’autorité. Le 26 août, au sortir du Te Deum chanté en l’honneur de la victoire de Lens, trois parlementaires des plus décidés, Potier de Blancmesnil, Charton et Broussel, furent arrêtés ; Charton réussit à s’échapper ; les deux autres furent incarcérés, l’un à Vincennes, l’autre à Saint-Germain. Ce fut le signal du soulèvement ; de toutes parts le peuple court aux armes, on tend les chaînes, les gardes-françaises sont obligés de se replier autour du Palais-Royal. Gondy, dont les menées avaient préparé le soulèvement, essaye en vain de s’interposer comme médiateur entre le peuple et la cour ; mal accueilli par Anne d’Autriche qui, dit-on, alla jusqu’à faire le geste de le souffleter, il est à son retour, comme il se présentait avec le maréchal de La Meilleraye pour annoncer que Broussel allait être rendu sous condition de la liberté, assailli par une grêle de pierres et manque de perdre la vie dans cette échauffourée.

Anne d’Autriche appelait encore cette effervescence un feu de paille ; mais tout Paris était soulevé et hérissé de barricades. Le parlement en corps, ayant à sa tête Matthieu Molé, résolut de se rendre au Palais-Royal pour redemander ses membres « absents » ; les chaînes s’abaissèrent devant lui, mais lorsqu’il revint, n’ayant obtenu que de vaines promesses, de terribles huées l’accueillirent : il était dominé lui-même par les événements. Matthieu Molé, aussi calme qu’à une cérémonie, fit rebrousser chemin au cortége et rentra au Palais-Royal, d’où il ne sortit qu’avec l’ordre de mettre en liberté Broussel (28 août). Tout s’apaisa aussitôt ; chaînes et barricades disparurent. Les conseillers furent relâchés et le parlement reprit ses travaux.

Anne d’Autriche n’avait cédé que la rage au cœur. Profitant de la bonne volonté de Condé, irrité contre le parlement qui, en lui coupant les subsides, l’empêchait de poursuivre les résultats de sa victoire, elle tenta de se le rallier. Condé s’approcha de Paris à la tête de l’armée ; Anne se retira à Rueil, avec Mazarin, le jeune roi et toute la cour. De là, quelques arrestations furent ordonnées et une menace de coup d’État indéfiniment suspendue sur la capitale. Mais Condé ne paraissait pas décidé à frapper un coup décisif ; le peuple s’ameutait, et le parlement, après tant de discussions, apportait sa loi de finances. C’était la suppression de la moitié des revenus publics : et les caisses étaient vides ! Anne d’Autriche signa néanmoins ce qu’elle considérait comme l’assassinat de la puissance royale. Cela ne suffisait pas encore ; on demandait l’exil de Mazarin et la rentrée de la cour à Paris. Les pamphlets, les chansons circulaient sur le compte de Mazarin et d’Anne elle-même. Mazarin supportait tout avec impassibilité, même la défection de la cour, qui lui était aussi hostile que ses ennemis ; mais Anne d’Autriche sentait se révolter en elle son sang espagnol. Toute la cour s’enfuit à Saint-Germain, où elle pouvait être couverte par l’armée des Flandres. Condé se décida à appuyer ouvertement l’autorité royale, et, le 7 janvier 1649, une lettre de cachet enjoignit au parlement d’abandonner la capitale et de se retirer à Montargis. En même temps Condé, à la tête de 15, 000 hommes, bloquait Paris.

