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Bruxelles en 1677, entra dans l’ordre des carmes, où il remplit des charges importantes. Il a laissé un assez grand nombre d’ouvrages, dont les principaux sont : Noctua belgica (1651, in-4o) ; Theologia universa (Anvers, 1662, 6 vol. in-fol.) ; Apologema retortum seu retorta disputatio apologetica de ignorantia invincibili et opinionum probabilitate (Louvain, 1665, in-4o) ; Christi fidelium contritionale (Malines, 1667, in-4o) ; Historico-theologicum Carmeli armamentarium (1669, in-4o), etc.


FRANÇOIS DE NEUFCHÂTEAU (Nicolas-Louis), comte de l’Empire, membre de l’Académie française, homme d’État et écrivain, né à Saffais, dans les Vosges (Lorraine), en 1750, mort à Paris en 1828. On a révoqué en doute la légitimité de sa naissance ; il paraît qu’il était fils d’un instituteur de village, qui devina probablement ses aptitudes et donna tous ses soins à son instruction élémentaire. Son nom était François tout simplement, et son père, le maître d’école, n’avait aucune prétention à la noblesse. Distingué de ses condisciples par un gentilhomme, Henri de Liétard d’Hénin, bailli d’Alsace, qui habitait la petite ville de Neufchâteau, il put, grâce à l’amitié du ce seigneur puissant, continuer ses études, un moment interrompues par la modicité de la fortune paternelle. Il profita si bien de cette faveur, que, à l’âge de douze ans, il put remercier ses bienfaiteurs en vers. L’année suivante, les Académies de Dijon, de Nancy et de Marseille lui ouvrirent leurs portes ; il était trois fois académicien à treize ans ! Le premier volume de vers du jeune poëte, qui parut à Neufchâteau en 1766, portait ce titre : Pièces fugitives de M. François, de Neufchâteau, en Lorraine, âgé de quatorze ans. L’ouvrage, il est vrai, manque d’invention ; mais il y a de la grâce et une certaine suavité enfantine agréable à respirer. Il eut quelque succès, dû nécessairement à la curiosité qu’inspirait une vocation si précoce. Voltaire lui-même, qui remplissait le siècle de son nom, s’émut de cette jeune réputation et envoya à l’auteur, avec la grâce spirituelle qu’on lui connaît, une petite pièce où il lui promet sa succession littéraire :

Il faut bien que l’on me succède,
Et j’aime en vous mon héritier.

Ces encouragements ont trouvé de nos jours une place toute faite dans les vanités littéraires. Un timide auteur balbutie-t-il ses premiers vers, il se hâte de les dédier à un nom auguste, et le patron de ce recueil d’Églantines ou de Gerbes répond qu’il n’est rien, qu’il ne faut pas le compter, qu’il n’ose plus parler de ses poésies après les Églantines, etc. Quoi de mal à cela ? Aimez-vous mieux qu’on rebute l’écrivain novice qui cherche à assurer ses pas tremblants en s’appuyant sur vous ? Ce serait inhumain. Voulez-vous aussi que l’homme se corrige de son amour pour la flatterie ? C’est trop exiger de la faiblesse humaine. Quoi qu’il en soit, le jeune poëte continua sa carrière avec une noble assurance et fit bientôt paraître deux nouveaux volumes, sous le nom de Poésies de deux amis, en collaboration avec de Mailly. Cette production éphémère désillusionna ceux qui avaient trop espéré de l’enfant prodige, et lui fit même un tort considérable. On l’avait élevé trop haut, on le rabaissa avec excès. Heureusement qu’il avait du courage et de la vocation. En 1770, il composa pour la distribution des prix du collège de Toul une ode qu’il débita lui-même dans cette solennité, et qui excita de nombreux et vifs applaudissements. Ce succès valut à François une chaire de rhétorique, et ce fut l’évêque lui-même qui la lui offrit. Mais le professeur ne tarda pas à éveiller des soupçons dans le clergé. Il laissait percer de temps en temps l’oreille du déisme et même de l’encyclopédisme, si l’on peut dire ainsi. Le prélat, irrité qu’on changeât ses dons en armes empoisonnées pour en frapper ses ouailles, remercia le professeur et l’invita à chercher une nouvelle carrière. C’est probablement de là que provient la profonde antipathie que François a toujours montrée pour le clergé pendant tout le cours de sa longue carrière. Le pape lui-même ne fut pas à l’abri de sa verve caustique, et les vers que nous citons nous paraissent gravement entachés d’antipapisme :

