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ment finira cette sanglante tragédie si vive et si compliquée. Heureux qui regarde d’un œil tranquille ces grands événements du meilleur des mondes possibles !

« Je suis, etc.

 « Voltaire. »

Enfin, voici l’homme, le politique et le roi peints par l’historien anglais Macaulay :

« Non content d’être son premier ministre, Frédéric voulut devenir son seul ministre. Il n’eut jamais besoin, nous ne dirons pas d’un Richelieu ou d’un Mazarin, mais même d’un Colbert, d’un Louvois ou d’un Torcy. Une sorte de passion insatiable pour le travail, te besoin qu’il éprouvait sans cesse d’ordonner, de se mêler de tout, de faire sentir son pouvoir, le mépris profond et la méfiance que lui inspiraient ses semblables, l’empêchèrent toujours de demander des conseils, de confier des secrets importants, de déléguer des pouvoirs étendus. Les premiers fonctionnaires de l’État étaient sous son gouvernement de simples commis, auxquels il n’accordait pas la confiance dont jouissent d’ordinaire de bons serviteurs. Il resta son propre trésorier, son commandant en chef, son intendant des travaux publics, son ministre du commerce et de la justice, son ministre de l’intérieur et des affaires étrangères, son maître de cavalerie, son intendant, son chambellan… Il ne pouvait pas tolérer une autre volonté que la sienne dans le gouvernement de l’État. Il ne voulait, pour l’aider, que des commis qui eussent seulement l’intelligence de traduire, de copier, de déchiffrer ses griffonnages et de donner une forme officielle à ses réponses laconiques. En fait de talents naturels et d’instruction, il n’en exigeait pas plus d’un secrétaire du cabinet que d’une presse lithographique ou d’une machine à copier. »

Outre l’Anti-Machinvel, Frédéric a composé des poésies françaises qui sont restées médiocres, malgré les retouches de Voltaire, ainsi qu’un grand nombre d’écrits en prose, également dans notre langue, comme nous l’avons dit, et qui ont une véritable supériorité. « En parcourant la colossale édition de ses œuvres, on reconnaît avec tous les critiques, les Villemain et les Sainte-Beuve, ce que le libre esprit des Diderot et des d’Alembert disait sans flatterie : c’est un grand écrivain, excellent prosateur, net, simple, mâle, d’étonnant sérieux, qui, même en face de Voltaire, dans ses très-belles lettres se soutient avec dignité. » (Michelet.)

« C’est un écrivain du plus grand caractère, dont la trempe n’est qu’à lui, mais qui, par l’habitude et le tour de la pensée, tient à la fois de Polybe, de Lucrèce et de Bayle. » (Sainte-Beuve.)

Plusieurs éditions des œuvres de Frédéric ont été publiées à diverses époques ; lui-même a réuni plusieurs de ses ouvrages sous le titre d’Œuvres du philosophe de Sans-Souci (on sait qu’il aimait à prendre ce titre). Le gouvernement de Berlin a commencé en 184G la publication de deux éditions, dont l’une, monumentale et splendide, n’a pas moins de 30 vol. in-4o.

Voici les titres des principaux écrits du roi-philosophe : l’Anti-Machiavel ; Instructions militaires (pour ses généraux) ; Correspondance amicale avec le général Fougue ; Mémoires pour servir à l’histoire de la maison de Brandebourg ; Poésies du philosophe de Sans-Souci ; Variétés philosophiques ; Histoire de mon temps ; Histoire de la guerre de Sept ans ; Considérations sur l’état présent du corps politique ; Essai sur les formes des gouvernements et sur les devoirs des souverains ; Examen critique du livre intitulé : Système de la nature ; Correspondance avec Mme du Châtelet, Voltaire, le marquis d’Argens, Fontetielle, etc.