L’exaspération fut à son comble ; la résistance fut décidée, et tout de suite on trouva de l’argent ; le parlement s’imposa lourdement lui-même ; chaque maison, chaque porte dut fournir un soldat tout équipé ; un gouvernement fut organisé à l’Hôtel de ville, et, pour se mettre à la tête des troupes, se présentèrent immédiatement le prince de Conti et le duc de Beaufort. Turenne se prononça en Allemagne pour le parlement ; mais son armée refusa de le suivre. La campagne fut peu favorable aux Parisiens ; cependant il n’y eut guère qu’une série d’escarmouches pour la possession des localités voisines ; les troupes de Condé furent partout maîtresses, sans réussir toutefois à empêcher l’approvisionnement de la ville. Les intrigues des Espagnols qui, quoique en guerre avec la France, offraient leur concours au parlement afin de favoriser les divisions, la lassitude générale et aussi la stupeur causée par l’issue de la révolution d’Angleterre, qui conduisait précisément à cette époque (30 janvier 1649) Charles Ier à l’échafaud, engagèrent les partis à se rapprocher. Des conférences s’ouvrirent à Rueil le 9 février suivant, et, après beaucoup de pourparlers et de transactions, un traité de paix fut signé. Les choses furent remises dans l’état où elles étaient lors de la déclaration du 24 octobre ; le roi eut seulement la permission d’emprunter 24 millions pour les besoins urgents. Quant aux frondeurs, leurs prétentions, ou du moins celles des chefs et même des subalternes, de cette cohue de petits princes et seigneurs dont l’épée s’était mise au service des parlementaires, disons-nous, furent si exorbitantes, qu’elles tombèrent sous le ridicule ; ils ne demandaient rien moins que le partage, entre eux, de la France entière. Ils ne l’obtinrent point ; il est vrai que le parlement réitéra sa demande d’expulsion du cardinal sans l’obtenir davantage. Cette paix n’était qu’une fiction ; elle mit fin seulement à la première Fronde.

La seconde a un tout autre caractère. Les parlementaires, une fois satisfaits par quelques concessions, quelques-uns, achetés assez chèrement, comme Gondy qui veut le chapeau de cardinal, se sont rapprochés de la reine et du cardinal. Mais une nouvelle Fronde, celle des petits-maîtres, va sortir des prétentions de la noblesse qui avait, jusque-là, servi la cour. Enorgueilli des services qu’il avait rendus, Condé marchait à la conquête du pouvoir à travers les complots et les intrigues ; il faut dire de plus que Mazarin ne se montra pas très-habile vis-à-vis de lui, et le froissa volontairement. Diverses circonstances restées obscures, comme le coup de pistolet tiré au Pont-Neuf, sur le carrosse du prince, tentative dont il accusa d’abord les parlementaires, puis le cardinal, décidèrent l’hostilité du vainqueur de Rocroi et de Lens : c’était juste le moment où la vieille Fronde se ralliait en partie à la cour. Mazarin crut qu’il ne risquait rien en essayant encore d’un coup d’autorité ; il fit jeter à Vincennes les princes de Condé et de Conti et le duc de Longueville.

C’était le commencement de la guerre. La duchesse de Longueville sut, dans cette première phase des hostilités, rallier Turenne à son parti ; Turenne s’empara de Stenay ; en même temps la Normandie et Bordeaux se soulevèrent. Mazarin, laissant au maréchal Du Plessis la direction de la guerre étrangère, résolut d’étouffer en personne la guerre civile. La Normandie rentra dans le calme après une courte expédition ; Bordeaux fut également pacifié ; mais la victoire fut plus coûteuse dans le Nord. Cependant le maréchal Du Plessis réussit à prendre Rethel, malgré Turenne, qui accourait au secours de la ville assiégée, et à battre le grand capitaine lui-même quelques jours après (15 décembre 1650).

Mazarin croyait triompher. C’était le moment de son plus grand péril. Les restes de la vieille Fronde s’agitaient à Paris ; le parlement demandait à connaître du procès des princes, et, sur la résistance de la cour, votait à une grande majorité leur délivrance. Mazarin avait compté tenir les deux Frondes en échec l’une par l’autre ; il s’était trompé : elles faisaient alliance. Le duc d’Orléans (Gaston) se déclarait pour les princes ; une assemblée de la noblesse décidait le soulèvement du royaume contre Mazarin. Le cardinal, vaincu par cette coalition, dut prendre le chemin de l’exil, et une délibération du parlement ne lui donna que quinze jours pour franchir la frontière ; passé ce délai, il était permis de « lui courir sus » (9 février). La reine, qui ne l’avait sacrifié qu’en apparence et comptait le rejoindre à Saint-Germain, tomba elle-même, avec le jeune roi, au pouvoir des coalisés. Il fallut céder et signer la délivrance de Condé.