 Enfin, au conclave assemblé,
Le Saint-Esprit avait parlé ;
Bon choix avait de Dieu fait nommer le vicaire.
Un certain cardinal, s’approchant du saint-père,
À l’oreille lui dit : « Le sort en est jeté ;
Vous êtes pape, enfin ; cette heure est la dernière
Où jusqu’à vous peut-être ira la vérité ;
Séduit par les respects et du monde et de Rome,
Vous ne tarderez pas à vous croire un grand homme ;
L’encens de l’univers viendra vous enivrer ;
Mais songez qu’avant d’être en un si grand théâtre,
Vous n’étiez rien qu’un sot et qu’un opiniâtre ;
Adieu… je vais vous adorer. »

Comme la fortune littéraire ne semblait pas lui sourire, François, qui avait la parole facile et élégante, le débit heureux et l’intelligence bien cultivée, vint à Paris avec l’intention de faire son droit et d’entrer résolument dans la vie pratique. Il n’avait pas pour cela renoncé à la poésie, et il nous le dit lui-même dans une heureuse métaphore : « J’unissais les roses de la littérature aux épines de la jurisprudence. » On le voit ensuite se porter comme candidat au poste de secrétaire perpétuel de l’Académie de Nancy, se faire recevoir docteur en droit à Reims, suivre le barreau de Paris sous le patronage de Linguet, publier des mémoires judiciaires qui furent fort estimés, et le posèrent comme légiste et homme d’affaires très-habile. En même temps, il jetait à profusion dans les recueils du temps ses poésies fugitives. L’épigramme avait trouvé en lui son plus dangereux prosélyte. Les médecins sont souvent en butte à ses attaques :

 « Mes malades jamais ne se plaignent de moi, »
Disait un médecin d’ignorance profonde.
« Ah ! répartit un plaisant, je le croi :
Vous les envoyez tous se plaindre en l’autre monde. »

C’était sanglant. Et les coquettes :

 La vieille Alix, jadis si belle,
Jadis si chère à ses amants,
Se courbait sous la faux du temps,
Et se croyait toujours… nouvelle.
Un jour une glace fidèle
Lui fit voir ses traits allongés :
« Ah ! quelle horreur ! s’écria-t-elle ;
Comme les miroirs sont changés ! »