Frédéric le Grand (histoire de), par M. Camille Paganel (Paris, 1830,2 vol.). Elle mérite la réputation qu’elle a justement acquise, et les événements des dernières années, la lutte entre la Prusse et l’Autriche, si brusquement terminée par la bataille de Sadowa, n’ont fait que redoubler pour les lecteurs français l’intérêt de cette histoire. On s’est demandé comment cette puissance, qui pesait si peu dans l’équilibre européen au xviie siècle, qui, au xviiie siècle, a joué un rôle déjà si considérable, est devenue prépondérante dans les affaires de l’Allemagne et de l’Europe au xixe siècle. On a trouvé la réponse dans le livre si instructif de M. Paganel ; on a vu que le véritable auteur de la grandeur présente de la Prusse est ce Frédéric que l’Europe a salué du nom de Grand, et que l’Allemagne appelle l’Unique. On a fait de nombreux ouvrages sur Frédéric II : en 1826, le fils de M. Dieudonné Thiébault a publié les mémoires de son père, qui vécut longtemps dans l’intimité de ce prince. Plus tard, Macaulay a composé un essai charmant sur la même sujet ; enfin. M. Thomas Carlyle, l’éminent historien anglais, l’auteur de l’Histoire de la Révolution française, vient de terminer une grande Histoire de Frédéric, le Grand, qui mériterait certainement d’être traduite en français. Tous ces travaux remarquables, et bien d’autres, n’ont pas fait oublier les deux volumes de M. Paganel. M. Paganel a bien compris que les meilleurs historiens de cette époque sont Voltaire et Frédéric lui-même, et il a fait un excellent usage de leurs ouvrages. M. Paganel avait d’abord composé 4 volumes, mais il a réduit son cadre et a resserré ses quatre volumes en deux seulement.

M. Paganel a retracé les origines si petites de la nation prussienne et de la maison de Hohenzollern. Il aurait pu faire remarquer que le pays qui se vante aujourd’hui de marcher à la tête de l’Allemagne, et qui tente de constituer autour de lui la nationalité germanique, était primitivement slave. Puis M. Paganel raconte les premières années de Frédéric, sa passion pour l’étude, ses goûts littéraires et ses premières guerres. Il aurait pu retracer d’une plume plus légère peut-être les rapports de Voltaire et de Frédéric II, cette amitié de deux hommes d’esprit, qui ne s’entendaient jamais mieux qu’à distance. M. Macaulay nous a laissé sur cet épisode des pages très-amusantes. Nous ne voulons pas raconter, même sommairement, le règne de ce grand roi ; nous nous contentons de renvoyer nos lecteurs à l’article qui lui est consacré ci-dessus ; nous voudrions faire comprendre les mérites de l’ouvrage de M. Paganel ; mais on ne les comprendra bien qu’en le lisant.

M. Paganel, dans la préface, déclare qu’il évitera deux écueils, la sévérité poussée jusqu’à la haine, et l’admiration jusqu’au fanatisme. Cependant on pourrait peut-être trouver que M. Paganel est parfois trop indulgent pour le héros de son histoire ; il n’insiste pas assez sur le caractère bizarre, capricieux, emporté de Frédéric ; il fait trop l’éloge de sa moralité, qui laissa parfois à désirer. Dans son dernier chapitre, il montre que Frédéric a vécu en harmonie parfaite avec son temps, et fait justement l’éloge de ce xviiie siècle que M. Michelet appelait un jour le grand siècle. Il fait une analyse intéressante des ouvrages de Frédéric, l’Anti-Machiavel, les Considérations sur l’état présent du corps politique de l’Europe, surtout l’Histoire de mon temps et les Mémoires pour servir à l’histoire de la maison de Brandebourg, l’Histoire de la guerre de Sept ans, et bien d’autres, sans compter les vers. Enfin, M. Paganel a essayé de laver Frédéric d’un reproche qu’on lui a souvent adressé : on l’a accusé d’être un prince français, de protéger les savants français et de négliger la littérature allemande ; M. Paganel a prouvé le contraire d’une façon péremptoire. « Ce fut à Frédéric le Grand, dit Gœthe, aux exploits de la guerre de Sept ans, que les muses allemandes furent redevables d’une expression vraie et élevée, d’une physionomie originale et pleine de vie. » Mirabeau, dans son ouvrage sur la Monarchie prussienne, a aussi montré qu’en encourageant les philosophes français, Frédéric inspira plus de hardiesse aux philosophes allemands.

Telle est cette histoire de M. Paganel, qui se recommande par une science solide et précise, et en même temps par un accent convaincu et entraînant, qui paraît inspiré du xviiie siècle.