Mazarin était éloigné ; la reine semblait disposée à toutes les concessions ; Condé, libre, hésitait à engager sans motif la guerre civile. Son animosité contre le cardinal de Retz, rallié à la cour, et les instances de sa sœur, la duchesse de Longueville, le décidèrent. S’appuyant sur les Espagnols, avec lesquels il négociait depuis longtemps et auxquels il livra des places de sûreté, il souleva le Languedoc et la Guyenne ; tout le sud-ouest fut bientôt en feu. Cependant Mazarin rentrait en France malgré les décrets de bannissement, ralliait autour de lui une petite armée, et, ce qui valait mieux encore, Turenne, puis rejoignait la cour, décidée à jouer une dernière partie ; En ce moment, elle errait sur les bords de la Loire, protégée par la petite armée du maréchal d’Hocquincourt, qui assiégeait Angers, où le duc de Rohan commandait les rebelles ; Mlle de Montpensier, fille de Gaston, s’était emparée d’Orléans ; Paris était neutre, quoique le parlement maintînt l’exil du cardinal ; les plus grandes forces des rebelles étaient campées vers Montargis, et Condé, abandonnant la Guyenne, venait se mettre à leur tête.

Les deux armées se rencontrèrent : les frondeurs réunis sous la main de Condé, les troupes royales divisées en deux corps, l’un sous Turenne, l’autre sous d’Hocquincourt. D’Hocquincourt fut culbuté à Briare (7 avril), et Turenne ne dut qu’à une belle manœuvre de ne pas se voir entièrement écrasé à Bléneau (11 avril). Cependant tout était indécis, tant que Paris ne se prononcerait pas. Turenne s’en rapprocha ; vainqueur à Étampes, il tourna la capitale et occupa Saint-Denis. La bataille eut lieu aux portes de Paris, dans le faubourg Saint-Antoine ; Condé, battu, put néanmoins s’abriter derrière les murailles de la ville, dont Mlle de Montpensier fit ouvrir les portes, protégeant la retraite et le ralliement des troupes à l’aide du canon de la Bastille (2 juillet). En même temps des massacres de mazarins ont lieu, scènes de carnage barbares et révoltantes, et le duc d’Orléans est nommé lieutenant général du royaume.

La cour ne pouvait rien gagner tant qu’elle n’aurait pas l’appui du parlement, et celui-ci restait toujours hostile à Mazarin ; le cardinal dut s’éloigner encore une fois. Condé, résolu à continuer la guerre en partisan, quitta Paris dès que la réconciliation eut chance d’aboutir, et le roi fit son entrée dans la capitale (21 octobre). Bientôt la lassitude ramena Mazarin, qui put jouir de sa victoire, pendant que Condé, allié aux Espagnols, combattait pour ainsi dire à leur service contre la France. La dernière trace de la Fronde s’évanouit par la soumission de Bordeaux et de Périgueux.

La Fronde, quoique commencée sous de sérieux prétextes, et pouvant être considérée, dans son origine, comme une tentative d’établissement du régime parlementaire, n’inspire aucune sympathie ; sa défaite ne laisse aucun regret. On y voit l’avortement, sous l’influence de rivalités sans grandeur, des plus grands projets et des plus fermes principes. La haine du nom de Mazarin ne servit qu’à cacher les ambitions les plus éhontées, les intrigues les plus coupables ; le réveil de la féodalité eût été certainement, plutôt que l’établissement du régime parlementaire, le résultat de la Fronde, si elle n’eût échoué. Le cardinal n’était qu’un prétexte, et il en servit jusqu’au bout, même sous le règne de Louis XIV, pour la justification de ses ennemis. Quand le comte de Grammont, qui avait été frondeur, parlait devant le roi des choses arrivées à cette époque : « Sire, disait-il, c’était du temps que nous servions Votre Majesté contre le cardinal Mazarin. »

— Allus. hist. Fronde de David, Expression qui rappelle le combat singulier dans lequel le jeune David terrassa le géant Goliath avec une simple fronde, et qui s’emploie pour montrer qu’un instrument dédaigné peut triompher de la force.