Hélas ! François ne devait pas tarder à connaître les amertumes de la vie. Déjà son admission au barreau de Paris lui avait causé quelques désagréments ; son mariage vint encore lui en créer de plus pénibles. Il épousait Mlle Dubus, fille d’un ancien danseur de l’Opéra et nièce de l’acteur Préville, belle et riche, ce qui était pour notre avocat sans causes une excellente affaire. Malheureusement, le conseil de l’ordre des avocats, qui ne voulait pas être déshonoré dans un de ses membres, raya l’époux audacieux du tableau et se sépara complètement de lui. Il ne faut pas y voir une mesure injuste imputable au conseil ; c’était le temps des préjugés, nous le savons, et les comédiens n’étaient pas encore réhabilités. François, que sa nouvelle fortune rendait indépendant, se soumit sans trop de révolte à ce sévère arrêt et acheta la charge de lieutenant général au bailliage de Mirecourt. Mais sa femme, habitués à la fiévreuse existence des sociétés parisiennes, profondément blessée d’ailleurs dans sa fierté, tomba dans une noire mélancolie, qui, provoquant une maladie de langueur, l’emporta en 1776. Peu de temps après, François obtint du parlement l’autorisation de joindre à son nom celui de Neufchâteau, sous lequel il était depuis longtemps déjà connu et estimé. Les travaux du magistrat n’empêchaient pas le poëte de se livrer à ses occupations chéries. Il consacrait à sa muse toutes les heures qu’il pouvait dérober à son administration, entrant en lutte, pour la plus grande gloire de l’Académie de Nancy, avec Tressan, Saint-Lambert, Porquet, Boufflers et autres. Il s’étudiait à badiner avec grâce et prenait comme modèles Voltaire et Chaulieu. Au-dessus de tout cela, il avait entrepris une œuvre immense qui devait entourer son nom du plus vif éclat et le mettre au premier rang des poètes de son époque : c’était la traduction du Roland furieux, dont nous raconterons tout à l’heure la triste destinée. En 1781, François cumula avec ses fonctions celles d’intendant de Lorraine et se remaria. Cette union fut aussi malheureuse que la première. Les deux époux vécurent complètement séparés, et, beaucoup plus tard, Mme François mourut assassinée. En 1783, le maréchal de Castries nomma François procureur général du conseil supérieur du Cap (île de Saint-Domingue). Ce voyage ne s’accomplit qu’à travers mille péripéties émouvantes, qui font l’objet d’un de ses récits les plus curieux. Parti de Nancy pour s’embarquer à Bordeaux, sa voiture se brise près de Châtellerault, et il est obligé de faire à pied une traite fort longue. À Angoulême, il mange des oranges qui l’empoisonnent et le mettent à deux doigts de la mort. Il put enfin s’embarquer le 8 novembre, et, après une heureuse traversée, il arriva le 17 décembre au Cap-Français. La fièvre le saisit dès qu’il eut mis le pied sur le sol de l’île ; mais sa bonne constitution triompha de la maladie. Son administration fut signalée par d’utiles réformes, et le poète travaillait toujours à sa vaste traduction, qui touchait à sa fin. Il fallait aussi la faire imprimer, et, à cet effet, François demanda un congé pour revenir en France. Il s’embarque, autre Camoëns, avec le précieux manuscrit, sur une frégate qui, la seconde nuit du départ, échoue et se perd sur les récifs de Mogane. Le poëte, cramponné à une épave du navire, est lancé par le flot sur un rocher où il trouve six ou sept de ses compagnons, échappés à l’affreux naufrage. Bientôt ils se demandent avec inquiétude comment ils dompteront la faim et la soif qui commencent à les tourmenter. François est sombre et désespéré ; toutefois, il est moins sensible au malheur que ses compagnons, parce qu’une pensée l’obsède ou plutôt l’anéantit : il a perdu son poème ! Huit ou dix années de travail, réputation brillante, fortune : la mer a tout englouti. Il voyait sans frémir la mort s’avancer vers lui et la souhaitait peut-être, quand un petit navire des Bermudes vint les arracher à cette horrible situation pour les mener à Saint-Domingue. Quand le conseil supérieur du Cap fut supprimé, François revint dans sa patrie, et, dégoûté du monde, il acheta une terre qu’il se mit à cultiver. Il était passionné pour l’agriculture et avait fait deux ouvrages très-remarquables sur le semage et la récolte des grains. C’est la partie la plus calme de son existence. La troisième a été consacrée presque tout entière à la politique. La Révolution le surprit dans sa retraite et l’appela sur la scène. Les états généraux étaient convoqués ; François de Neufchâteau rédigea les cahiers du bailliage de Toul et fut nommé député suppléant à l’Assemblée nationale. L’année suivante, le roi le chargea de l’organisation du département des Vosges, et, comme récompense, il obtint la charge de juge de paix du canton de Vicherey, où était son petit domaine. Député à l’Assemblée législative, il en fut tour à tour secrétaire et président. Il en profita pour attaquer de nouveau les prêtres réfractaires et non assermentés. « L’Église, disait-il, doit être dans l’État, et non l’État dans l’Église. » François, en maintes circonstances, fit preuve de courage civil et de vrai patriotisme. Il dénonça résolument les menées tendant à empêcher la réunion de la Convention nationale à Paris, et invita ses collègues à rester à leur poste jusqu’à la réunion de la nouvelle Assemblée. Il demandait aussi que les membres de l’Assemblée dissoute fussent de garde à la Convention le jour où elle prendrait en main le pouvoir souverain. Pour bien comprendre le courage qu’exigeaient ces propositions, il faut se rappeler en quel danger était alors la France, il faut se rappeler que l’armée prussienne avait envahi le territoire et fait de grands progrès en Lorraine. François jouait sa tête, et elle eût infailliblement tombé la première si une restauration fût survenue. Appréciant ce dévouement, la Convention le nomma, le 6 octobre 1792, ministre de la justice ; mais il déclina cet honneur, prétextant le mauvais état de sa santé.

Délivré momentanément du poids des affaires publiques et d’une lourde responsabilité devant l’histoire, Neufchâteau mit la dernière main à une comédie empruntée au célèbre roman de Richardson, Paméla ou la Vertu récompensée. Elle avait été lue en 1791 avec peu de succès au Lycée ; la scène lui fut plus favorable (1er août 1793). Le public applaudit avec enthousiasme, et le poète, bercé au doux bruit de ces acclamations, s’enivrait d’un succès dont il ne prévoyait pas les terribles conséquences. Le comité de Salut public avait remarqué deux vers en eux-mêmes fort inoffensifs, mais que les circonstances rendaient excessivement suspects :

 Ah ! les persécuteurs sont les seuls condamnables ;
Et les plus tolérants sont les plus raisonnables.