Frédéric II (MÉMOIRES ET HISTOIRES DE) 1750,1788,1805]. Ces ouvrages se composent de divers travaux historiques tous relatifs aux annales de la Prusse ou au règne de Frédéric. Dès le début, l’auteur annonce qu’il veut la vérité dans l’histoire. « Un ouvrage écrit sans liberté ne peut être que médiocre ou mauvais. » Il dira donc la vérité sur les personnes et sur ses ancêtres ; mais il est d’avis « qu’une chose ne mérite d’être écrite qu’autant qu’elle mérite d’être retenue. » Il glisse, en effet, sur les temps barbares et stériles et sur les princes obscurs de sa race : « Il en est, dit-il, des histoires comme des rivières, qui ne deviennent importantes que de l’endroit où elles commencent à être navigables. » Et s’il choisit de préférence à toute autre langue le français, qui convient si bien à la netteté de son esprit, c’est que le français « est la langue la plus polie et la plus répandue en Europe, et qu’elle paraît en quelque façon fixée par les bons auteurs du siècle de Louis XIV. » Le narrateur esquisse avec sobriété les biographies des électeurs primitifs ; le ton général est sévère, bien que parfois des réflexions philosophiques dérogent à la ferme et mâle simplicité de son récit. Attentif à distinguer le fond de l’accessoire, il examine les grands événements par leurs grands côtés ; ainsi, la Réforme et la guerre de Trente ans ne sont définies que par leurs traits généraux. Le spectacle des dévastations et des calamités lui inspire, non des peintures déclamatoires, mais des sentiments d’humanité, des idées d’ordre et d’administration. Arrivé à Frédérie-Guillauume, dit le Grand électeur, l’homme qui a fondé la grandeur de sa maison, il s’étend sur son règne avec complaisance. Quand il aborde les affaires de son temps, et qu’il s’exprime sur les actes de son propre gouvernement, Frédéric n’abandonne pas le ton simple et vrai qu’il a pris en jugeant les autres. Impartial envers ses ennemis, il fait aussi la part de la fortune, et reconnaît ce que les calculs humains doivent à « l’occasion, cette mère des grands événements. » Dans le récit, sobre et rapide, des événements de guerre, il n’aborde les détails particuliers qu’autant qu’il se sent obligé de payer un tribut de reconnaissance à un compagnon d’armes ou à ses troupes. Observateur philosophe, il se plaît à faire sentir l’inanité des projets humains, et, ce qu’il aime, c’est une sage modération « qui rend les hommes impassibles aux biens et aux maux que le hasard dispense. » Moins précis et moins expressif que César et Napoléon, Frédéric ne dédaigne cependant pas l’art de bien écrire. Il a des mots qui peignent une situation ou qui résument un jugement. « La retraite des Suédois (campagne de 1679) ressemblait à une déroute ; de 16,000 qu’ils étaient, à peine 3,000 retournèrent-ils en Livonie. Ils étaient entrés en Prusse comme des Romains, ils en sortirent comme des Tartares. » Il a l’instinct de la vraie grandeur, et il n’en reconnaît le signe que sur le front des vrais héros. Pour lui, la reine Christine n’est qu’un esprit bizarre ; Charles XII et Pierre le Grand lui paraissent être les deux hommes les plus singuliers de leur siècle. De ce même Pierre le Grand il dit : « Pierre Ier, pour policer sa nation, travailla sur elle comme l’eau-forte sur le fer. » Habile à saisir les vices ou les ridicules dans les hommes qu’il a connus, il les caractérise, en courant, d’un trait qui se grave.

Le roi Frédéric-Guillaume II a fait publier, de 1840 à 1856, sous les auspices et la direction de l’Académie de Berlin, une édition magnifique des Œuvres de Frédéric II, en 33 volumes.