Sous le règne de Saül, la guerre s’était allumée entre les Israélites et les Philistins, et les deux armées se trouvaient en présence. Depuis quarante jours, un géant d’une grandeur extraordinaire, coiffé d’un casque d’airain, revêtu d’une cuirasse à écailles, et armé d’une lance d’un poids énorme, sortait le matin et le soir du camp des Philistins, et venait défier en termes insultants les plus braves de l’armée ennemie : il se nommait Goliath. Les Hébreux, saisis de frayeur, frissonnaient à la seule idée de se mesurer avec ce terrible ennemi. Sur ces entrefaites, un jeune berger, nommé David, vint au camp israélite pour apporter des vivres à ses frères. Ayant entendu la provocation de Goliath, il alla trouver Saül et lui déclara qu’il était tout prêt à se mesurer avec le géant : « Tu ne saurais résister à ce Philistin, lui dit Saül, parce que tu es encore adolescent, et que celui-ci est un homme nourri à la guerre depuis sa jeunesse. — Plus d’une fois, reprit David, j’ai tué un lion ou un ours qui venait attaquer le troupeau de mon père ; j’en ferai autant de cet incirconcis, qui ose maudire l’armée du Dieu vivant. — Va donc, lui dit Saül, et que le Seigneur soit avec toi. » Alors le roi le revêtit de ses propres armes, lui mit un casque d’airain sur la tête et une lourde épée à la main ; mais David, qui n’était pas accoutumé à une pareille armure, s’en dépouilla aussitôt, choisit dans le torrent cinq pierres polies, et se présenta au combat avec une fronde et un simple bâton qu’il avait toujours à la main. Goliath, le voyant s’avancer dans cet état, lui dit avec dédain : « Suis-je un chien pour que tu viennes à moi avec un bâton ? » Puis, ayant maudit David en jurant par ses dieux et en poussant d’horribles blasphèmes, il ajouta : “ Viens, et je donnerai ta chair à manger aux oiseaux du ciel et aux bêtes de la terre. — Tu viens à moi, lui répondit David, avec la lance, l’épée et le bouclier ; mais moi, je viens au nom du Seigneur des armées, qui va te livrer entre mes mains ; je te tuerai, je te couperai la tête, et je donnerai aujourd’hui les corps morts des Philistins aux bêtes de la terre et aux oiseaux du ciel, afin que toutes les nations sachent qu’il y a un Dieu dans Israël. »

En parlant ainsi, il prit une pierre dans sa panetière, la lança avec sa fronde, et en frappa au front le Philistin, qui tomba le visage contre terre. Alors David, tirant l’épée de son ennemi, lui en coupa la tête. Les Philistins s’enfuirent épouvantés, et les Israélites en firent un grand carnage.

La fronde de David et sa lutte contre Goliath reviennent souvent sous la plume des écrivains :

« La plus belle partie de mon œuvre est celle où, plein d’un noble zèle, je représente le christianisme entrant en lice avec le paganisme, et, semblable à un nouveau David, renversant cet autre Goliath. »
                      HENRI HEINE.

« Le sarcasme sera toujours l’arme la meilleure dans de semblables discussions : le rire voltairien, leste et adroit de sa nature, triomphe sans peine de la scolastique, tout armée de lourds syllogismes, comme David, avec sa simple fronde, terrasse le géant Goliath. »
                      ALPHONSE ESQUIROS.

« Beaucoup d’hommes de notre pays aiment entendre médire de qui les gouverne ; les sympathies se rangent du côté de l’assaillant, qui se présente seul et nu pour lutter contre le colosse. Il y a là un peu de l’effet que produit le récit du combat de David contre GoliathM. de Cormenin profita largement de cette disposition. Qui eût fouillé dans la panetière du célèbre pamphlétaire eût trouvé la fronde et les cailloux. »
                       ALFRED NETTEMENT.

« Aujourd’hui (en 1829), continua Jollivet, l’avenir d’un jeune homme pauvre est dans le journalisme ; c’est ce que ne comprennent pas assez mes tristes amis. Ils ne se doutent pas que la dernière conspiration est morte avec le carbonarisme, et que la publicité est la fronde avec laquelle le David populaire frappera à la tête le Goliath monarchique. »
                        EDMOND TEXIER.

« Je continuai à me battre comme je devais. Dieu vint en aide au bon droit et fit encore une fois triompher David de Goliath. L’air sacré de la patrie double les forces de l’homme qui combat pour elle. Les bergers de l’Espagne abattirent ces géants qui avaient foulé l’Europe sous leurs pieds. L’aigle impériale fut obligée d’ouvrir les serres et de lâcher sa proie. La liberté avait vaincu la gloire. »
                       Félicien MALLEFILLE.