D’abord on pria l’auteur de changer le sujet de sa pièce comme trop aristocratique. Neufchâteau s’exécuta de bonne grâce, mais ne s’en vit pas moins arrêté sous l’inculpation de modérantisme. Ce fut en vain qu’il adressa un mémoire justificatif à l’ombrageuse Convention ; il resta sous les verrous jusqu’au 9 thermidor. Que faire dans une prison, sinon des vers ? Neufchâteau profita donc de ces loisirs forcés pour composer des chansons anacréontiques, des hymnes républicains et une prière pour la fête de l’Être suprême. Il dirigeait aussi contre le roi la fameuse fable du Porc-épic. Bien mieux, il adressa deux mémoires à la Convention nationale, l’un ayant trait à l’établissement des greniers d’abondance, l’autre aux moyens propres à suppléer au défaut de bras pour la culture et la récolte. L’Assemblée en ordonna l’impression et porta l’auteur pour le ministère de l’intérieur, concurremment avec Paré.

À peine en liberté, Neufchâteau est investi des fonctions de juge au tribunal de cassation, et, à la fin de 1794, est nommé commissaire du Directoire exécutif pour le département des Vosges. Au milieu de ces changements successifs de situation, l’homme politique n’avait pas changé de principes. Il était modéré, et il ne se départit jamais de cette modération qu’à l’égard des prêtres qui n’avaient pas voulu prêter serment à la constitution républicaine. L’État n’avait pas d’ailleurs d’ennemis plus dangereux que ces hommes, toujours disposés à attiser le fanatisme et à favoriser l’ignorance qui faisait leur force pour ramener l’ancien état de choses. Ce fut à Épinal que François termina son poëme des Vosges, œuvre d’intention très-louable, mais d’un mérite littéraire fort discutable. Il lut lui-même son ouvrage au peuple assemblé, le jour anniversaire de la fondation de la République française. Le sujet seul de cette lecture fit le succès du poëme. En 1797, François était ministre de l’intérieur ; à peine installé, il suppléa Carnot dans sa place au Directoire exécutif, mais n’y resta que jusqu’au 20 floréal de l’an VI. Envoyé à Vienne avec une mission politique très-importante (affaire Bernadotte), il reprit à son retour le portefeuille de l’intérieur et signala son administration par des actes excellents. Pour s’en convaincre, il suffit de jeter les yeux sur le Recueil des lettres, circulaires, instructions, programmes, discours et autres actes publics émanés du citoyen François de Neufchâteau pendant ses deux exercices au ministère de l’intérieur (Paris, an VII [1799], 2 vol. in-4o).

Le nouveau ministre introduisit d’abord dans les solennités publiques plus de décence et de splendeur. Il fut aussi le créateur du musée du Louvre ; ce fut lui qui inaugura l’Apollon, le Mercure et l’Antinous du Belvédère, la Vénus du Capitole, le Laocoon, la Transfiguration de Raphaël, les Chevaux de Corinthe et tant d’autres monuments que les victoires de la République avaient conquis et que les derniers revers du premier Empire ont fait perdre.