FRÉDÉRIC-GUILLAUME II, roi de Prusse, neveu et successeur du grand Frédéric, né en 1744, du prince Auguste-Guillaume, mort en 1797. Après lu mort de son père, il fut déclaré prince royal par Frédéric II, qui lui fit donner une éducation sévère ; mais, entraîné par ses goûts pour le plaisir, il se livra à des dérèglements qui, pendant longtemps, le mirent en froid avec son oncle. Les preuves de bravoure qu’il donna à Neustaedt. en Silésie, pendant la guerre de la succession de Bavière (1778), le réconcilièrent complètement avec le roi de Prusse ; et quand il arriva à Breslau et se présenta devant Frédéric, au retour de cette campagne, celui-ci l’embrassa en lui disant :« Vous n’êtes plus mon neveu, vous êtes mon fils. » Lorsqu’il monta sur le trône, en 1786, Frédéric-Guillaume II trouva le trésor public rempli, l’administration et l’armée dans un très-bon état, la Prusse en paix avec ses voisins, et devenue, entre les mains de son prédécesseur, presque l’arbitre de l’Europe. Mais ce prince ne sut pas suivre les traces du grand Frédéric. Il gaspilla en folles prodigalités les finances de la Prusse et lança ce pays dans des guerres ruineuses et sans utilité. Il comprima la révolution de Hollande (1787-1788) ; mais il fut moins heureux avec la France. Ardent promoteur de la coalition de Pilnitz (1791), il fit marcher contre nous, en 1792, une armée qui vint se fondre dans les marais de la Champagne. Le 5 avril 1795, il était contraint de signer, à Bâle, la paix avec la République française, en lui abandonnant la rive gauche du Rhin. Pendant qu’il se battait contre la France, Frédéric-Guillaume jouait le plus triste rôle vis-à-vis de la Pologne. Il prit part aux deux derniers partages de ce pays, malgré le traité du 29 mars 1790, d’après lequel la Prusse avait garanti au roi de Pologne, Poniatowski, l’hérédité du trône dans sa famille, l’intégrité du royaume de Pologne et un secours de 40,000 hommes d’infanterie et de 4,000 hommes de cavalerie, dans le cas où les puissances étrangères se mêleraient des affaires intérieures de la Pologne. Catherine II ayant profité du moment où la Prusse et l’Autriche se trouvaient en guerre avec la France pour s’emparer de la Pologne, Frédéric-Guillaume se trouva dans l’alternative ou de faire la guerre à la Russie ou de se joindre à elle pour partager la proie qu’elle convoitait. C’est ce dernier parti qu’il se hâta de prendre. Il envoya dans la Grande-Pologne (1793) un corps d’armée qui s’empara, avec Dantzig et Thorn, d’un vaste territoire comprenant 1,000 milles carrés. La diète polonaise de Grodno se vit contrainte de consentir à la cession des territoires qui venaient d’être soustraits, par la force, à la Pologne. Mais, dès l’année suivante (1794), une grande insurrection éclata dans ce pays, sous le commandement de Kosciusko et de Madalinski. À plusieurs reprises, les Russes et les Prussiens furent battus. Cependant, encore une fois, la juste cause se vit écrasée. Battu, le 10 octobre 1794, par le général russe Fersen, Kosciusko fut fait prisonnier, et la dernière forteresse des patriotes, Praga, dut se rendre, le 4 novembre, au général russe Souvaroff. Cette victoire donna lieu au troisième partage de la Pologne, qui valut à la Prusse une augmentation de 2,200,000 habitants.

Ce chiffre s’accrut de 85,000 par l’annexion des principautés d’Anspach et de Baireuth, achetées en 1791, moyennant une rente de 500,000 florins, servie au margrave Christian-Frédéric-Charles-Alexandre. Malgré l’agrandissement de la Prusse, non-seulement le trésor public, qui contenait 70 millions d’écus à la mort du grand Frédéric, se trouva vide à la fin du règne de Frédéric-Guillaume, mais encore l’État se trouva endetté de 22 millions d’écus. Sous le règne de ce prince, la tolérance éclairée du grand Frédéric, la liberté de pensée, si favorable au développement d’une jeune nation, reçurent une funeste atteinte par l’édit de religion (1788) et par différentes mesures prises dans un esprit rétrograde, notamment par l’établissement de la censure. Toutefois, Frédéric-Guillaume réduisit les taxes publiques, facilita le commerce, l’industrie, protégea l’agriculture, fonda plusieurs institutions pour l’enseignement, et publia, en 1794, le code prussien, que son oncle, Frédéric le Grand, avait fait en partie élaborer, et qui s’est maintenu jusqu’à nos jours. Ce prince épousa, en premières noces, Élisabeth-Christine Ulrique, princesse de Brunswick. En 1769, il divorça d’avec elle et se remaria avec la princesse Louise de Hesse-Darmstadt, morte en 1805. De ce mariage sont issus quatre fils : Frédéric-Guillaume III, son successeur, né en 1770, mort en 1840 ; Louis, mort en 1796 ; Henri, mort en 1846, et Guillaume, mort en 1851.