Fronde (HISTOIRE DE LA), par Sainte-Aulaire (Paris, 1827). La narration est claire, vive, simple, naturelle, dégagée de digressions et marchant droit au but ; non-seulement l’élocution est élégante sans recherche, ingénieuse et correcte sans efforts, mais les faits sont bien distribués, et les acteurs groupés avec un art qui met tout en lumière sans altérer en rien la vérité. Les vues et les théories historiques contenues dans ce livre sont ce qui le recommande le plus à l’attention. L’auteur y regrette l’ancien ordre social dont la Fronde fut le tombeau, et qui, en se développant régulièrement, eût produit, selon lui, d’excellentes institutions. Il voit dans la féodalité une organisation où, de proche en proche, le faible trouvait protection contre le puissant qui l’opprimait, où les devoirs, réciproques comme les services, formaient une chaîne qui rattachait entre eux tous les membres de la famille féodale. Tous étaient ainsi à l’égard du roi, lequel formait le dernier et le principal anneau de la chaîne, dans un état de dépendance, mais qui n’avait rien de servile. D’après M. de Sainte-Aulaire, ce système de hiérarchie, qui, du reste, disons-le, a été l’idéal plutôt que l’état réel du moyen âge, était fécond en promesses, et la cause des libertés publiques perdit beaucoup à sa destruction. Partant de cette idée, M. de Sainte-Aulaire juge sévèrement Richelieu et les autres fondateurs de l’unité française tant préconisée. On peut juger de l’esprit du livre par la citation suivante, extraite du premier chapitre :

« L’administration du cardinal de Richelieu fut sanguinaire, offensive pour la noblesse et la magistrature, et dégradante pour le caractère français, qui toujours honora l’esprit d’indépendance et de liberté. Pendant douze années, dit La Rochefoucauld, Richelieu avait violé toutes les lois du royaume, renversé toutes les formes de la justice et des finances. La volonté royale était devenue le souverain tribunal de la vie et des biens des hommes. Pour triompher des résistances que les traditions, les mœurs et les intérêts opposèrent à cette révolution, il fallut les coups d’État ; les coups d’État amenèrent les révoltes.

« Les actes, ainsi que l’a judicieusement remarqué un des hommes les plus éclairés de notre époque, sont de la même nature et doivent être jugés par les mêmes principes. En effet, que le souverain attaque ses sujets ou que les sujets attaquent leur souverain à main armée, c’est toujours l’empire de la force substitué à l’empire de la loi, et, dans un cas comme dans l’autre, de grands désordres vengeront les droits méconnus. »

Fronde (LA), opéra en cinq actes, paroles de MM. Auguste Maquet et Jules Lacroix, musique de Niedermeyer, représenté à l’Opéra le 2 mai 1853. Cet ouvrage important n’a pas eu le succès qu’il méritait. Il y a plus de musique, d’harmonie, de mélodie dans une seule scène de la Fronde que dans tout l’opéra de Roland à Roncevaux ; et cependant ce dernier a été porté aux étoiles à l’époque où il parut, tandis que l’autre a sombré presque aussitôt dans le gouffre de l’oubli. C’est peut-être la faute du livret, qui manque d’intérêt et de ces situations fortes qui conviennent à notre scène lyrique. Deux dames de la cour éprouvent une passion violente pour le jeune frondeur Richard de Sauveterre. Loïse de Champvilliers, par sa curiosité, le perd, le fait mettre en prison ; Hélène de Thémines lui offre des moyens honteux d’évasion, et le pauvre Richard se précipite de désespoir, du haut de la plate-forme du château. Le duc de Beaufort joue aussi un rôle dans la pièce ; mais cette figure n’offre aucun intérêt, parce qu’elle est en contradiction constante avec l’histoire. L’introduction, formée d’un chœur chanté par la faction des importants, est belle, mouvementée, magistrale ; la phrase de Richard : Ce cœur, jadis à vous, je ne puis vous le rendre, a de la noblesse ; le chœur : Ah ! quelle fête ! a de la chaleur. L’air de Thémines, au second acte ; la prière des deux fiancés : Oui, notre voix supplie ; le finale magnifique du quatrième acte, plein de gran-