Cependant ce zèle pour le bien, cette activité incessante, ces talents administratifs n’avaient pas désarmé les ennemis de Neufchâteau. De nouveau suspecté de royalisme, il tomba en disgrâce et fut remplacé par Quinette jusqu’au 18 brumaire, où il reprit son poste. Entré au Sénat conservateur, il en fut nommé secrétaire (1801) et président annuel (1804). C’est en cette dernière qualité que François rédigea l’adresse que le Sénat présenta au premier consul pour l’adjurer de donner au peuple des institutions tellement combinées, que leur système lui survécut. Ce fut encore lui qui prit la parole le 1er décembre 1804, quand la servile assemblée vint déposer aux pieds du maître le résultat des votes nationaux pour l’hérédité de la famille impériale. Toutefois, ne rendons pas François de Neufchâteau seul solidaire de ces basses flatteries et de ces plates adulations, dont il n’était que l’organe officiel. « Dieu protège la France, disait-il à l’empereur, puisqu’il vous a créé pour elle ; » et au pape : « Félicitons N. S. P. le pape d’avoir été désigné par la Providence pour sacrer Napoléon. » Des harangues si dévouées eurent bien vite leur récompense. François fut fait comte de l’Empire, grand officier de la Légion d’honneur, etc., puis envoyé par le Sénat en Allemagne pour complimenter l’empereur sur ses victoires et en rapporter les trophées à Paris. La Restauration n’émut pas notre sénateur. Il l’accueillit très-bien et adhéra pleinement à la déchéance de celui qui avait épuisé les honneurs sur sa tête. Il attendait une nomination de pair de France qui ne vint pas. Les Bourbons se souvenaient de ses virulentes apostrophes au clergé et craignaient d’indisposer ce dernier corps, leur rempart, en protégeant ouvertement l’ex-révolutionnaire. Outré de colère, mais se dissimulant sous un maintien plein de calme et de majesté, François retourna à Vicherey cultiver ses légumes et ses fleurs, et ne parut plus que fort rarement à l’Académie, où il lisait parfois des vers. C’était un homme aimable et aimé, aussi volage en amitié qu’en amour. Complètement négligé aujourd’hui, son talent mérite quelque sympathie en dépit des railleries de Rivarol, qui disait : « C’est de la prose où les vers se sont mis. » C’est au moins l’œuvre d’un homme de bien et d’un charmant écrivain. Ayant souvent disposé d’un pouvoir presque illimité, il s’en est toujours servi avec justice et modération. Au milieu de tous les excès, il a su conserver une physionomie sereine et tranquille qu’on aime à rencontrer dans ces orages terribles. Il a protégé les arts, donné à l’agriculture une forte impulsion, organisé pour ainsi dire l’instruction publique, conquis enfin, par cent bienfaits, une place importante dans notre estime et nos affections.

Ses ouvrages sont très-nombreux ; nous donnerons la liste des principaux : Épître à Mme la comtesse d’Alsace sur l’éducation de son fils, élégante traduction du latin, de Muret (Neufchâteau, 1776, in-8o) ; le Mois d’Auguste, épître à Voltaire, et ode sur le prix de l’Académie de Marseille (Paris, 1774, in-8o) ; le Désintéressement de Phocion, dialogue en vers (Nancy, 1778, in-8o) ; Nouveaux contes moraux, par un arrière-neveu de Guillaume Vadé (1781, in-12) ; Choix de quatrains et de distiques pour exercer la mémoire, pour orner l’esprit et former le cœur des jeunes gens (Paris, 1784 et 1798, in-12) ; Épître au ci-devant C…, député, sur un voyage de Paris à Neufchâtel (Paris, 1796, in-8o) ; Fables et contes en vers, suivis des poèmes de la Lupiade et de la Vulpéide, dédiés à Ésope (Paris, Didot, 1814, 2 vol. in-12 ; le faux titre porte : Œuvres de M. François de Neufchâteau) ; les Tropes ou les Figures de mots, poème en quatre chants avec notes (Paris, 1817, in-12) ; les Trois nuits d’un goutteux, poëme en trois chants (Paris, 1819, in-8o) ; Épître à M. le comte de Rochefort d’Ally, etc. (Paris, 1821, in-8o) ; Mémoire sur la manière d’étudier et d’enseigner l’agriculture (Blois, 1827, in-8o).

Ses éditions des Provinciales et des Pensées de Pascal sont très-remarquables ; il a fait aussi sur le Gil Blas de Le Sage des études qui le rangent parmi les critiques les plus ingénieux et les plus profonds.


François de Medicis, roman de M. Alfred des Essarts, publié d’abord dans le journal le Pays, puis édité par la maison Hachette, dans la Bibliothèque des chemins de fer (1859, in-18). C’est un des meilleurs livres de l’auteur et celui où il a peut-être mis le plus de soin dans son style facile et élégant. Les portraits et les événements historiques s’y mêlent aux inventions de la fantaisie et aux grâces de l’esprit. On sent chez les personnages le mouvement et la vie. On s’intéresse à Cassandra, noble Italienne, patricienne de Venise, qui, cédant à un premier souffle d’amour, épouse un commis florentin, lequel devient chambellan du grand-duc. On s’intéresse au prince François de Médicis, aimant une jeune femme inconnue qu’il a rencontrée une seule fois, et tout particulièrement à un fou de cour, dont le personnage est bien dessiné. En somme, l’ouvrage est un bon roman historique, où l’on sent l’érudit et l’écrivain.


François le Champi, drame de George Sand, tiré du roman du même auteur publié sous le même titre. C’est une fraîche pastorale qu’on dirait éclose sous un sourire du