FRÉDÉRIC-GUILLAUME III, roi de Prusse, fils aîné et successeur du précédent, né en 1770, mort le 7 juin 1840. Il reçut sa première éducation sous la direction de sa mère, la princesse Louise de Hesse-Darmstadt, et de son grand-oncle, Frédéric II, puis eut pour gouverneur le comte Charles de Brùhl, qui l’initia à la politique en même temps qu’à l’art militaire. Pendant la guerre contre la France, en 1792, il se rendit avec son père à l’armée du Rhin et s’y fit remarquer par son courage. L’année suivante, il épousa la princesse Louise de Mecklembourg-Strelitz, pour laquelle il ressentait une vive affection. Dès son avènement au trône, en 1797, il s’attacha à réparer les fautes du dernier règne :la tolérance religieuse fut rétablie, la censure modifiée dans le sens libéral, les finances restaurées. Il s’entoura de bons conseillers et plaça à la tête de l’administration un homme d’une probité et d’une capacité reconnues. Le nouveau roi ne se laissa point distraire dans ce travail de réorganisation, restant sourd aux excitations et aux menaces des puissances coalisées contre nous. Ce prince était pacifique ; il respecta la République française et le traité de paix de Bâle, que son père avait conclu avec elle. Son intention était de vivre en paix avec la France aussi bien qu’avec toutes les autres puissances, et de consacrer toutes ses forces à l’amélioration du pays. Le traité de Lunéville (1801) enleva à la Prusse ses possessions de la rive gauche du Rhin ; mais cette puissance reçut en compensation, en 1803, un accroissement de territoire d’environ 180 milles carrés géographiques, ayant une population de plus de 400,000 habitants. À peu près vers cette époque, elle fit avec la Bavière des échanges de territoires qui l’arrondirent et l’agrandirent de telle sorte, qu’elle compta alors 10 millions d’habitants. En 1805, la roi de Prusse finit par entrer dans la troisième coalition, entraîné par Alexandre, venu lui-même à Berlin, et irrité de la violation du territoire d’Anspach, traversé par nos troupes marchant sur Vienne. Déjà il était engagé, lorsque le coup de foudre d’Austerlitz vint le rappeler à la prudence. Il se hâta de faire sa paix avec Napoléon, moyennant quelques concessions de territoire, en échange desquelles il obtint le Hanovre (15 déc. 1805). Bientôt, l’établissement de la confédération du Rhin troubla la bonne harmonie. Frédéric-Guillaume prétendait réunir sous son protectorat les États de l’Allemagne du Nord, comme Napoléon avait fait de ceux du Midi. On ne put s’entendre, et les hostilités commencèrent la 9 octobre 1806. Le 14, Napoléon, vainqueur à Iéna, entrait à Berlin, et bientôt le roi, dépouillé de ses États, se trouvait confiné à Memel. Grâce à l’empereur de Russie, il rentra, par le traité de Tilsitt (1807), en possession d’une partie de son royaume ; mais, avant de passer des écrits au fait, il eut à subir du vainqueur les plus humiliantes épreuves. Napoléon lui imposait d’énormes contributions de guerre, 100 millions, qui devaient être payées avant l’évacuation des troupes françaises. L’épuisement de toutes ses provinces mettait le roi dans l’impossibilité de payer une somme si lourde. Il suppliait l’empereur de lui accorder des réductions et de retirer son armée. Dans une lettre, inédite, qu’il lui adressait de Memel, le 3 août 1807, et dont nous avons l’original sous les yeux, il lui dit : « Quelles sont vos vues sur la Prusse ? Votre Majesté en a-t-elle décidé l’anéantissement politique ? Expliquons-nous, sire : le langage de la conscience et de la franchise est celui qu’il convient d’adresser au plus grand homme de notre siècle. Prononcez le rôle que vous voulez m’assigner parmi les puissances de l’Europe… »

Frédéric-Guillaume ne rentra dans sa capitale qu’au mois de décembre 1809. Loin de se laisser abattre par le malheur, il s’occupa sans relâche des réformes réclamées par le pays, de la reconstitution de l’armée. Deux hommes d’une haute capacité, Stein et Hardenberg, travaillèrent alors avec le roi à la régénération de la Prusse par l’établissement d’institutions libérales et par une réorganisation radicale de l’administration. Les principaux points de cette réforme furent l’égalité, devant la loi, de la noblesse et de la bourgeoisie ; la liberté du travail, de l’industrie et du commerce ; l’abolition de la corvée des paysans (loi du 9 octobre 1807) ; l’indépendance des communes en ce qui concerne la gestion de leurs affaires municipales et la représentation des villes par des conseillers municipaux (19 novembre 1808).-L’instruction publique devint obligatoire et gratuits pour les pauvres (30 octobre 1810). L’université de Berlin fut fondée en 1809, et, en même temps, celle de Francfort-sur-l’Oder fut transférée à Breslau. Pour améliorer les finances